Pire qu’on ne l’imaginait : les conséquences de la guerre en Irak

César Chelala

, par Common Dreams

 

Ce texte, publié originellement en anglais par Common Dreams, a été traduit par Lucille Groult, traductrice bénévole pour rinoceros.

 

En 2003, plusieurs semaines avant le début de la guerre d’Irak, j’ai écrit un article sur le conflit imminent, dans lequel je mettais en garde contre les conséquences humanitaires terribles qu’entraînerait une attaque militaire contre ce pays. Je n’ai jamais imaginé qu’elles seraient bien pire que le scénario cauchemardesque que je peignais dans mon article.

Un article récent des docteurs Busby, Hamdan et Ariabi dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health décrit les conséquences pour la population civile de l’assaut des forces de la coalition sur Falloujah en 2004. Leurs conclusions sont basées sur une recherche qu’ils ont conduite en janvier et février 2010, au cours de laquelle une équipe de chercheurs a visité 711 maisons de Falloujah pour faire remplir un questionnaire en arabe sur les cancers, les malformations congénitales et la mortalité infantile.

Parmi leurs découvertes, une augmentation dramatique de la mortalité infantile, des cancers et des leucémies des années après l’attaque de cette ville. Le taux de mortalité infantile était de 80 pour 1000 naissances, plus de 4 fois le taux observé en Egypte et en Jordanie, et 9 fois le taux du Koweït. Après 2009, le taux de mortalité infantile a augmenté encore plus nettement, atteignant 136 morts pour 1000 naissances.

Dès 2005, des docteurs irakiens de Falloujah déclaraient qu’ils étaient submergés par le nombre de bébés nés avec de sérieuses malformations, et ils ont également signalé le nombre élevé de cancers et de fausses couches dont souffrait la population de la ville. Le taux de bébé nés avec des malformations du cœur est 13 fois plus élevé qu’en Europe.

Le professeur Chris Busby, un expert dans le domaine des effets de la radiation sur les humains, indique que les particules d’uranium peuvent altérer l’ADN du sperme et des ovules chez les adultes contaminés, et causer ainsi une multitude de malformations congénitales chez tout bébé que ces adultes concevraient. Un docteur de Falloujah cité par le Inter Press Service déclara : « Je peux affirmer que toute une série de pollutions ont été constatées à Fallujah après le massacre de novembre 2004. »

L’armée américaine, qui a tout d’abord nié avoir utilisé du phosphore blanc en tant qu’arme anti-personnelle à Falloujah, est revenue plus tard sur ce déni et a admis en avoir utilisé. Cependant, le Pentagone soutient que le phosphore blanc n’empoisonne pas les personnes, mais les brûle. Par conséquent, son utilisation relève du Protocole sur les armes incendiaires, que les États-Unis n’ont pas signé. Alors que l’utilisation du phosphore blanc par Saddam Hussein contre les Kurdes a été sévèrement critiquée, la même critique devrait s’appliquer à l’utilisation du phosphore blanc contres les civils à Falloujah.

En plus du phosphore blanc, des munitions à uranium appauvri (UA), contenant des déchets faiblement radioactifs, ont également été utilisées à Falloujah. D’après le Pentagone, 1 200 tonnes de munitions à uranium appauvri ont été utilisées à ce jour en Irak.

Des rapports sur l’offensive américaine à Falloujah ont dénoncé les violations massives des droits de l’homme commises à cette occasion, y compris une violence aveugle affectant civils et enfants.

Écrivant pour The Independant, Patrick Cockburn déclare : « Au cours de l’assaut, les commandants américains ont largement traités Falloujah comme une zone de feu à volonté, afin de réduire les victimes parmi leurs propres troupes. Des fonctionnaires anglais ont été consternés par le manque d’intérêt pour les victimes civiles. »

Un documentaire produit par la RAI, la télévision d’Etat italienne, montre une série de photographies de cadavres de Falloujah avec la chair brûlée mais les vêtements encore intacts, une caractéristique compatible avec les effets connus du phosphore blanc. Je me souviens d’un poème de Yusef Komunyakaa, « Toi et moi disparaissons », dont la première strophe dit :

« Le cri que je descends de la montagne
Appartient à une jeune fille qui brûle encore
Dans ma tête. Au point du jour
Elle brûle comme un morceau de papier »

César Chelala, est correspondant étranger pour le ‘Middle East Times International’ (Australie)