Le travail des enfants reste un phénomène mondial qui touche toutes les régions du globe. Les principaux chiffres qui émanent des grandes organisations internationales sont des extrapolations à partir d’observations de terrain :
– 318 millions d’enfants de moins de 18 ans travaillent dans une activité productive quelle qu’elle soit.
– 215 millions d’enfants de 5 à 17 ans travaillent. Des baisses significatives ont été enregistrées entre les années 2000 et 2004 : - 11 % (de 246 millions à 218 millions) entre ces deux dates et entre les années 2004 et 2008 : - 3 %. Parmi ceux qui sont âgés de 5 à 14 ans, le nombre d’enfants contraints de travailler a reculé de 10 % et le nombre d’enfants exerçant une activité dangereuse a chuté de 31 %. Les normes de l’OIT concernant le travail des enfants ont connu de considérables progrès quant à leur ratification, à savoir les conventions n° 182 (sur les pires formes de travail des enfants) et n° 138 (sur l’âge minimum). Cependant, un tiers des enfants dans le monde vit dans des pays qui n’ont pas ratifié ces conventions (sources : OIT, 2010)..
– Plus de 22 000 enfants meurent chaque année au travail (Rapport de la FAO 2007).
– 300 000 enfants soldats (Unicef, 2007).
Les différentes sources ne concordent pas toujours car elles ne prennent pas en compte les mêmes données (âge ou type d’activité). Par ailleurs, il est difficile de mesurer l’ampleur du travail enfantin quand il se confond avec le travail des adultes ou qu’il se déroule dans le domaine familial, et d’évaluer les activités illégales ou de connaître les chiffres de pays fermés aux grandes organisations. Le dernier rapport de l’Unicef (2006) constate enfin que des millions d’enfants sont devenus « pratiquement invisibles » aux yeux de la communauté internationale et n’apparaissent pas dans les statistiques. Ce sont des enfants sans identité officielle mais aussi des enfants orphelins qui vivent dans la rue, des enfants mariés avant l’âge légal, des enfants exploités à l’abri des regards.
Quelques exemples de secteurs qui embauchent massivement de la main d’œuvre enfantine
L’agriculture
70 % des enfants qui travaillent dans le monde participent aux activités agricoles, souvent dans le cadre du travail familial. Outre le fait qu’elles ne leur permettent pas de suivre une scolarité, ces activités présentent de plus en plus de dangers pour leur santé (machines dangereuses, nuisance des pesticides, etc.).
Les mines et les carrières
Petites mines et carrières font partie d’un secteur artisanal qui emploie des familles entières et concernerait un million d’enfants de 5 à 17 ans. En Amérique latine, dans les Andes, ces enfants font fréquemment vivre le reste de la famille. Leur petite taille leur permet d’atteindre des zones qui ne sont pas accessibles aux adultes et donc particulièrement dangereuses.
Le dernier rapport du BIT concernant ce domaine d’activité est alarmant : les enfants y sont exposés aux poussières, subissent des horaires excessifs et sont constamment exposés aux dangers des machines, des explosifs, du mercure.
Le secteur informel et les enfants des rues
Le secteur informel concerne les activités qui s’effectuent en marge du marché du travail classique, hors de la règlementation publique. Elles échappent donc aux regards des gouvernements et des syndicats. Ce secteur toucherait 500 millions de personnes dans le monde et a beaucoup grossi dans les villes, à cause de la désertion des régions rurales. Beaucoup de personnes et d’enfants ont aujourd’hui recours à ce type d’activités précaires pour assurer leur survie : vendeurs ambulants, cireurs de chaussures, laveurs de vitre, chiffonniers… Les enfants des rues, qui seraient 100 millions à vivre et travailler dans les rues (chiffres PNUD), ont largement recours au secteur informel.
Les ateliers de misère ou « sweatshops »
Les petits ateliers, dont l’objectif est de produire à des prix les plus bas possibles, sont de gros employeurs d’enfants dans la confection, la fabrication de tapis, la taille de diamants, la fabrication du verre…
Dans ces ateliers, les conditions de travail ont été souvent dénoncées, à juste titre, comme une forme d’esclavage : horaires de travail à rallonge, clandestinité, faible rémunération…
Les pires formes d’exploitation des enfants et risques encourus
Il s’agit de la mainmise d’un « propriétaire » sur un individu qu’il considère comme sa « marchandise » et donc corvéable à merci. Différentes formes de travail esclave subsistent actuellement et concernent 8 à 9 millions d’enfants dans le monde, soumis notamment, aux formes traditionnelles de l’esclavage de castes, pratiqué en Inde, en Afrique et dans certains pays du Golfe Persique, à la servitude pour dettes, en Asie et dans certaines régions d’Amérique latine ou encore à la vente d’enfants. D’autres formes plus contemporaines concernent la servitude domestique, la prostitution forcée, le travail clandestin. L’esclavage domestique existe sur tous les continents.
La misère fait perdurer ces systèmes esclavagistes, les enfants devant travailler pour rembourser une dette familiale se transmettant de génération en génération. D’autres, placés comme domestiques dans des familles en ville, se retrouvent sans droits et souvent maltraités
Les cas les plus connus sont les « petites bonnes du Bénin » ou les « restavec » d’Haïti. Dans le cas d’Haïti, il y aurait 300 000 enfants réduits en esclavage par leur famille d’accueil (UNICEF).
Un autre phénomène de servitude extrême concerne les migrants, dont de nombreux enfants sont victimes de réseaux de trafiquants qui assurent le passage des frontières : le trafic d’enfants entre le Mali et la Côte d’Ivoire, le travail forcé dans les plantations au Brésil, les réseaux de mendicité organisée en Europe en sont autant d’exemples.
Enfin, la traite d’enfants est une réalité qui est en train de s’amplifier : des bandes criminelles exportent chaque année des milliers d’enfants d’un pays à l’autre pour les faire travailler dans les plantations, dans des usines, dans les rues ou comme domestiques, ou encore dans des réseaux d’exploitation sexuelle, en prétextant que ces travaux servent à rembourser le prix de leur voyage. Un million d’enfants seraient victimes de ces pratiques opaques.
La prostitution
L’Unicef estime à 10 millions le nombre d’enfants qui entrent dans la prostitution à l’âge de 10-12 ans. En cause : la pauvreté de certaines familles contraintes de vendre leur enfant et les réseaux internationaux qui profitent de la misère humaine, d’enfants qui vivent dans les rues ou dans des conditions extrêmement précaires, pour faire de l’argent, face à une demande qui ne faiblit pas. C’est le cas des enfants « confiés » en Afrique ou des enfants des pays d’Europe de l’Est. Près de 2 millions d’enfants sont ainsi exploités dans l’industrie du sexe à des fins commerciales. Le développement du tourisme sexuel contribue à amplifier dramatiquement ce fléau.
Ces enfants subissent viols, maladies, mauvais traitements et nombreux sont ceux qui deviennent séropositifs.
Internet a suscité une autre forme d’exploitation, la « pédopornographie », dont la progression est difficile à combattre. La production de matériel de pornographie infantile concernerait 1 million d’enfants aux USA ; le Mexique est devenu le 2ème pays producteur après la Thaïlande.
Les enfants soldats
Le recrutement d’enfants pour participer à des conflits armés est une réalité « massive et mondiale » selon l’UNICEF. Ce phénomène des enfants soldats toucherait 250 000 enfants et adolescents à travers le monde. En Birmanie, le gouvernement recrute de force un grand nombre d’enfants soldats dont certains n’ont pas plus de 10 ans : ce sont 70 000 enfants qui sont actuellement soldats.
Ces enfants font partie d’une tactique de guerre : ce sont des soldats au rabais, pas chers à équiper, à nourrir et surtout, ils sont dociles, impressionnables et sensibles à l’autorité.
Ce recrutement massif est aussi lié au commerce des armes légères qui peuvent être maniées par des enfants.
Les guerres civiles poussent les enfants à être des acteurs dans ces conflits : c’est parfois un engagement volontaire, pour fuir la misère accrue par la guerre, par recherche de sécurité, pour des raisons d’identité de groupe ou par vengeance pour la mort d’un proche, mais le plus souvent, l’enrôlement est contraint et violent, notamment par le rapt. « On ne naît pas violent, on le devient. C’est si facile pour un enfant de devenir soldat », déclarait Ishmael Beah, ancien enfant soldat en Sierra Leone.
Dans les zones de combat, les enfants enrôlés peuvent avoir de multiples fonctions : soldats, espions, démineurs, messagers, porteurs, cuisiniers, mais aussi parfois esclaves sexuels. Maltraités et contraints de commettre des atrocités, ces enfants subissent des préjudices moraux, physiques et psychologiques extrêmement graves.
Leur réinsertion dans la société pose de gros problèmes aux pays pauvres : à cause du manque d’écoles, des traumatismes subis, du rejet qu’ils provoquent, de l’apathie et de l’alcoolisme où ils sont plongés, ces enfants n’ont plus les capacités de se projeter dans un avenir, proche ou lointain. Certains anciens enfants soldats du sud-Soudan n’ont ainsi jamais été réinsérés.
En 2007, une conférence internationale organisée par les autorités françaises et l’Unicef a conduit à la signature des « engagements de Paris », où 58 Etats se sont engagés à « lutter contre l’impunité, enquêter et poursuivre d’une manière effective les personnes qui ont illégalement recruté des enfants de moins de 18 ans dans des groupes ou des forces armés ».
Etat des lieux dans les pays du nord
L’exploitation des enfants par le travail n’a pas la même ampleur dans les pays du Sud que dans les pays occidentaux où, à cause de son illégalité, elle s’effectue loin des caméras et où elle a tendance à être minorée.
Les réalités sont diverses : de la tradition du « job » ou petit boulot, qui permet au jeune de se faire de l’argent de poche en dehors de ses heures de classe, au travail domestique ou familial à plein temps, pour compléter les revenus familiaux, il y a un gouffre important.
En Europe, des millions d’enfants sont au travail dans le commerce, l’industrie, le tourisme...
En Grande Bretagne, l’un des pays où la législation sur le travail des enfants est intervenue le plus tôt, on compte plus de 2 millions d’enfants qui travaillent régulièrement. 36 % des écoliers seraient au travail avant 7 heures du matin ou après 19 heures le soir (chiffres du Trade Union Congress). Ce sont surtout les enfants de parents pauvres, et notamment de parents immigrés, qui travaillent dans les bars, dans des boutiques, dans des entreprises de nettoyage ou chez des particuliers en dehors des heures de classe pour offrir un complément de revenu à leur famille. Comme dans les pays en développement, les employeurs en profitent pour exploiter cette main d’œuvre malléable en les payant très peu, en allongeant leurs horaires de travail, en leur faisant prendre des risques qui conduisent bien souvent à des accidents du travail…
En France, les jeunes de moins de 18 ans ne représentent que 0,65 % de la masse salariale mais plusieurs milliers d’enfants ne sont pas scolarisés La législation française autorise le travail des enfants - combiné à un cursus scolaire ou une formation - pour quelques cas bien spécifiques : l’apprentissage et l’insertion dans la vie professionnelle (contrats d’apprentissage, en alternance…), les travaux légers pendant les vacances d’été ou l’entraide familiale. Mais les cas de non respect de ce cadre légal sont nombreux.
Aux Etats-Unis, les enfants seraient près de 5 millions à avoir un travail régulier, dans l’agriculture pour la plupart, notamment dans les grandes exploitations de fruits et légumes des Etats du Sud (Floride, Californie, Texas…). La majorité d’entre eux ne sont pas scolarisés. Beaucoup sont des enfants de migrants ou issus des groupes ethniques minoritaires (minorités noires et hispaniques). Ces enfants réalisent des tâches qui les exposent à des dangers certains, qu’il s’agisse des blessures liées au maniement des outils ou du contact avec les pesticides.