Panique et impuissance au sommet : grave dérive répressive en Algérie

, par Algeria-Watch

Véhicule des unités anti-émeute de la police algérienne
Source : Aminouartistou - Wikipedia (CC BY-SA 3.0)

Depuis quelques semaines, une vague de répression sans précédent depuis les années 1990 de sinistre mémoire s’est abattue sur l’Algérie. La volonté manifeste du régime militaro-policier de mettre un terme aux protestations populaires du Hirak était observée dès avant la série d’incendies qui a ravagé cet été plusieurs régions du pays, la Kabylie au premier chef, en termes de pertes humaines et de dégâts matériels.

Cette dérive est également illustrée par la décision illégitime et illégale du Haut Conseil de sécurité, le 18 mai 2021, de classer le mouvement Rachad et le MAK comme « organisations terroristes », ouvrant la voie à l’arbitraire. Les réseaux sociaux et les médias relayent depuis plusieurs semaines les très nombreuses arrestations opérées par les services de sécurité, ciblant des personnalités du Hirak, des activistes moins connus, hommes et femmes, et des acteurs pacifiques de tous les horizons politiques. La justice, appareil servile par excellence, se charge de condamner sans raison ni justification, dans des parodies de procès, ces honorables citoyennes et citoyens à de longues peines de prison et de lourdes amendes.

La criminalisation de la vie politique et de toute expression critique est la ligne ostensiblement imposée par les « décideurs » notamment depuis la Constitution « Tebboune » promulguée le 1er janvier 2021. La police politique considère comme « terroristes » tous ceux qui expriment des opinions politiques hors du cadre clientéliste et des fausses institutions instaurées par la force et la fraude. La volonté de bâillonner toutes les expressions a atteint des sommets de cynisme et d’absurdité à la suite de la mort atroce, dans de troublantes circonstances, du jeune militant du Hirak Djamel Bensmaïl, le 11 août 2021. Le régime montre ainsi très clairement qu’il a décidé de terroriser l’opinion publique à l’intérieur du pays et de contraindre par tous les moyens de l’intimidation et de la diffamation les communautés algériennes à l’étranger à interrompre une solidarité agissante dès les premiers jours du Hirak. C’est pour tenter de prévenir de nouvelles révoltes que cette main de fer policière s’abat sur la société, confrontée à un contexte de plus en plus insupportable de chômage, de pénuries de tous ordres et de hausse vertigineuse des prix des produits de base.

Le peuple algérien, abandonné par un régime dévoyé, est confronté à une pauvreté croissante, à l’effondrement du système de santé et au creusement sans précédent des inégalités qui renvoie l’essentiel de la population à des conditions de précarité et de désespoir jamais observées depuis l’indépendance du pays il y a bientôt soixante ans. Révélatrices de la lassitude et de la désespérance de très nombreux Algériens, les vagues d’immigration clandestine vers l’Europe sont de plus en plus importantes et concernent toutes les tranches d’âges, l’ensemble des régions du pays et toutes les catégories sociales.

Les perspectives socioéconomiques sont loin d’inciter à l’optimisme. Et l’inquiétude grandit devant l’absence de volonté et l’incapacité du régime d’esquisser la moindre politique de redressement. Il ne reste qu’une fuite en avant dans un libéralisme dévoyé et, au bout de l’échec, l’inéluctable appel au secours en direction du FMI dont tous connaissent les dévastatrices préconisations « d’ajustement structurel » et la perte de souveraineté qu’elles induisent. Mais il est clair que la dictature est déterminée à se maintenir dans ses formes actuelles jusqu’au dernier dollar de la rente. Au fil des scandales et des règlements de comptes au sommet, ce régime stérile et incompétent exhibe en permanence l’étendue de la corruption qui le ronge.

L’escalade répressive en cours se déroule dans l’indifférence coupable de la « communauté internationale » et des États européens, parfaitement informés de la violence du régime et du pacifisme d’une société exemplaire dans ses revendications politiques. Cette passivité se mue parfois, dans le déshonneur et l’infamie, en complicité active, à l’image d’un ministre de l’Intérieur en Espagne, pays qui abrite une bonne partie des grands corrompus algériens, qui a remis le 20 août 2021 Mohamed Abdallah, un exilé politique parfaitement honnête et pacifique, aux polices de la dictature.

Pour le peuple algérien, cette complicité des puissances occidentales est clairement synonyme d’une immixtion étrangère en faveur du régime répressif. Et le silence des grands médias et d’organisations internationales des droits de l’homme devant la brutalité d’une répression aveugle qui touche aujourd’hui tous les milieux, toutes les catégories sociales, femmes et hommes, dans une spirale sans fin d’arbitraire, interpelle tous ceux pour qui la dignité humaine et les libertés sont indivisibles.

Le mépris ostensible du droit et la dignité sans cesse piétinée des Algériennes et des Algériens ouvrent sur des perspectives désastreuses. L’orientation absurdement répressive imposée par les chefs de l’armée qui accule la société au désespoir, exacerbe les contradictions du régime en accentuant les nombreux clivages et conflits d’intérêts au sommet. Le tout-répressif dans un tel contexte de dégradation de l’ensemble des indicateurs socio-économiques traduit avant tout l’aveuglement antinational du régime et l’ambiance de panique qui règne au sommet. L’option sécuritaire, illégale et illégitime, est un pari perdu d’avance au coût exorbitant. En refusant une ouverture politique sage et raisonnée, en rejetant une évolution ordonnée et pacifique d’un système périmé, les décideurs militaires achèvent de se discréditer et créent les conditions d’un effondrement sans précédent de l’Etat. Les dirigeants effectifs du pays assument devant le peuple Algérien et devant l’histoire l’entière responsabilité des développements d’une crise généralisée aux conséquences dramatiques.

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