Niger - Quand l’antiterrorisme justifie la restriction de l’espace civique

Un rapport de la coalition Tournons La Page

, par Tournons La Page

Depuis le début de l’année 2018, le mouvement Tournons La Page constate au Niger une remise en cause de l’exercice de certains droits péremptoirement consacrés par le Pacte International relatif aux droits civils et politiques et la Constitution nigérienne du 25 novembre 2010. Les libertés de manifestation, de réunion et d’opinion sont en effet aujourd’hui mises en danger et bafouées par les autorités administratives non élues des différentes municipalités du pays. À mesure que la situation sécuritaire du Niger s’est dégradée, les interdictions de manifester envers les organisations de la société civile (OSC) se sont multipliées. À plusieurs reprises, ce sont même des réunions dans des lieux privés qui ont été empêchées et ce, sans motifs valables.

Dans son rapport, publié le 24 mars 2020, Tournons La Page compile les différentes interdictions de manifestation délivrées par les autorités administratives et municipalités nigériennes depuis le début de l’année 2018. Le constat est sans appel : l’interdiction de manifester pour la société civile est devenue la norme et non l’exception.

En outre, ce rapport met en lumière le lien entre discours sécuritaire et restriction du droit de manifester. En effet, les arrêtés anti-manifestations font ressortir l’instrumentalisation de « l’insécurité », utilisée comme une notion fourre-tout, pour punir des acteurs de la société civile qui souhaitent exercer leur rôle de vigilance citoyenne et de critique sociale.

La plupart des arrêtés d’interdiction sont rendus la veille ou l’avant-veille de la manifestation, rendant impossible la poursuite de l’arrêté en référé ou la négociation avec les autorités. Si certaines fois, il est encore temps pour les organisateurs de se pourvoir en référé et d’obtenir l’annulation de l’interdiction, il est difficile dans ces délais de faire appel à la justice.

Tournons La Page rappelle dans son rapport que le droit d’association et le droit de réunion sont promus et gravés dans la constitution du Niger. Le mouvement mentionne en outre que toute manifestation sur les voies publiques, conformément à la loi N°2004-45 du 08 juin 2004, ne soumet les organisateurs qu’à un régime de déclaration préalable.

Tournons La Page s’inquiète également de la mise en danger de la liberté de réunion consacrée par les textes nationaux et internationaux et rappelle qu’il est urgent de s’assurer du bon respect du droit de manifester, afin d’assurer une campagne électorale équitable et que chaque acteur (société civile, majorité et opposition) puisse jouer pleinement son rôle.

Afin de faire évoluer positivement cette situation, Tournons La Page demande au Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies d’ouvrir un dialogue exigeant avec l’État nigérien pour une ouverture de l’espace civique à la veille d’élections décisives pour le Niger.

Enfin, l’Union Européenne et ses États-Membres doivent aussi accroître leur vigilance quant aux soutiens multiformes qu’ils apportent au Niger en matière de lutte antiterroriste et veiller à ce que ces aides ne conduisent pas à un affaiblissement de l’État de droit et des libertés collectives.

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