Netizen Report : Les autorités iraniennes bloquent le trafic web international et les plateformes de messagerie

, par Global Voices

Le Netizen Report de Global Voices offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Vue nocturne de Machhad. Photo de l’utilisateur Flickr Farnaz Ghandi (licence CC BY-SA 4.0)

Dans un contexte dominé par une vague de manifestations organisées à travers le pays début janvier 2018, les autorités iraniennes ont pris des mesures fermes pour restreindre la communication et le partage d’informations sur des plateformes telles que Telegram et Instagram.

Le 2 janvier, des employés de l’Internet Exchange Point iranien ont indiqué au Centre national pour les droits humains que le gouvernement leur avait ordonné de restreindre l’accès au trafic international, une mesure qui empêche temporairement l’accès aux données internationales en Iran.

Ce type de restrictions connaît une augmentation depuis le 28 décembre, lorsque des manifestations ont éclaté à Mashhad, ville du nord-est, en réponse au chômage, à la hausse du prix des denrées alimentaires et aux accusations de malversations à l’encontre de dirigeants aussi bien réformistes que conservateurs. Dès le lendemain, les manifestations se sont étendues aux principales villes ainsi qu’aux plus petites localités.

Le 31 décembre, le service de télécommunication de la République islamique d’Iran a annoncé que les autorités avaient « temporairement » bloqué Telegram et Instagram pour « préserver la paix et la sécurité des citoyens », une décision préoccupante dans un pays où l’accès à Facebook et à Twitter est coupé depuis les manifestations du Printemps perse de 2009.

Le blocage de Telegram implique d’importantes conséquences, car l’application de messagerie mobile compte de très nombreux utilisateurs dans le pays. En effet, parmi les 45 millions d’internautes iraniens, 40 millions utilisent Telegram pour rester en contact avec famille et amis, lire et partager des informations au sujet de l’actualité ou encore suivre les événements publics (y compris les manifestations). Comme les manifestations ont pris une tournure violente dans certaines villes (les médias nationaux font état de 21 personnes tuées dans les affrontements), les canaux de communication ouverts ont gagné en importance en matière de sécurité publique.

Aussi, l’utilisation des outils de contournement de la censure numérique a faibli, à cause semblerait-il des restrictions auxquelles doivent faire face leurs sites. Les compagnies comme Digital Ocean, qui héberge des outils tels que Lantern, ont également connu des perturbations.

Malgré ces restrictions, les Iraniens utilisent toujours Internet pour rapporter et documenter ce qu’ils traversent. Une vidéo, qui proviendrait de Bandar Abbas, montre des manifestants qui ont bouté le feu à un panneau d’affichage exhibant le portrait du guide suprême d’Iran, Ali Khamanei. Hamid Yazdan Panah, collaborateur de Global Voices et avocat spécialisé en droit de l’immigration, décrit cela comme un « acte de rage et de défiance qui ne peut s’expliquer seulement par le prix des œufs ou le désir de réforme politique ».

Blocage d’Internet en RDC avant des manifestations

Le 30 décembre, les autorités de la République démocratique du Congo ont ordonné aux fournisseurs de télécommunications de bloquer l’accès à Internet et aux services SMS en prévision des manifestations qui se sont déroulées dans de nombreuses villes le lendemain. Les manifestants, dont beaucoup étaient organisés au sein de groupes ecclésiaux, demandent que le président Joseph Kabila abandonne son intention de modifier la limite relative aux mandats présidentiels dans la Constitution.

En Inde, les données personnelles d’Aadhaar mises en vente

Dans une tentative d’étudier la sécurité des données personnelles conservées par Aadhaar, le gigantesque système d’identification indien, des journalistes du Tribune of India ont réussi à obtenir « un accès illimité aux informations relatives à n’importe lequel du milliard de numéros d’Aadhaar créés jusqu’ici en Inde », par une simple réponse à une annonce qui circulait sur WhatsApp et le paiement de 500 roupies (environ 7,90 USD). L’Autorité indienne d’identification unique (UIDAI) indique que le journal « n’a pas rendu compte des faits de manière exacte ». La réponse du Tribune of India est disponible ici.

La loi pakistanaise sur la cybercriminalité inclura bientôt le blasphème en ligne

Le gouvernement pakistanais a approuvé un amendement à la loi de 2016 sur la prévention des crimes électroniques, élargissant ceux-ci aux expressions de blasphème et de pornographie en ligne, désormais considérées comme des délits pénaux. Cette modification pourrait ouvrir la voie à des condamnations pénales contre toute personne qui publierait sur les réseaux sociaux du contenu pouvant être interprété comme blasphématoire.

Un tribunal allemand statue contre l’espionnage

Le 13 décembre 2017, le Tribunal administratif fédéral de Leipzig (Allemagne) a accepté la plainte de Reporters sans frontières contre le service de renseignement extérieur allemand (BND). La décision adoptée stipule que le BND ne peut pas conserver de métadonnées relatives aux appels internationaux, telles que des numéros de téléphone ou la date et l’heure d’un appel, à des fins d’analyse de renseignement. Elle devrait avoir de fortes répercutions pour le BND, qui collecte en moyenne 220 milliards de métadonnées au quotidien, comme l’indiquait une série de documents rendus publics par le Zeit Online en 2015.

7500 personnes pour traiter les propos haineux sur Facebook, est-ce suffisant ?

Après avoir passé en revue 900 exemples de contenus haineux sur Facebook, le média d’investigation ProPublica a remarqué que près de 50 n’avaient pas été supprimés par le réseau social, malgré les efforts des utilisateurs pour les signaler. ProPublica indique également que Facebook emploie à peine 7500 modérateurs pour étudier les signalements de discours haineux, alors que les utilisateurs actifs sont estimés à 2,2 milliards dans le monde. L’article explique :

Dans 22 cas, Facebook a expliqué que ses modérateurs avaient commis une erreur. Pour 19 autres, la société a défendu la décision prise. Pour six cas, Facebook a commenté que le contenu enfreignait son règlement, mais que les modérateurs n’avaient pas pris de décision, car les utilisateurs ne l’avaient pas correctement signalé ou parce qu’il avait été supprimé par l’auteur. Enfin, dans deux autres cas, il a indiqué ne pas disposer pas des informations nécessaires pour répondre.

L’Allemagne commence à appliquer la loi contre les discours haineux

Janvier 2018 marque pour l’Allemagne l’entrée en vigueur complète de la controversée loi sur les propos haineux, surnommée NeztDG pour Netzwerkdurchsetzungsgesetz. Celle-ci demande que les réseaux sociaux répondent aux requêtes du gouvernement de supprimer des contenus illégaux, y compris des propos haineux et des fausses informations, dans un délai de 24 h. Les sociétés disposent ensuite de sept jours pour étudier la suppression d’autres contenus ambigus. Facebook, Twitter et Google/YouTube sont les principales plateformes visées par l’application de la loi.

Le Code pénal allemand contient déjà une définition du discours haineux. La loi ne contient par conséquent ni nouvelles mesures ni nouvelles définitions. Par contre, elle oblige les sociétés à agir contre de tels propos ou les rend passibles d’amendes astronomiques. Sans précédent dans le monde, elle pourrait avoir un effet domino capable de changer la donne.

Nouvelles études

  • Occasionally by Decree : Update on the Blocking of Websites in Egypt – Association for Freedom of Thought and Expression in Egypt
  • Champing at the Cyberbit : Ethiopian Dissidents Targeted with New Commercial Spyware – Citizen Lab
  • New Broadband Pricing Data : What does it cost to purchase 1GB of mobile data ? – Alliance for Affordable Internet

Mahsa Alimardani, Ellery Roberts Biddle, Nevin Thompson, Mohamed ElGohary, James Losey, Vishal Manve, Georgia Popplewell, Talal Raza, Juke Carolina Rumuat et Sarah Myers West ont contribué à l’élaboration de ce rapport.

Lire l’article original sur le site GlobalVoices.org