Mexique : la maladie de la santé

Par Luis Hernández Navarro

, par Carta Maior

Ce texte a initialement été publié en portugais, et il a été traduit par Marie Uteau, traductrice bénévole pour rinoceros.

La propagande du gouvernement a caché une réalité explosive au Mexique. Ces dernières années de nombreux conflits ont émergé dans le système de santé publique. De puissants entrepreneurs font pression pour la concession de services de santé et la privatisation de presque la totalité de la médecine sociale. Les usagers se plaignent de la faible qualité du service. Les pauvres continuent de mourir de maladies facilement curables.

Avec en ligne de mire les élections présidentielles de 2012, le gouvernement de Felipe Calderon a annoncé que le pays parviendrait bientôt à une couverture de santé universelle. Quotidiennement, à la télé comme à la radio, sont diffusées des annonces propageant la bonne nouvelle. Le représentant mexicain souhaite promouvoir l’image que sa gestion a laissé plus que des dizaines de milliers de morts et une économie paralysée.
Ce discours positif a souvent été remis en question par les spécialistes et les partis d’opposition. Ces derniers affirment que la couverture santé universelle ne concerne pas toute la population ni toutes les maladies. Selon eux, il s’agit à peine d’une stratégie rudimentaire d’assurance maladie incomplète, essentiellement préventive, avec une faible solvabilité clinique, qui ne soigne pas ce qui rend malade et tue dans le Mexique du XXIème siècle.

La propagande du gouvernement cache une réalité explosive. Ces dernières années de nombreux conflits ont émergé dans le système de santé publique. La situation des finances des principales institutions de protection sociale s’est révélée déficitaire. De puissants entrepreneurs font pression pour obtenir la concession de services et la privatisation de presque la totalité de la médecine sociale. Les usagers se plaignent de la faible qualité du service. Les pauvres continuent de mourir de maladies facilement guérissables.

Le Mexique compte 112 millions d’habitants. Selon les déclarations du gouvernement, les différents systèmes de santé publics offrent la protection sociale à 93 millions de personnes. Parmi celles-ci, 52 millions sont couvertes par la Sécurité Populaire (Seguro Popular), programme destiné aux acteurs informels de l’économie et qui a vu le jour avec l’arrivée au pouvoir du parti de droite PAN (Parti d’Action Nationale). Il s’agit de chiffres qui n’ont rien à voir avec la réalité.

Les services médicaux sont à la limite de la faillite. Selon les données officielles, au Mexique, pour 1000 habitants il y a 1,1 lit ; 2,2 médecins et 2,5 infirmières. Il y a une pénurie de personnel spécialisé et d’équipes paramédicales, l’équipement est obsolète, un manque d’approvisionnement de médicaments. Dans quatre Etats, il y a moins d’un neurologue pour un million d’habitants. Les hôpitaux généralistes sont bondés. Les hôpitaux spécialisés manquent de personnel médical. Le pays manque de moyens pour prendre en charge rapidement et convenablement les patients.

La couverture universelle des soins existe dans le discours des politiques mais non dans la réalité. Beaucoup d’affiliés au Seguro Popular vivent dans des communautés rurales où les services médicaux n’existent pas. Le programme assure une couverture pour le traitement mais ne prend pas en charge les complications qui peuvent en découler. Il couvre juste 275 interventions médicales. C’est comme si, en assurant sa voiture, on assurait seulement les pneus en renonçant à assurer le reste.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en Amérique Latine, le Mexique occupe une des plus mauvaises places dans le classement concernant la justice du financement de la santé. L’institution la plus importante du secteur, l’Institut Mexicain de Sécurité Sociale (IMSS), couvre moins de 30% de la population active. Ses charges du personnel sont énormes. A cause de l’accélération économique, des dizaines de milliers de travailleurs ont perdu la couverture d’assurance médicale. Les entrepreneurs refusent d’augmenter la cotisation qu’ils versent à l’institution. Peu importe que celle-ci, représentant 6,5 % du salaire (à destination de l’assurance santé), en plus de la cotisation sociale, corresponde à l’un des pourcentages les plus bas du monde.

Avec la fragilisation des réseaux de protection sociale du gouvernement fédéral, la voie se libère pour les grands intérêts privés : on assiste à la confiscation des secteurs du système de santé publique par ceux qui y ont encore un certain accès, ce qui revient au même, à la privatisation de la médecine sociale.

Les compagnies d’assurances, les monopoles pharmaceutiques, les grands centres hospitaliers mais aussi les groupes financiers cherchent à adopter un système de marché dans lequel l’offre de santé publique disparaîtra progressivement pour ouvrir la voie à la négociation entre particuliers. Dans ce système, l’initiative privée assumerait toutes les ressources de la sécurité sociale, exceptées celles des zones marginalisées. Les pauvres, c’est bien connu, ne sont pas une bonne affaire.

Le système de santé publique est malade, il doit être soigné. Mais, il n’est pas possible de le faire avec le traitement prescrit par l’initiative privée : tuer le patient. Ce que l’on exige d’un traitement, c’est qu’il permette de récupérer sa vocation de service public, d’instrument de solidarité sociale et de redistribution des richesses.