« Lutte contre les conflits et vivre ensemble », comment Lyon à double sens se positionne ? Qu’est-ce qu’elle propose ?

Retour d’expérience

, par LADS

Nous sommes vendredi matin. En voiture avec Mégane et Marion à destination de Saint Fons pour intervenir auprès d’enfants actuellement en classe de CM1 dans une des 6 écoles présentes dans la ville. C’est la deuxième fois que nous allons voir ces enfants. Nous les avons rencontrés il y a deux semaines pour une première intervention qui nous a permis de prendre la température du groupe et d’en comprendre les dynamiques et ce qui se « joue » entre eux.

Globalement ce que nous avons vu, c’est que certains se cherchent constamment les uns avec les autres, ce sont toujours les mêmes qui s’autorisent à prendre la parole et les filles ont du mal à se faire une place. Points sur lesquels nous étions plus ou moins préparées puisque c’est la raison pour laquelle on est venu nous chercher. Les points positifs remarqués et qui nous laissent présager que le travail va pouvoir porter ses fruits : les enfants sont joueurs, des nouveaux outils de prise de parole sont appréciés, le rapport aux règles est discutable ensemble.

Mais d’abord, pourquoi est-ce que nous sommes ici ?

Ce sont 3 étudiants de l’Institut Bioforce (école d’humanitaire) qui sont venus nous chercher dans le cadre de leur module de formation autour du développement et de la solidarité locale. Suite à une problématique de conflits dans l’école, la directrice et l’équipe pédagogique ont souhaité faire appel à Bioforce afin qu’un diagnostic soit fait et que des solutions soient proposées pour les aider. Et c’est là que LADS apparaît !

Plusieurs rencontres avec les étudiants puis avec l’équipe pédagogique de l’école nous ont permis de bien cerner les besoins et de construire une proposition d’intervention adaptée. Ce que nous avons surtout identifié, ce sont des besoins en communication, cohésion de groupe et lutte contre les discriminations.

C’est bien beau tout ça mais comment on fait ?

Ce que l’on a proposé et qui a été validé par l’équipe et soutenu financièrement par la mairie de Saint Fons, c’est 4 interventions à destination des enfants de CM1. Deux séances pour cette fin d’année scolaire : l’apprentissage de la communication au sein d’un groupe pour commencer puis la coopération pour faire groupe. Et ensuite, à la rentrée, une séance pour relancer une dynamique avec un travail à nouveau sur la communication pour mieux vivre ensemble, et enfin une autre sur « mieux se connaître pour mieux comprendre les autres ».

Alors, à nous de jouer !

Ce vendredi matin, nous arrivons donc avec un peu de challenge pour eux : les faire jouer tous ensemble ! Pour des enfants qui ont du mal à faire groupe, nous sommes curieuses de voir comment ils vont réagir face aux jeux qu’on leur a sélectionnés.

Premier petit temps pour briser la glace, Mégane les invite à présenter leur voisin de gauche en ajoutant quelque chose qu’ils aiment bien chez cette personne : pour certain-e-s, aucun problème, les compliments fusent « j’aime bien son T-shirt », « il est gentil », « elle rigole tout le temps », « il est fort à [tel jeu vidéo] »… et pour d’autres c’est gênant d’en recevoir ou compliqué voire impossible d’en émettre un. Alors, pourquoi c’est difficile de faire un compliment à quelqu’un ? « C’est parce qu’on a honte, on n’ose pas dire ». Et pourquoi est-ce qu’on a honte ? « C’est parce que quand un garçon dit un truc gentil à une fille on va croire qu’il est amoureux d’elle ». Voilà une remarque d’une jeune fille qui nous a occupés les prochaines minutes, avec notamment d’autres prises de parole telle que « de toute façon les filles et les garçons ils ne sont pas de la même race ! ». L’importance de discuter ensemble du vocabulaire, l’importance de parler de ces sujets, l’importance que tous les participant-e-s puissent se sentir libre de s’exprimer. Le temps passe, nous clôturons ce premier temps de débat. Le sujet « filles/garçons » reviendra plus tard dans la séance, encore une fois amené par les enfants eux-mêmes.

On continue avec le jeu du Yo qui permet, en cercle, de faire tourner une balle imaginaire du nom de « Yo », puis une seconde balle dénommée « plat préféré ». J’énonce la consigne qui est de réussir ensemble à faire tourner ces balles en veillant à ce que tous les participants la reçoivent – et en effectuant toujours la même trajectoire. Pour y arriver, les enfants se rendent rapidement compte par eux-mêmes qu’il faut mettre son cerveau en mode « mémoire » mais aussi et surtout en observation et écoute des autres. Le jeu est calme, un peu stressant pour certains, stimulant pour d’autres. Les enfants ont de l’humour, les plats préférés diffèrent du « kebab, salade tomates sans oignons sauce gruyère » aux « bulots » et « sandwich merguez » ! Il est 10h50, « hummm, ça donne faim ! ». Tous participent et sont pris dans le jeu ! Des temps sont propices aux conseils et techniques pour que les balles tournent facilement, on teste des idées… Au final, même s’ils n’arrivent pas facilement à faire tourner les 2 balles en même temps, c’est gagné pour la coopération !

La suite de l’intervention propose un second jeu de coopération, mais attention pour celui-là, silence complet !

Le quadrillage dessiné par terre intrigue les enfants. Sans communiquer verbalement, ils doivent trouver le chemin sur le quadrillage et tous y passer pour gagner le jeu. Alors, un à un, les voici partis à la recherche du bon chemin. Mégane leur indique leur bonne ou fausse route à l’aide d’un instrument de musique. Le jeu se déroule sans qu’aucune entraide n’apparaisse… les enfants s’observent, réagissent intérieurement ou pour eux-mêmes mais sans partage. C’est au bout de quelques minutes qu’un enfant lance un bracelet, qu’il avait autour de son poignet, sur une case comme indice pour aider celui qui est sur le quadrillage. La réaction de son voisin est de récupérer le bracelet et de lui redonner. Il réitère son geste plus tard et finalement le jeu se décante grâce à cette persévérance ! Un groupe d’enfants comprend alors que l’entraide est possible et se met donc à indiquer les cases pour que tous ensemble, ils trouvent le bon chemin.

Pour débriefer de ce jeu, nous revenons nous installer en cercle. Les retours sont intéressants, les enfants cogitent, ça se sent. Certain-e-s réalisent ce qui vient de se passer : « on s’est tous aidés », sous-entendu, « NOUS, notre classe, on l’a fait, wahou ! ». Une fille s’exprime, « c’était bien parce que les filles ont aidé les garçons et inversement », elle propose même « qu’on essaie de faire ça plus souvent ». Mais justement à ce moment-là, un groupe de garçons, très participatifs et coopératifs durant le jeu, décident de lâcher la conversation en cours. « Si, j’écoute » ! Cela permet alors d’aborder la distinction entre « écouter » et « entendre ».

On termine cette séance plutôt contentes : aucun moment « discipline » n’a été nécessaire, les enfants ont joué aux jeux proposés, ils se sont écoutés, observés, fait confiance et ont compris que même s’ils ne sont pas tous ami-e-s ils peuvent réussir quelques chose ensemble. Bien que la séance n’ait duré qu’une heure et demi, on se rend déjà compte de l’évolution du groupe : l’écoute entre eux, le respect de la parole de chacun… Cela a été possible notamment grâce à une adaptation du format de la séance mais aussi de nos outils pour donner la possibilité à ces enfants de vivre un réel temps de coopération entre eux.

A la fin, certain-e-s viennent nous remercier, ce qui n’avait pas été le cas lors de la première séance. Je crois que les enfants ont maintenant très bien compris pourquoi on était là. La directrice nous confirme ce constat « Vous êtes là pour eux, spécifiquement pour leur classe, et ça c’est important et valorisant pour eux ».

Pour LADS et pour moi, cela confirme l’importance de projets menés sur le long terme pour un travail efficient avec des jeunes autour de ces problématiques.