15–38 : La lutte contre la pollution de la Méditerranée fait-elle partie des priorités de votre ministère ? De quelle manière ? (Réponse de la Direction des affaires maritimes)
DAM : La Méditerranée est désormais la priorité de la France en matière de contrôle des émissions atmosphériques de navires. Des progrès importants ont été réalisés ces dernières décennies pour réduire les émissions de polluants dans les transports (oxydes de soufre, oxydes d’azote et particules fines). Des progrès ont aussi été réalisés dans le secteur maritime avec par exemple une limitation progressive du taux de soufre des carburants (3,5 % actuellement) et une décision à l’Organisation Maritime Internationale (OMI), fin 2016, de baisser ce taux à 0,5 % en 2020, sur tous les océans du monde. De plus, des zones de contrôle des émissions renforcé (ECA) avec des règles plus exigeantes encore, ont déjà été mises en place via l’OMI par certains groupes de pays riverains : Manche, Mer du nord et Baltique par exemple, dans lesquelles les navires doivent utiliser un carburant avec un taux de 0,1 % de soufre seulement.
Par ailleurs, le ministère de la transition écologique et solidaire a mis en place, en France, des groupes de travail sur les particules fines qui associent les armateurs, les motoristes, les spécialistes de la qualité de l’air, les ports et les ONG, dont les premières conclusions sont attendues mi 2018. Il s’agira de dresser un état des lieux en matière d’impact et de solutions techniques, des préconisations relatives à la connaissance des émissions (mesure), la recherche et le développement (démonstrateurs…), la standardisation de la qualité des carburants, les actions incitatives (label « navire propre », droits de port…), et le portage international d’un projet de réglementation au sein de l’OMI.
15–38 : La lutte contre la pollution aux hydrocarbures passe par une législation commune contre les déballastages. Malgré la Convention internationale Marpol, il y a toujours l’équivalent d’un Erika rejeté dans la Méditerranée. Comment mieux appliquer la réglementation ? (Réponse de la Direction des affaires maritimes)
DAM : Il convient de souligner que d’une manière générale, la grande majorité des pollutions par hydrocarbure, 75 à 80 %, sont d’origine terrestre. Les eaux continentales sont en effet contaminées selon diverses modalités : effluents des industries, des autres modes de transport, urbains, etc. S’agissant des navires, la réglementation internationale limite de façon stricte les rejets d’hydrocarbures, particulièrement en Méditerranée. En effet, la Convention internationale pour la prévention de la pollution- MARPOL désigne la Méditerranée comme « zone spéciale » : afin de tenir compte de la situation écologique et des conditions de trafic de cette mer, une réglementation plus contraignante s’applique en matière de prévention de la pollution par les hydrocarbures. Les rejets provenant des cales machines doivent notamment être filtrés pour que la teneur en hydrocarbures ne dépasse pas 15 parties par million. À bord des navires-citernes (pétroliers), tout rejet de déchets provenant de la cargaison est interdit.
Sur ce sujet, retrouvez l’article de 15–38 sur les hydrocarbures en Méditerranée dont voici un extrait : "La mer Méditerranée est particulièrement vulnérable à la pollution dite « opérationnelle », dégazage et déballastage, car elle concentre 25 % du trafic maritime mondial d’hydrocarbures. En théorie, ces pratiques sont interdites, mais les États peinent à faire appliquer la réglementation. D’abord, les pays méditerranéens sont peu équipés en station de réception de ces eaux de ballast ou de fuel. Ensuite, lorsqu’une infraction est commise, encore faut-il pouvoir la prouver pour faire condamner les responsables."
DAM : Afin de mieux appliquer la réglementation, la France s’appuie sur ses moyens propres (marine nationale, douane, affaires maritimes) mais également sur un programme européen de surveillance par satellite des pollutions en mer, CleanSeaNet. Les États participants, dont la France, reçoivent des clichés satellitaires de leurs eaux territoriales et de leur zone économique exclusive. Les clichés mettent en évidence les différences de rugosité à la surface de l’eau, signant la présence potentielle de nappes de pollution.
L’année 2016 a été marquée par une augmentation significative du nombre de clichés CleanSeaNet grâce au déploiement de nouveaux satellites. La détection satellitaire est ainsi devenue en 2016 le premier vecteur de signalements de pollutions dans les eaux françaises, avec 833 clichés et 165 potentielles pollutions détectées (respectivement 241 clichés et 72 pollutions potentielles pour la façade française méditerranéenne). Au total, 60 pollutions confirmées, d’échelle très variable mais modeste, ont été constatées dans les eaux françaises de Méditerranée en 2016. Ce type de surveillance remplit une fonction dissuasive. On observe ainsi sur les dernières années une tendance à la baisse des pollutions avérées dans les eaux françaises, tous océans confondus : 351 en 2008, 216 en 2010, 136 en 2016.
15–38 : Vous avez annoncé mettre fin aux permis d’exploitation d’hydrocarbures, sauf pour les permis et les demandes en cours. Des demandes d’exploitation pour le gaz de schiste sont en cours. La France pourrait-elle autoriser l’exploitation de cette ressource ? (Réponse de la Direction générale de l’énergie et du climat)
DGEC : La France est le premier pays au monde à proposer un projet de loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures. Il s’agit d’une brique du Plan climat, et décline concrètement l’axe 9 : “laisser les hydrocarbures dans le sous-sol”. Le projet de loi présenté en conseil des ministres le 6 septembre prévoit :
- d’interdire toute nouvelle exploration d’hydrocarbures sur notre territoire : c’est-à-dire mettre un terme à la recherche de nouveaux gisements.
- d’engager l’arrêt de l’exploitation d’hydrocarbures sur notre territoire : les concessions existantes ne pourront pas être renouvelées au-delà de 2040. Les nouveaux permis de recherche pourront être refusés, tandis que les situations légalement acquises seront respectées tout en se conformant au nouvel objectif de fin d’autorisation de renouvellement à l’horizon 2040.
- à partir du moment où est interdite la recherche d’hydrocarbures, et où aucun permis d’exploration de gaz de schiste n’a été délivré à ce jour, aucune exploitation de gaz de schiste ne sera plus possible en France. L’interdiction en vigueur ne concernait que la fracturation hydraulique.
La recherche en hydrocarbures est un enjeu en Méditerranée. Certains demandent un moratoire pour stopper toute exploration maritime, partout en mer. Certaines associations craignent des catastrophes en lien avec l’exploitation des champs de pétrole en mer, comparable à celle du Deepwater dans le Golfe du Mexique : « Si un tel accident avait lieu en Méditerranée, cela mettrait en péril durablement l’ensemble du bassin de cette mer fermée dont les eaux mettent près d’un siècle à se renouveler », explique Olivier Dubuquoy de Nation Océan devenu ZEA (association de protection de l’océan). Pour décrypter les enjeux de cette quête d’énergie fossile, lisez notre article : Pour un moratoire des recherches en hydrocarbures en Méditerranée ?
15–38 : Le 28 décembre 2015, l’usine de Gardanne (Bouches du Rhône) a reçu l’autorisation de poursuivre le rejet d’effluents liquides contenant des métaux lourds dans la Méditerranée et le stockage de résidus sur terre. Avez-vous prévu de nouvelles mesures afin de réduire les pollutions qui en découlent ? Est-il question aujourd’hui de réduire l’impact des activités industrielles françaises sur la Méditerranée ? Si oui, comment ? (Réponse de la Direction générale de la prévention des risques)
DGPR : Le Préfet des Bouches-du-Rhône a pris le 28 décembre 2015 un nouvel arrêté préfectoral d’autorisation de l’usine d’Alteo à Gardanne. Cet arrêté a mis fin aux rejets solides en mer et en limitant fortement les concentrations en métaux (réduction d’un facteur 3000 pour le fer et 10 pour l’aluminium par exemple). Cet arrêté autorise néanmoins, en les encadrant, les rejets liquides en mer de l’usine avec une dérogation à la réglementation nationale pour six paramètres (pH, fer, aluminium, arsenic, demande chimique en oxygène et demande biologique en oxygène — aucune dérogation sur les métaux lourds) pour une durée de six ans.
Au vu des résultats de surveillance (auto-surveillance de l’industriel et contrôles inopinés réalisés par la DREAL-direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), les rejets sont revenus dans les normes nationales pour le fer et presque pour l’arsenic, et ont été substantiellement réduits pour l’aluminium et la DCO (pour lesquels les valeurs limites dérogatoires pourraient être divisées par 3 voire plus).
Comme prévu par l’arrêté du 28 décembre 2015, ALTEO doit présenter en début d’année 2018 au Conseil supérieur de la prévention des risques un bilan des études menées sur les procédés alternatifs ou complémentaires au filtrage des boues rouges afin de ne plus nécessiter aucune dérogation à la réglementation des rejets d’effluents industriels. Ce bilan devra également préciser les pistes de valorisation possibles de boues rouges aujourd’hui stockées à terre sur le site voisin de Mange-Garri.
Par ailleurs, les services de l’État restent particulièrement attentifs au suivi d’ALTEO puisque l’inspection des installations de la DREAL a réalisé depuis le début de l’année 2016, 13 inspections sur le site de Gardanne et 5 sur le site de Mange-Garri.
La réaction de ZEA :
Nous sommes convaincus de la toxicité des boues rouges comme l’atteste de nombreuses études scientifiques. Nous pensons que l’État est en grande partie responsable de cette pollution et que les habitants de Mangegarri qui vivent à proximité des boues rouges sont abandonnés par la République.
La DGPR en jouant sur les mots et sur les chiffres participe malheureusement à la désinformation qui pèse sur les pollutions de boues rouges et ne prend pas la juste mesure de cette pollution et de ses impacts.
Aujourd’hui la pollution de boues rouges se poursuit en mer et à terre.
Depuis le 28 décembre 2015 l’usine de Gardanne peut stocker la partie solide des boues rouges à terre sur les collines de Mangegarri à hauteur environ de 350 000 tonnes par an et elle peut continuer à rejeter la partie liquide des boues rouges en mer avec des seuils supérieurs que ceux précédents pour 6 paramètres :
Il est inexact et dangereux de jouer sur les mots en affirmant qu’il n’y a « aucune dérogation sur les métaux lourds », la classification en « métaux lourds » en « ETM (éléments traces métalliques) » ou en « éléments traces » n’est pas le sujet, le sujet c’est celui de la toxicité et de l’impact sanitaire.
Tous les ETM sont toxiques au-delà d’un certain seuil et certains sont radioactifs.
Notre préoccupation pour la santé de nos concitoyens et la protection de nos écosystèmes est légitime.
Les contrôles inopinés de la DREAL et autres organismes ont montré a plusieurs reprises que l’industriel ne respectait pas ses engagements. Par ailleurs la majorité des pistes de valorisation de boues rouges sont de fausses promesses qui relèvent plus d’une dilution de la pollution et de la toxicité.
La désinformation et le mensonge ne peuvent plus durer, tout le monde a le droit de savoir quel est l’impact réel de cette pollution sur notre santé et sur nos écosystèmes.
Les trois revendications de ZEA contre les pollutions des boues rouges sont les suivantes :
1-Arrêt immédiat du rejet en mer
2-Demande de mise en sécurité du site de Mangegarri dans les plus brefs délais, des décharges (CSDU…), des crassiers et de l’usine de Gardanne pour une protection sanitaire des populations.
Plus spécifiquement sur Mangegarri :
- Stopper l’éparpillement des poussières et la contamination des eaux souterraines.
- Enlever les sacs d’alumine et la soude présents sur le site.
- Panneaux informant de la dangerosité du site.
- Informer sur les risques liés aux eaux de forage (puits, potagers…), à la consommation de champignons, d’escargots…
- Mise en place de barrières et de clôtures pour les endroits les plus dangereux.
3-Financement par l’industriel d’une étude épidémiologique participative menée par le Centre Norbert Elias de l’EHESS et les habitants des territoires impactés.”