La Géorgie au coeur d’enjeux internationaux

Les régions séparatistes abkhazes et ossètes, des « conflits gelés » au cœur d’enjeux internationaux, régionaux, et internes

, par Forum Réfugiés

Ces deux territoires sont toujours revendiqués par la Géorgie depuis son indépendance en 1991 malgré les revendications séparatistes. La Russie a reconnu l’indépendance de ces régions en 2008 suite à la guerre qui l’a opposée à la Géorgie, après que les troupes géorgiennes ont lancé une offensive en Ossétie du Sud afin de reprendre le contrôle du territoire. La situation sécuritaire aux frontières et à l’intérieur est très tendue dans les deux régions.

Entre Géorgie et Ossetie du sud. Photo : Marco Fieber, 1er novembre 2013

En janvier 2014, la Géorgie a accusé la Russie d’avoir « déplacé la frontière avec la Géorgie de 11 km à l’intérieur du territoire abkhaze, une initiative dénoncée comme « illégale » car violant la souveraineté géorgienne » [1]. En octobre 2013, un même déplacement des frontières a été constaté par les habitants, avec la mise en place d’une barrière et de barbelés installés par des militaires russes [2], présents par milliers dans la région depuis le conflit de 2008 et l’installation de bases militaires. Certains se seraient ainsi retrouvés en territoire ossète, sans plus aucun accès à leur terre, mais également à leur pension autrefois versée par les autorités géorgiennes [3]. Des témoignages font état de mauvais traitements de la part des soldats russes. Le vice-ministre géorgien des Affaires étrangères, David Zalkaliani, a dénoncé « la construction d’infrastructures militaires et de sécurité, les violations de l’espace aérien géorgien, des enlèvements, des assassinats, des détentions, qui posent un défi direct à la sécurité et la stabilité sur le terrain » [4].

D’anciens détenus en Ossétie du Sud revenus ensuite en territoire géorgien ont déclaré avoir été victimes de mauvais traitements [5]. Des militants des droits de l’homme cités dans le rapport du département d’État américain de 2013 affirment que la moitié des détenus en Ossétie du Sud subissent des sévices. Ces deux territoires n’autorisent l’accès de la Croix-Rouge Internationale (par ailleurs seule organisation accréditée) qu’à certains centres de détention.

Ces deux régions sont totalement hors de contrôle des autorités géorgiennes. Malgré un cessez-le-feu signé, des violences perdurent, et les populations frontalières font l’objet de graves restrictions de circulation. Selon les témoignages, les Géorgiens présents dans ces territoires se voient restreindre nombre de leurs droits : le droit de vote, de propriété, de circuler. En Ossétie du Sud, les Géorgiens ayant fui le conflit en 2008 se voient empêchés de retourner chez eux depuis. 30 000 Géorgiens d’Abkhazie vivent également depuis 20 ans dans des conditions précaires à la frontière abkhazienne [6].

De nombreuses personnes sont régulièrement détenues par les autorités d’Abkhazie et d’Ossétie, ainsi que par des officiels russes, pour des cas de franchissement illégal de frontière, tandis que les autorités géorgiennes détiennent régulièrement des Russes pour le même motif : il est interdit d’entrer en Géorgie en venant directement de Russie ou de ces deux régions [7].

Les tensions aux « frontières » sont alimentées par la construction de nouvelles infrastructures énergétiques lesquelles sont largement sécurisées par les forces de sécurité. L’Abkhazie a ainsi demandé une assistance militaire supplémentaire à la Russie au moment de l’inauguration du terminal pétrolier de Kulevi en 2007, en territoire géorgien mais proche de la frontière abkhaze. Pour beaucoup également, la reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie, et la réplique militaire de la Russie lors du conflit russo-géorgien de 2008 est en partie une réponse de la Russie aux différentes alliances que la Géorgie a liées avec ses voisins, mais aussi avec les États-Unis et l’Union européenne, et qui ont permis la mise en place du corridor énergétique : un corridor qui laisse de côté la Russie.

Notes

[1Le Monde, « La Géorgie accuse la Russie de déplacer sa frontière en Abkhazie », 22 janvier 2014

[2-Le Monde, « Sur la ligne de démarcation entre Géorgie et Ossétie du Sud, les habitants pris au piège », 28 octobre 2013

[3Le Monde, Ibidem

[4Nouvelles d’Arménie, « Tbilissi alarmée par les multiples violations russes », 7 novembre 2013

[5Département d’État américain, « Country report on human rights practices for 2013- Georgia »

[6Institute of war and peace reporting, « Georgia : strangers in their own land », 13 février 2014

[7USDOS, Idem