Colombie, un peuple pris en otage

Les rapports entre les forces armées et l’Etat

, par CDATM

La construction d’un Etat de droit exige que la société se donne la capacité de gérer toute situation de conflit ou d’affrontement par la négociation, au besoin par la loi et la justice sans violence tout en respectant impérativement les droits humains. Le recours exceptionnel à des forces armées ne se justifie que, si celles-ci respectent aussi ces droits et doit être décidé avec l’accord ou l’adhésion de tous les représentants de l’Etat.

En Colombie, on est à l’opposé de cette conception de la démocratie. D’après la Constitution colombienne, le Président de la République est le chef suprême de la force publique constituée des forces militaires et de la police nationale ; il doit donc veiller à ce que les droits humains soient respectés par ces formations. Jusqu’à ce jour, les présidents de la Colombie n’ont pas su ou n’ont pas pu œuvrer dans ce sens. Lorsque les présidents Betancur ou Pastrana ont voulu faire la paix en négociant avec les guérillas, ils n’ont pas eu l’aide de la force publique ni même du Congrès et apparemment pas du gouvernement américain.

En fait, les forces armées colombiennes ont hérité d’une tradition fâcheuse qui consiste à se comporter comme une entité autonome, en s’attribuant des pouvoirs politique, économique et surtout judiciaire. Elles ont tendance à considérer que les violations des droits humains imputables à leurs membres relèvent uniquement de tribunaux militaires dans la mesure où ces violations se produisent au cours des missions qui leur sont confiées.

La situation actuelle avec le narcotrafic et une criminalité élevée, l’existence de forces armées illégales ainsi que la corruption qui n’épargne pas les forces publiques, ne facilitent pas la tâche de la justice. Cet affaiblissement de l’Etat est imputable à l’accumulation de démissions du pouvoir politique. Pour résoudre des conflits politiques, économiques ou sociaux, les gouvernements, au lieu de donner la priorité à la négociation, ont fait le choix de la violence avec le recours à la force publique et trop souvent, avec l’aide d’organisations criminelles dont les paramilitaires en sont l’illustration.