Dans le triste palmarès des pays les plus violents à l’encontre des défenseur·ses des droits humains et de l’environnement, le Pérou est en 9e position. Depuis le début de la pandémie, 16 dirigeant·es sociales·aux ont été assassiné·es : et avec la mort de chacun·e d’entre elles et eux, ce sont des sources d’eau, la souveraineté alimentaire, les terres ancestrales, des foyers et des vies qui sont en péril.
Par exemple, Miguel Meza est un défenseur de la région d’Arequipa, qui se dresse depuis des années contre la mise en œuvre du projet minier Tía María ; à cause de ses positions, il reçoit des menaces de mort permanentes. Autre exemple : Juana Martínez, de la région de Cajamarca, victime de menaces car elle s’oppose à l’expansion de l’entreprise minière XMLs dont les activités polluent les communautés avoisinantes.
Face à cette situation, une campagne permanente s’est mise en œuvre : la Campaña Nacional Permanente de Defensores y Defensoras del Perú (Campagne Permanente de Défenseurs et Défenseuses du Pérou), à laquelle participent une vingtaine d’organisations de la société civile. C’est cette campagne qui a organisé la rencontre de 120 défenseur·ses des droits humains et de l’environnement à Lima, provenant de plus de 20 régions différentes de tout le pays. L’objectif : construire une compréhension commune de la situation actuelle des défenseur·ses des droits humains et de l’environnement et des politiques publiques pour leur protection ; et élaborer une plateforme de revendications communes afin que des mesures efficaces soient mises en place pour assurer leur sécurité, ainsi que celle de leurs communautés en lutte, et développer des réseaux de solidarité et de visibilité locale, régionale, nationale et internationale.
Jeudi soir, un événement public a eu lieu sur la Plaza San Martin, lieu emblématique de toutes les manifestations et de la vie politique à Lima. Entre exposition d’œuvres graphiques contestataires, prises de paroles pour exposer les violences, intimidations et menaces subies par les participant·es à la rencontre, et performances artistiques, cela a été un moment fort de ces trois jours.
Vendredi matin, les défenseur·ses ont organisé un rassemblement devant le Ministère de la Justice et ont manifesté en direction du Ministère de l’Intérieur. En effet, ces deux ministères sont les premiers responsables de la criminalisation judiciaire : des arrestations arbitraires, tout un système de stigmatisation et un harcèlement de la part des institutions de l’État et en particulier du système de justice et de la police nationale du fait de leurs actions en défense de leurs territoires, de l’environnement et de la Vie.
Une revendication centrale est la révision des conventions entre la Police Nationale et les entreprises extractives : en effet, la loi actuelle autorise les entreprises privées à embaucher le personnel policier (avec usage de son armement de policier) lors de leurs journées de congés, dans l’objectif sécuriser leurs infrastructures minières lors de conflits sociaux. Ainsi, bien trop souvent, la Police Nationale fait office de sécurité privée des multinationales, et les assassinats aux mains de la police lors de ces conflits éco-territoriaux sont malheureusement la norme.
Pour en savoir plus sur la criminalisation des défenseur·ses des droits humains et de l’environnement, voir cet excellent article de Frontline Defenders dans le Passerelle n°22 : "La montée de l’hypercapitalisme et de la politique autoritariste : une menace grandissante pour les défenseur·ses des droits humains"