Légitimité du pouvoir

Selon Dominique Darbon, la légitimité se définit comme « l’acceptation du caractère moralement juste et nécessaire des institutions constitutives du pouvoir [1] ». En d’autres termes, c’est « le fait qu’un pouvoir soit exercé de manière satisfaisante aux yeux du plus grand nombre [2] » ou encore, c’est « la qualité particulière reconnue à une entité sociale et politique par ses sujets et ses parties, et qui lui confère son autorité. La légitimité est le produit de conditions que sont la confiance, le consentement [3], la réciprocité [4] », ou l’existence de normes et de valeurs.
Pour Massaër Diallo, la légitimité a un triple enracinement : dans le droit (la légalité), les institutions politiques (la démocratie) et les populations.
La légitimité est liée à la légalité tout en ne s’y réduisant pas ; il existe une certaine interdépendance entre les deux notions [5].

Définition développée

Typologie

L’IRG propose une typologie, croisant celle des trois idéaux types de Max Weber (tradition, charisme et légalité) et celle de Scharpf (légitimité du gouvernement par ou pour les citoyens) et distingue ainsi quatre grands types de légitimité ayant trait au pouvoir politique :
• La légitimité « par les processus » (ou input legitimacy) : liée aux règles et procédures par le biais desquelles sont élaborées et adoptées les décisions contraignantes (processus participatifs, gestion bureaucratique, justice)
• La légitimité « par les résultats » (ou output legitimacy) qui se définit en fonction de l’efficacité et de la qualité reconnues aux services fournis en fonction des attentes des populations (sécurité, services sociaux, etc.).
• La légitimité internationale renvoie à la reconnaissance externe des États, des régimes et des gouvernements. Elle est fondée sur la normativité internationale autour de standards réputés universels, tels que les droits de l’homme.
• La légitimité symbolique, enfin, repose sur les croyances partagées fondant la reconnaissance de l’État par les populations comme étant l’autorité politique suprême et comme incarnant la communauté de sens et d’identité de la société concernée [6].

Jacques Sapir [cité par Modus operandi], s’inspirant de Weber, distingue-lui deux types de légitimité :
 la légitimité substantielle, lorsque les conséquences des décisions sont prévisibles sur la base des discours, politiques ou religieux ; laquelle est soit charismatique, soit bureaucratique ;
 la légitimité procédurale, lorsque le système politique repose sur une dimension inclusive et dés lors qu’il y a consensus sur les procédures d’adoption. Celle-ci peut être à son tour démocratique ou patrimoniale.
Cette analyse donne lieu à quatre types d’État :
 démocratique si la légitimité est démocratique et bureaucratique,
 collusif si la légitimité est bureaucratique et patrimoniale,
 populiste si la légitimité est démocratique et charismatique,
 réactionnaire si la légitimité est patrimoniale et charismatique.

Modus operandi précise par ailleurs que la légitimité traditionnelle peut ne pas être élective. L’autorité des chefs, outrepassant le vote, peut alors provenir de la généalogie ou du charisme.

Sources de légitimité

« C’est par les pratiques que la légitimité existe et prend forme [7] ». Elle est liée avant tout à un enracinement culturel et social, voire psychologique ou mythique et pour l’analyser, il est donc important de considérer les diverses régulations (politiques, religieuses, sociales, économiques, culturelles, environnementales, etc.) en œuvre dans une société donnée, qui participent de – et à – l’ancrage social du pouvoir. La légitimité est ainsi liée à la perception et à la vision qu’un groupe a de l’autorité et de lui-même, à un moment donné.
Selon Karine Gatelier, les sources de la légitimité politique peuvent être électorale, traditionnelles, idéologique ou circonstancielle.

Pluralité et interaction des sources

La légitimité du pouvoir ne résulte donc pas d’une source unique, elle est multiforme, en mutation permanente et naît du métissage de ses sources ; elle ne se réduit donc ni à leur somme ni à leur juxtaposition. Elle meurt avec la perte de sa force symbolique, lorsque, par exemple, elle est entièrement figée dans la légalité. La coexistence d’une diversité de sources de légitimité ouvre la voie à une situation de pluralisme normatif.

« Un État qui ne tient pas compte de la diversité des sources de légitimité court le danger de se voir défié et concurrencé – donc affaibli – par d’autres sources de légitimité (…) ». « Déconnecté de ses populations et de leurs régulations, attaché à la légitimité internationale, il peut devenir un État dit « suspendu » (suspended state), qui n’est pas vécu par les populations comme l’autorité politique première [8] ».
Ainsi, « la légitimité du pouvoir politique est dynamique : elle résulte de l’interaction des sources [9] ». Elle révèle la conformité des formes du pouvoir avec un ensemble de normes sociales pertinentes dans une société donnée, à un moment donné. Cette condition rend la domination acceptable et de fait acceptée par la population. Ces normes sociales peuvent être institutionnalisées et formalisées comme le sont les lois (légitimité de l’État), ou non. C’est pourquoi l’exercice du pouvoir doit refléter les valeurs pertinentes dans la société.
« Pour être légitime, le pouvoir politique doit donc incarner cette complexité [10] ».