L’héritage de la dictature marxiste et militaire dite du Derg (1974-1991)
L’Empereur Hailé Selassié Ier est renversé en septembre 1974 après plusieurs mois de grèves et mobilisations. Le Gouvernement militaire provisoire de l’Ethiopie socialiste, surnommé le Derg en référence à son premier acronyme en amharique, prend alors le pouvoir.
De cette terrible période de dictature et de terreur il subsiste cependant des acquis : L’accession des musulmans à la citoyenneté, la reconnaissance de leurs fêtes, la place prise par « le peuple » après des siècles de féodalité, la nationalisation des terres, l’alphabétisation dans les langues locales et enfin une grande aversion de la population pour la violence.
Le choix du libéralisme et du fédéralisme
A la chute du régime militaire du Derg en 1991, le climat politique conditionné par l’aide internationale et l’effondrement du bloc soviétique implique que la démocratie libérale est la seule option possible : élections législatives, multipartisme, justice indépendante, libéralisation et privatisation de l’économie.
La chute de la dictature étant l’œuvre des fronts de libération des différentes régions, le Gouvernement de transition choisit le fédéralisme et la division du pays en neuf États régionaux fédérés « délimités sur la base des structures d’habitation, d’identité, de langage et sur l’assentiment des populations concernées » (articles 46 et 47 de la Constitution de la République démocratique fédérale d’Ethiopie ratifiée en décembre 1994).
Les neuf États (Tigré, Afar, Amhara, Oromiya, Somali, Bani Shangul-Gumuz, Nations et peuples du sud, Gambella et Harar) sont très inégaux à tous points de vue. Les Nations et peuples du Sud (NPS) constituent une sorte de « fédération dans la fédération », constituée de 21 unités administratives et ethniques, englobant 56 groupes ethniques reconnus. Deux grandes municipalités (la capitale fédérale Addis-Abeba et Diré-Dawa dans l’est éthiopien) sont administrées séparément.
Les premières élections ont lieu en 1992. L’assemblée constituante est élue en 1994 et la constitution adoptée en décembre 1994.
Pendant la période transitoire, le parti des libérateurs, le FDPRE (Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien) se heurte à d’autres fronts, en particulier le FNLO (Front national de libération de l’Ogaden) et le FLO (Front de libération de l’Oromiya). Le FDPRE en sort gagnant, réussissant à éviter l’explosion du pays jusqu’à aujourd’hui.
La République fédérale a deux chambres législatives, un président de la République sans beaucoup de pouvoir, Mulatu Teshome, depuis le 7 octobre 2013 et un premier ministre, actuellement Haile Mariam Dessalegn, depuis le 20 août 2012.
Le premier ministre Meles Zenawi et son successeur Hailé Mariam Dessalegn
Meles Zenawi est resté au pouvoir jusqu’à sa mort en 2012, son parti, le FDPRE, restant largement majoritaire aux élections de 1995, 2000, 2005, 2010 et 2015.
Il passe pour le leader de la lutte anti-terroriste dans la corne de l’Afrique et pour l’homme qui a sorti le pays de la famine et a attiré les investissements étrangers pour relancer l’industrie et enclencher une croissance à deux chiffres dans les années 2000.
En 2010, il lance le GTP (Growth and Transformation Plan) : industrie, éducation, agriculture, infrastructures, commerce international, tous secteurs qui doivent placer l’Éthiopie en tête des économies dominantes du continent. Il s’agit d’une économie libérale basée sur le capitalisme et contrôlée par l’État.
Hailé Mariam Dessalegn, dauphin depuis 2010, est un homme du sud, discret et de confession protestante, contrairement aux dirigeants du parti tous originaires du Tigré. Il poursuit cette politique.
Cependant Zenawi avait utilisé de plus en plus la répression pour étouffer la dissidence croissante. La loi antiterroriste de 2009 continue de freiner opposition politique et médias, ce qui est dénoncé avec insistance.
On assiste actuellement à une forte croissance économique sur fond de violations massives des droits de l’homme . Reporters sans frontières classe le pays 137ème sur 179 en 2013 en matière de liberté de a presse Les autres ONG de défense des droits de l’Homme décrivent « un paysage médiatique peu à peu décimé » et incitent le gouvernement à faire d’importantes réformes qui amélioreraient la liberté de la presse avant les élections de mai 2015. De nombreux témoignages alertent également régulièrement sur des emprisonnements d’opposants, de blogueurs et de journalistes. Les élections de 2015 ont confirmé la position de parti unique du FDPRE qui a remporté tous les sièges.
La répression est particulièrement féroce envers les Oromos, l’ethnie la plus importante du pays : au moins 5 000 Oromos ont été arrêtés entre 2011 et 2014 en raison de leur opposition pacifique avérée ou supposée au gouvernement. La majorité des personnes prises pour cible sont accusées de soutenir le Front de libération oromo (FLO), groupe armé actif dans la région. Cette répression a atteint un point culminant dramatique en décembre 2015 : 140 Oromos sont tués au cours de manifestations contre un projet de développement urbain à Addis-Abeba sur les terres historiques de l’ethnie.
Amnesty International signale aussi la répression de manifestations pacifiques de musulmans, en particulier lors de la fête de l’Aïd d’août 2013 (11 à 14 personnes tuées).
Quant à la corruption, Transparency International place le pays 110e sur 175 dans son classement annuel 2015 définissant l’indice de perception de la corruption.
Néanmoins, en 2015, dans le contexte régional, entre la Somalie, le Yémen, l’Érythrée, le Soudan, le Sud-Soudan et le Kenya, l’Éthiopie apparaît comme un havre de stabilité et de tolérance religieuse, tenant à distance le terrorisme. La manifestation du 22 avril à Addis Abeba, à la suite de l’exécution de chrétiens éthiopiens par le groupe Etat Islamique en Lybie, marque la volonté de la population de refuser le terrorisme.
Le pays accueille actuellement 665 000 réfugiés, pour la plupart d’Érythrée, de Somalie, du Sud-Soudan ou du Soudan, ce qui en fait le plus grand pays d’accueil du continent.