Tenir les habitations au chaud grâce à des textiles recyclés, voilà l’idée très simple du métisse, matériau isolant utilisé depuis deux ans sur les chantiers. Il trouve son origine dans le réseau Le Relais qui, depuis vingt-cinq ans, a pour raison d’être de fournir du travail à ceux qui n’en ont plus. Des emplois voués à être pérennes et accessibles à une main-d’œuvre peu qualifiée et marginalisée.
Pour remplir cette vocation, Le Relais recycle des vêtements dont particuliers et entreprises textiles ne veulent plus. Mais « en cinq ans, la baisse de qualité des textiles a fait passer la valorisation de la collecte de 60 % à 40 %. Cette chute de la part valorisable a mis la filière française du recyclage en crise », explique Lucie Contet, responsable de la communication du Relais et de son projet Métisse au siège du Relais, à Bruay-la-Buissière, près de Béthune, dans le Pas-de-Calais.
Le Relais s’est donc mis en quête d’un nouveau moyen de valoriser les déchets textiles. Il l’a trouvé dans le secteur de la construction. Plutôt que de vêtir à nouveau des gens, une partie des textiles récupérés habilleront désormais… des bâtiments. Aussitôt dit, aussitôt fait : à partir de 2005, Le Relais est très vite passé du stade de l’élaboration du métisse et de son procédé de fabrication à sa commercialisation.
C’est ainsi que, depuis janvier 2007, des maîtres d’ouvrage prescrivent divers produits dérivés du métisse. Leurs mise au point et lancement ont nécessité des engagements financiers importants, mais ils contribuent aujourd’hui à maintenir des activités et à pérenniser des emplois au sein du Relais.
Fabriquer le métisse
A Bruay-la-Buissière, 450 personnes en situation d’insertion ou, pour bon nombre d’entre elles, en emploi durable s’affairent parmi des montagnes de ballots de tissus en partance pour le monde entier. Des rotations de camions déversent leur collecte. Trois chaînes de tri traitent 50 tonnes par jour en de multiples catégories destinées aux différentes filières de recyclage.
Les déchets retenus pour le métisse correspondent aux vêtements en coton, surtout des jeans, destinés au rebut. Ils sont envoyés non loin de là, sur le site de l’entreprise Minot recyclage textile, dans la zone industrielle Artois Flandres, au nord de Lens, où ils sont déchiquetés et nettoyés de leurs quincailleries. Une fois effilochée et défibrée, la matière part à plus de 500 kilomètres, en Maine-et-Loire, à Chemillé, entre Angers et Cholet, pour y subir la phase de nappage.
A l’usine Effiréal, les fibres de textile recyclé sont mélangées à des fibres de polyester neuves et agglomérées à plus de 120°C. Le métisse est alors prêt sous forme de panneaux ou de rouleaux isolants. « Nous souhaitons développer des unités de production réparties sur le territoire, mais cela dépend de l’évolution des ventes », informe Lucie Contet. Sur les 70 000 tonnes de vêtements récoltés en 2011, 1 % a fini en métisse. A terme, 10 % des textiles récupérés pourraient être alloués à cette filière. La marge de progression est donc considérable.
Qualités et pouvoir isolant
Issu du recyclage de vieux textiles, le métisse a plusieurs tours dans sa manche. D’abord son pouvoir isolant, analogue à celui de la laine minérale. Ensuite son excellent comportement à l’humidité : composé à 70 % de coton (15 % de laine et acrylique et 15 % de polyester), il absorbe et relâche la vapeur d’eau sans perdre sa capacité d’isolation. Et se pose aisément et sans inconfort. D’autant que, depuis 2011, il est disponible sous forme de flocons en vrac, faciles à souffler en combles perdus et autres vides.
A densité et performances comparables, il est l’un des isolants les plus économiques. Quant à son bilan social, il est particulièrement bon puisque l’intégralité des bénéfices est réinvestie dans le Relais : la moitié est attribuée au développement et à la création de nouvelles actions, l’autre moitié est redistribuée sous forme de participation à tous les salariés.
Sur le plan écologique, l’analyse du cycle de vie qu’a effectué GDF Suez range le métisse nettement meilleur que ses concurrents traditionnels en termes d’énergie grise et d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) (Act Environnement, 2009).
Premières réalisations
Evelyne Caron est l’architecte du centre multi-accueil (école, garderie, salle de quartier) de Calonne-Ricouart, tout près de Bruay-la-Buissière. Ce bâtiment est le premier dans lequel le métisse a été employé en vue de recevoir la certification d’appréciation technique expérimentale (Atex) du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Mission : accueillir du public. Evelyne Caron a su convaincre les acteurs de cette opération, qui a reçu le label de l’Agence nationale de renouvellement urbain (Anru).
A Leers, en région lilloise, le long de la frontière belge, 5000 m2 de façades d’un bâtiment de logistique industrielle à basse consommation sont isolées avec le métisse (deux fois 60 mm) selon un calepinage réalisé en usine. Pour le maître d’ouvrage, Groupe d’enseignes textiles, le choix du métisse est en phase avec ses engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale.
On trouve aussi du métisse dans une maison labellisée BBC (Bâtiment basse consommation) à Loos-en-Gohelle, près de Lens. Le projet Villavenir comprend six maisons, dont une isolée au métisse. Après avoir fabriqué des éléments d’ossature en bois, le constructeur Anthony Coquart, et Edouart Henninot, ingénieur de l’agence d’architecture Jérôme Houyez, jugent ainsi ce matériau : « Il ne pose aucun problème de mise en œuvre. Les préconisations du Relais sont précises et les tests de poussière effectués dans l’atelier Coquart n’ont rien révélé. Il doit même être particulièrement bien adapté aux travaux de réhabilitation », concluent-ils.
« Avec le métisse, le choix commercial du Relais est de s’ouvrir plus largement au secteur de la construction. » Lucie Contet reconnaît qu’à l’occasion de son lancement, des acteurs volontaristes ont choisi le métisse. « Mais à l’avenir, ce choix doit avant tout venir de la conviction qu’il s’agit d’un très bon isolant, pas de l’envie de nous faire plaisir », lâche-t-elle.