Dans les Etats du Sud du Mexique les plus touchés par la pauvreté, la discrimination et le racisme (Chiapas, Oaxaca, Guerrero -un tiers de la population autochtone du Mexique se trouve concentrée dans ces trois Etats), plusieurs foyers d’opposition ont vu le jour. Les conséquences de l’ALENA dans le domaine agricole ont été ici particulièrement ravageuses, asphyxiant les petits paysans, les contraignant à l’exode ou les poussant à la rébellion.
La rébellion du CHIAPAS : « Changer le monde sans prendre le pouvoir »
Le 1er janvier 1994, date d’entrée en vigueur de l’ALENA, la société mexicaine voit apparaître un nouvel acteur sur la scène politique, l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale)représenté par le sous-commandant Marcos. L’EZLN s’insurge dans l’Etat du Chiapas, en assiégeant plusieurs villes pour faire entendre la voix des autochtones , leurs revendications territoriales et le respect de leur dignité. Les Zapatistes avec leur annonce « Hoy decimos basta ! » (« Aujourd’hui, nous disons ça suffit ! ») se considèrent comme « une arrière-garde pour faire pression sur la société ».
L’EZLN et les communautés autochtones ont initié avec succès de nombreuses actions locales de nature collective et autogestionnaire. Ils ont obtenu des zones d’autonomie gérées par des assemblées communautaires où ils établissent écoles, cliniques, coopératives. Les producteurs de café se sont regroupés en coopératives pour vendre directement leurs produits à des associations.
Les accords de San Andrés signés en 1996 entre le gouvernement fédéral et l’EZLN pour redonner notamment de la dignité aux peuples autochtones victimes de nombreuses discriminations. sont jusqu’à présent inappliqués.
Actuellement encore, le mouvement zapatiste doit affronter les groupes paramilitaires dans la région et subit la présence de l’armée menant une guerre de basse intensité (il n’y a pas de déclenchement d’offensives armées, mais une pression permanente exercée sur les populations civiles afin de décourager tout contact avec les insurgés). Leur dernière offensive politique, « La Otra Campaña » lancée le 1er janvier 2006 en parallèle avec la campagne présidentielle, a eu pour but d’écouter les revendications du plus grand nombre et souligne ce désir d’ouverture vers d’autres organisations et groupes sociaux au-delà des peuples amérindiens.
OAXACA, un face à face avec le gouverneur de l’Etat
En mai 2006, dans la ville de’Oaxaca, une grève des instituteurs a été fortement réprimée par le gouverneur à l’aide de la police anti-émeutes. Cette réponse radicale du gouvernement local a déclenché le soutien de nombreuses organisations sociales qui ont constitué une assemblée populaire, l’APPO. Ce « véritable gouvernement local alternatif » demande alors la démission du gouverneur de l’Etat, symbole du clientélisme et de l’absence de démocratie au sein des élites. Les négociations étant impossibles, l’APPO a occupé la ville. Le bras de fer a duré cinq mois et, en octobre, il est réprimé violemment par la police et par l’armée.
ATENCO, autre exemple d’un mouvement fortement réprimé
En 2001, les habitants de la commune de San Salvador Atenco, au nord de Mexico, en majorité des paysans, ont rapidement bloqué un projet de construction d’un aéroport sur leurs terres, grâce à leur organisation et leur forte mobilisation.
Une nouvelle mobilisation a eu lieu en mai 2006, dans un village de cette zone, pour soutenir un groupe de fleuristes ambulants expulsés. Lors de l’affrontement entre le mouvement d’Atenco et la police, la répression immédiate et violente a fortement exacerbé les tensions.
Pendant des années la presse a dénoncé - sans effet - les viols, les morts et les tortures survenus lors de ces évènements. Atenco est devenu le symbole de l’impunité dont bénéficient les forces de l’ordre au Mexique. Pourtant, sept ans après les évènements, le gouverneur responsable de la répression est devenu le président de la République (Enrique Peña Nieto) .
La justice, lors d’un procès inéquitable, a condamné à de très lourdes peines les responsables syndicaux. Les femmes ont refusé une offre d’accord à l’amiable devant la Commission des droits de l’homme afin de souligner la responsabilité de l’Etat dans les tortures subies.
Ce mouvement, comme celui de Oaxaca en 2006, est un exemple de la criminalisation par l’Etat des mouvements sociaux.
Un exemple de révolte citoyenne : CHERAN
Depuis avril 2011, les habitants de ce village du MICHOACAN refusent la soumission à un système politique corrompu et au crime organisé (habitants assassinés, disparus ou kidnappés) et ont décidé de défendre leur forêt dévastée par l’exploitation illégale du bois. Cette exploitation est gérée par un puissant cartel de la drogue, le cartel de la Familia dont la main d’œuvre (bûcherons) sont des habitants appauvris des villages voisins. Les habitants de Cheran ont organisé un système d’autodéfense : barricades pour interdire le passage des camions, rondes communautaires et feux de camps la nuit. Ils ont décidé de renvoyer les diverses autorités et ont institué un gouvernement autonome en tentant de pratiquer un retour à des traditions préhispaniques, celles du peuple purepecha.
Finalement, en février 2012, le Congrès a ratifié la demande de Cheran de pouvoir se gouverner selon ses us et coutumes. Leur défi actuel est de passer à un type d’administration horizontal.
Face à la complaisance ou la faiblesse des édiles et de la police, d’autres municipalités ont organisé de la même façon des milices d’autodéfense.
Révoltes contre les multinationales minières
La « fièvre de l’or » et la recherche d’autres métaux précieux font se développer actuellement de nombreux projets de mines à ciel ouvert, au détriment des populations locales dont les terres étaient autrefois protégées par le système « ejidal ».
Les compagnies minières, plutôt de taille moyenne et en majorité canadiennes, profitent des accords de l’ALENA pour s’implanter sur le territoire mexicain, très riche en minerais.
Les communautés locales s’insurgent contre la violation des lois : exploitation sans permis, pressions pour obtenir des locations de terres, destruction de l’environnement et pollutions, en particulier celle de l’eau… Le territoire sacré des Huichols, par exemple, ou des terrains archéologiques sont ainsi menacés.
Plusieurs leaders autochtones ont été assassinés à la suite des protestations et blocages qui se produisent localement.