Le choix de l’écriture inclusive

Ritimo a commencé à utiliser l’écriture inclusive en 2017, avant de l’adopter de façon officielle en 2019.
Nous l’utilisons pour nos publications et dossiers en ligne, mais ne modifions évidemment pas des textes de veille internationale émanant d’autres organisations.

Pourquoi l’écriture inclusive ?

Une langue est avant tout un produit culturel, fruit de son histoire sociale, économique et politique : elle n’est ni a-temporelle ni figée. Eliane Viennot, professeure de littérature française de la Renaissance à l’Université Jean Monnet (Saint-Etienne), rappelle notamment que l’orthographe française complexe relève d’une volonté des élites d’établir une différenciation entre "celleux qui savent" et "celleux qui ne savent pas", en fonction du type d’éducation reçue. De la même manière, elle rappelle que c’est au XVIIIe siècle que des règles comme "le masculin l’emporte sur le féminin" sont établies, en invoquant des arguments ouvertement sexistes (celui de prioriser "le plus noble des deux sexes", par exemple).
Il est important de re-contextualiser les règles linguistiques actuelles, qui sont le fruit de choix hérités du passé, car cette perspective historique nous permet d’envisager des évolutions à cette langue. En effet, ce sont les personnes qui font vivre une langue, qui est ensuite systématisée, codifiée, normalisée par des instances comme l’Académie Française —et non l’inverse. Puisque nous avons hérité d’une langue qu’une élite a souhaité moduler en fonction de considérations sexistes, faisons-la évoluer !

Petit retour sur le parallèle entre structures sexistes de la langue française et discrimination effective. Dire que parler des "droits de l’Homme" englobe "évidemment" les femmes, c’est oublier que ces droits n’étaient vraiment reconnus qu’aux hommes jusqu’il y a bien peu de temps. La constitution de 1946 déclarait d’ailleurs que "ces droits s’appliquent également aux femmes" —précision importante lorsque cela n’était pas le cas auparavant. De la même manière, parler des "travailleurs et ouvriers en grève en 1936" (plutôt que travailleur·ses et ouvrièr·es en grève) reflète l’absence criante de figures féminines dans une Histoire écrite au masculin. Enfin, lorsqu’on regarde la définition de "cheval" dans le dictionnaire, on lit : "mammifère à quatre pattes, herbivore, etc.". Au contraire, la jument est "la femelle du cheval". Preuve s’il en est que le masculin est érigé en universel, alors que le féminin, particulier, est toujours défini en fonction du masculin.
En quoi est-ce important ? Allons-nous réellement réduire les inégalités entre femmes et hommes en changeant notre façon d’écrire ? Bien évidemment, le problème est bien plus large et plus complexe que cela. Mais malgré tout, nous pensons avec des mots qui forment des concepts : mettre au défi notre façon de parler, de penser, de percevoir et concevoir le monde, en direction de l’égalité des genres, ne peut pas être une entreprise complètement vaine. C’est surtout une alternative concrète, immédiate, qui est applicable là-maintenant-tout-de-suite et ne requière que notre bonne volonté et un peu de flexibilité pour faire évoluer ses habitudes.

Comment ritimo utilise l’écriture inclusive ?

Il faut d’abord garder à l’esprit qu’il n’y a pas de règle unique de l’écriture inclusive. Puisque le point de départ est la remise en question des normes existantes, les propositions et les débats sur quelles nouvelles normes adopter sont pléthores. Depuis la féminisation systématique de tous les groupes nominaux et adjectifs ("le féminin l’emporte sur le masculin") jusqu’à la juxtaposition des mots ("Françaises, Français") en passant par des abréviations ("nous sommes tou·te·s concernées"), l’écriture inclusive relève encore d’un accord entre un groupe de personnes qui décident de l’utiliser.
L’équipe d’animation de ritimo, a choisi d’adopter un certain nombre de règles (après avoir essayé plusieurs façons d’écrire) :
• L’abréviation, en utilisant le point médian "·" : celui-ci présente l’avantage d’être un caractère qui n’est utilisé nulle part ailleurs, et donc ne véhicule aucune connotation (la parenthèse est un élément de phrase moins important, le point du bas est utilisé pour marquer la fin d’une phrase, etc.). C’est un élément neutre et donc adapté et adaptable à cet usage.
• L’ordre alphabétique : lors d’énumération (celles et ceux, elles et ils), pour éviter de se poser la question de qui est en premier (et donc "favorisé"), on met les mots dans l’ordre alphabétique. Ainsi, on aura "des acteurs et actrices" mais "celles et ceux".
• La règle de proximité : l’accord se fait en genre et en nombre avec le mot le plus proche de l’adjectif ou du participe passé. Par exemple : "des chanteurs et des actrices iraniennes", ou bien "des tabourets et des chaises vertes".
• La règle de sens : lorsqu’on se trouve devant un groupe de 99 femmes et un homme, on dit que "ces femmes et cet homme sont gentilles".
• La féminisation des noms de métier : une auteure (ou autrice, pour que cela s’entende à l’oral), une maire/mairesse, etc.

Au-delà de cette écriture, c’est véritablement de la réflexion sur la "visibilisation" des femmes et minorités de genre dans notre façon de concevoir le monde et de son impact qu’il s’agit !