Un an après le tremblement de terre de magnitude de 7,8 et sa réplique quelques jours après, le Népal peine à se reconstruire.
Situé à la frontière des plaques tectoniques indienne et eurasiatique, le pays a subi une réaction en chaîne déclenchée par la secousse du 25 avril, c’est donc plus de 421 répliques, au moins de magnitude 4, qui ont été enregistrées depuis cette date. Le bilan de ces deux séismes est très lourd : selon l’ONU, plus de 9000 morts et au moins 15 000 blessés, des centaines de disparus, plus de 400 000 personnes déplacées, des centaines de milliers de maisons détruites, des villages rayés de la carte, une partie du patrimoine culturel anéantie. A l’heure actuelle, ce sont plus de 10 millions de personnes qui sont encore affectées par cette catastrophe.
Premières réactions internationales : course à l’humanitaire…
Dès le mois d’avril 2015, les secours s’organisent tant bien que mal, de l’Inde à Washington, l’aide de la communauté internationale, qui promet plus de 4 milliards de dollars au Népal, se met en place.
Sur le terrain, bien que la peur de nouvelles répliques persiste, c’est l’approche de la mousson dans le pays qui ralentit les secours et stoppe des travaux. Au printemps 2016, les rescapés continuent de vivre dans un environnement extrêmement dangereux (éboulements, chutes de pierres, glissements de terrain…) et la propagation des maladies inquiète particulièrement les ONG et le gouvernement népalais.
… entravée par le blocus indien
Du 20 septembre 2015 à février 2016, en soutien aux populations Madhésis (sud du Népal) qui s’estimaient lésées par la nouvelle constitution, l’Inde a imposé un embargo sur tous les biens transitant par l’Inde.
Avec plus de 90% du commerce népalais qui passe par l’Inde et notamment la totalité des 230 000 tonnes de produits pétroliers consommés annuellement, les conséquences ont été multiples : plus de transport de marchandises, pénuries de carburants et de combustibles... Les hélicoptères opérant pour le programme alimentaire mondial ne pouvaient plus circuler et les agences humanitaires étaient donc dans l’impossibilité de secourir les victimes. La reconstruction du pays était à l’arrêt et les associations humanitaires réclamaient un corridor humanitaire afin de recevoir du gasoil et pouvoir reprendre leur travail.
Aujourd’hui, le programme de reconstruction se remet en place, même s’il reste des retards d’approvisionnements en gaz et en pétrole.
Une situation politique complexe
L’histoire du Népal est marquée par l’incapacité des souverains successifs à porter un projet national de développement. Jusque dans les années 60, les différentes populations n’ont pas accès à l’éducation - ni à la santé - et vivent plus ou moins en autarcie. De gros efforts de développement sont réellement faits à partir des années 50. Et les tentatives démocratiques ont lieu à plusieurs reprises. La monarchie constitutionnelle du Népal a vu le jour en 1990. Très vite, les Maoïstes (du Parti communiste du Népal) ont demandé l’abdication du Roi pour construire une République du Népal. Ce climat de tensions a débouché sur une guerre civile à partir de 1996, opposant le pouvoir monarchique aux Maoïstes, qui a duré 10 ans et fait 18 000 morts.
Le Népal a connu de nombreux bouleversements sociologiques dus :
– aux changements économiques induits par le tourisme (dans les régions touristiques, pas dans les autres) ;
– aux migrations de populations (migrations favorisées par la guerre civile, notamment dans le « Téraï »). Ainsi, 5 millions de jeunes Népalais travaillent dans les Emirats, en Israël, au Japon et font vivre leurs familles…
Le mouvement népalais poursuit toujours sa quête démocratique après six décennies et deux révolutions populaires. La difficulté tient essentiellement au fait que les partis politiques et leurs dirigeants, censés représenter le peuple, sont déchirés par des conflits internes.
Nouvelle constitution et blocus de la frontière indo-népalaise
La constitution a été adoptée en septembre 2015, au terme de plusieurs années de discussion après la destitution du roi Gyanendra.
Le 21 septembre 2015, Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, a affirmé que le Népal s’était enfin doté d’une Constitution démocratique rédigée par des représentants élus. Mais bien que cette nouvelle constitution démocratique soit adoptée, elle inspire autant d’espoirs que de craintes.
En effet la nouvelle Constitution, adoptée solennellement dimanche 20 septembre, découpe le petit pays himalayen en sept provinces. Le tracé des provinces est critiqué par certains qui estiment que la représentation des minorités ethniques est lésée.
La légitimité de cette constitution reste discutable puisque le texte a été imposé par seulement trois partis principaux, qui ont exclu les groupes ethniques de la plaine du Teraï. Dans cette région qui longe l’Inde, on s’indigne de la perte de l’identité hindoue de la nation. Les paysans Madhesis et les Tharus s’opposent à la création des provinces par crainte d’être mis à l’écart. Nombre de Gurung, Magar et autres se sont installés dans le Teraï, autrefois jungle difficilement habitable, aujourd’hui défrichée, si bien que les Tharus se retrouvent minoritaires sur leur territoire.
Mais c’est principalement la colère des Madhesis contre la constitution, réclamant des amendements, qui a provoqué le blocus indien.
Au-delà de l’opposition à la réforme territoriale, la négociation des nouvelles frontières a donné lieu à des actes de violence dans plusieurs parties du pays.
Quelles perspectives de reconstruction ?
À défaut des milliards promis par l’Unesco, la population se débrouille pour rebâtir l’économie vivrière et survivre. La situation sanitaire est toujours désastreuse. Le tourisme est devenu inexistant. La mortalité est accrue suite au froid et à la malnutrition, comme à la pénurie de médicaments et de vaccins. Quelque 200 000 familles vivent toujours dans des abris temporaires à une altitude de plus de 1500 mètres. Enfin, l’Unicef avertit que plus de 3 millions d’enfants risquent toujours la mort ou la maladie, et que de nombreux nouveaux nés restent en danger. Dès lors, on peut parler d’un chaos humanitaire.
Certes, les efforts de certaines ONG ne sont pas négligeables pour distribuer l’aide et mettre en place des projets de reconstruction. Mais les normes administratives imposées tardivement par l’État ont stoppé net les reconstructions démarrées par les ONG, dans l’attente d’une approbation par les autorités.