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Le Debt Collective, un syndicat d’endetté·es qui se battent contre les dettes injustes

, par Debt Collective

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Le Debt Collective est une association de membres qui s’adresse aux endetté·es et à leurs allié·es. Le système économique actuel nous contraint à nous endetter dans différents aspects de notre vie : s’endetter pour payer ses études ; pour acheter sa maison ; pour payer ses factures d’électricité ou de téléphone, se soigner, voire se sortir de prison. Or, personne ne devrait avoir à s’endetter pour satisfaire ses besoins vitaux ! Ce système basé sur des dettes illégitimes doit changer, et nous sommes bien décidé·es à l’y aider. Comment ? Grâce à la force de notre syndicat.

Le Debt Collective est né dans le sillage du mouvement Occupy Wall Street. En 2012, les fondateur·rices du Debt Collective ont lancé le Rolling Jubilee [1], un mécanisme de rachat et d’annulation de dettes personnelles. Nous avons levé un peu plus de 700 000 $, une somme qui nous a permis d’abolir plus de 32 millions de dollars de dettes diverses (santé, études, loyer, liberté conditionnelle). Puis, dans le cadre d’une action en justice et avec l’aide du New Economy Project, nous avons fait en sorte que 120 000 sommes accordées par une décision de justice (d’un montant total de 800 millions de dollars) soient annulées et rachetées. Notre palette d’outils numériques de contestation de la dette a évité que de nombreux·ses endetté·es aient à débourser plusieurs dizaines de milliers de dollars.

En 2015, des membres du Debt Collective ont lancé la première grève des États-Unis contre la dette étudiante, à laquelle ont participé des étudiant·es d’universités à but lucratif. Ce fut le début d’une campagne de longue haleine qui a contribué à réformer le droit fédéral et à faire annuler plus de 2 milliards de dettes à ce jour. Elle s’est par ailleurs accompagnée d’une initiative juridique (« Defense to Repayment ») et d’une appli de contestation en ligne de la dette, dont le département états-unien de l’Éducation s’est par la suite inspiré. Cette campagne a permis de mobiliser des dizaines de milliers de personnes, a fait les gros titres nationaux et internationaux et a bénéficié d’un large soutien de la part de juristes et de décideur·ses politiques.

Notre campagne sur l’enseignement supérieur a propulsé au cœur du débat politique la question de l’annulation universelle de la dette étudiante et de la gratuité des universités publiques. En 2019, nos membres sont intervenu·es aux côtés du sénateur Bernie Sanders et des représentant·es au Congrès Ilhan Omar, Alexandria Ocasio-Cortez et Pramila Jayapal lorsqu’il et elles ont présenté le projet de loi College for All. Lors de sa campagne présidentielle, Elizabeth Warren s’est engagée à effacer la dette étudiante grâce à « sa renégociation et son effacement partiel », une approche inspirée des travaux juridiques du Debt Collective. Actuellement, nous faisons pression sur l’administration Biden pour l’inciter à annuler toute la dette étudiante et à instaurer la gratuité des universités publiques. Pour cela, nous organisons des rassemblements aux quatre coins du pays, et nous encourageons les villes à adopter des résolutions exhortant le gouvernement à effacer toute la dette étudiante ; nous avons d’ailleurs rédigé une résolution dans ce sens à l’intention de M. Biden, qui n’aurait plus qu’à la signer.

Les victoires que nous avons obtenues sur le plan de la dette étudiante montrent là encore que l’union fait la force, y compris pour les endetté·es. Fort·es de ce constat, nous œuvrons à l’abolition des dettes et à la défense de « bien publics réparatoires » en lien avec toutes les facettes de l’endettement : dette étudiante, dette carcérale, dette immobilière, dette sur les services publics...

Un tel bouleversement social ne peut se produire à l’échelle individuelle : il impose de s’unir et d’agir collectivement. C’est ce que se propose de faire le Debt Collective : enclencher le changement voulu par chacun·e en puisant dans notre force collective en tant qu’endetté·es.

Ce changement est possible, mais il implique de :

  • 1. Gagner en influence économique par le biais de campagnes visant à obtenir l’annulation massive de dettes, et à faire adopter des politiques propices à la justice économique et raciale. Nous agissons sur plusieurs fronts (contestation des dettes, grèves de la dette, médiatisation, actions en justice et action directe) pour susciter un changement aux échelons local et national.
  • 2. Développer une capacité d’influence pluriraciale et populaire par l’intermédiaire d’un syndicat d’endetté·es fonctionnant par adhésion. Nous avons recours à des dispositifs et des stratégies d’organisation, de réseautage et d’entraide au niveau local et en ligne, notamment à des outils permettant de contester ses dettes et à l’éducation politique, avec pour objectif de gagner des adhérent·es et de nous battre pour les droits des endetté·es.
  • 3. Bâtir des coalitions pour œuvrer à la création de systèmes économiques différents. Nous travaillons main dans la main avec des groupes qui partagent nos valeurs, afin de concevoir et d’élaborer des formes d’organisation de la société plus durables et équitables que le capitalisme.

Pour en savoir plus sur le Debt Collective et ses actions :https://debtcollective.org/
Voir aussi : Can’t Pay, Won’t Pay : The Case for Economic Disobedience and Debt Abolition (2020), Haymarket Books, 170 p.