Depuis le temps colonial, le Togo connaît une tendance fortement marquée par la centralisation des pouvoirs politiques, administratifs et financiers entre les mains des autorités de l’État central. Cette forme administrative induit la non implication des populations dans les choix en matière de politiques publiques nationales et locales. La période d’exercice de la souveraineté nationale et plus particulièrement celle des années 1960 (malgré le souhait des gouvernants de rompre avec la centralisation excessive de l’ancienne administration coloniale) n’ont pas connu l’application effective des lois de la décentralisation de cette époque.
Cependant, sur la base de l’inefficacité des résultats de la gestion centralisée de l’État, d’une situation démographique changeante en lien avec un contexte socio-économique et politique inapproprié, une gestion nouvelle de l’État, totalement différente de l’ancienne était nécessaire.
Pour ce faire, le Togo à l’instar d’autres pays africains, connaît depuis les années 1980 l’émergence d’un rôle pour l’État axé sur la déconcentration et la décentralisation.
Depuis la constitution de la quatrième république du 14 octobre 1992, le Togo a opté pour une réforme de l’organisation administrative fondée sur le principe de la décentralisation.
En effet dès les années 1990, la décentralisation est devenue la forme d’organisation administrative de la plupart des États africains car elle incarne l’espoir, le partage des pouvoirs entre les citoyens.
Aussi s’avère t-il nécessaire de savoir que la décentralisation se fait dans un cadre juridique bien précis, avec des collectivités territoriales, des acteurs et des compétences dévolues.
Le cadre juridique de la décentralisation au Togo
Le processus de décentralisation administrative au Togo enclenché en 1981 avec la loi n° 81-8 du 23 juin 1981 portant organisation territoriale, a été remis en chantier avec la constitution du 14 octobre 1992 qui dispose dans son article 141, alinéas 1 et 2 que : « la République togolaise est organisée en collectivités territoriales sur la base du principe de décentralisation, dans le respect de l’unité nationale. Ces collectivités sont : la commune, la préfecture et la région. »
Mais la loi n° 98-006 du 11 février 1998 portant décentralisation adoptée pour concrétiser cette disposition constitutionnelle n’a été suivie d’aucune avancée notable. La loi n’a connu qu’une faible application en raison du fait que quelques questions importantes telles que les compétences des collectivités territoriales n’ont pas été résolues et de l’absence d’élections locales. Le processus de décentralisation a été relancé en 2004 avec l’élaboration du Programme National de la Consolidation de la Décentralisation.
Cette loi (celle de 98) vient d’être supplantée par la nouvelle loi N°2007-011 relative à la décentralisation et aux libertés locales qui a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 13 mars 2007 et qui complète la précédente loi.
Les actions de la vulgarisation de la loi, où en sommes-nous ?
La décentralisation qui est appelée à servir de socle et de cadre à une bonne gouvernance de proximité et de participation du citoyen à la gestion de la chose publique et du développement, ne connaît pas encore de mise en place effective.
En effet, l’empreinte des actions à mener en sa faveur n’est pas assez grande pour que l’on puisse parler d’une véritable décentralisation. Une faible connaissance de la loi est remarquée auprès des populations, surtout rurales.
Néanmoins des actions sont menées pour la propagation de la loi. Des actions venant aussi bien de l’État et ses partenaires que des organisations de la société civile.
Une participation plus large et autonome de tous les acteurs, quels qu’ils soient et à quelque niveau que ce soit, au développement du pays passe inévitablement par une meilleure connaissance du cadre juridique de cette participation.
1) Au niveau de l’État et ses partenaires
Loin de faire une liste exhaustive de toutes les actions réalisées en faveur de la vulgarisation de la loi du 13 mars 2007, il est important d’en identifier quelques unes qui ne sont pas négligeables. Des actions menées par l’État et ses partenaires au développement à travers l’organisation des sensibilisations, des formations, des appuis- conseils.
►Le Gouvernement, avec l’appui des partenaires au développement, notamment le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et l’Union européenne (UE), s’est en effet engagé dans une réflexion pour consolider la décentralisation. Ainsi un programme de relance et de consolidation de la décentralisation a été élaboré par un groupe d’experts nationaux et internationaux et adopté au cours d’un atelier national sur la décentralisation en avril 2004.
Ce programme qui se veut consensuel a opté pour de nouvelles orientations et a retenu comme axes prioritaires :
– la clarification du cadre juridique existant et l’élaboration de nouveaux textes ;
– la généralisation et la mise en place des collectivités territoriales décentralisées sur tout le territoire ;
– la dynamisation et le développement du système de financement des collectivités locales ;
– la promotion de l’information et de la sensibilisation, la mobilisation et la participation de tous les acteurs de la décentralisation ;
– le renforcement des ressources humaines et la formation des acteurs locaux.
Aussi depuis juin 2009 le Ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales a élaboré et mis en œuvre avec l’appui financier du PNUD une stratégie de communication sur la décentralisation au Togo à travers la formation, l’information et la mobilisation des différents intervenants dans le processus de décentralisation.
Cette action qui couvre une période de cinq (05) ans (2010-2014), vise à combler le déficit de communication sur le processus de la décentralisation.
►Pour accompagner le gouvernement togolais dans sa volonté de consolider la décentralisation et de favoriser l’émergence d’une démocratie de proximité et d’une gouvernance locale, l’Ambassade de France au Togo apporte depuis septembre 2008, un appui technique et financier par l’intermédiaire du Projet intitulé « Appui au Processus de Décentralisation au Togo ou APRODECT ».
Le Projet APRODECT a pour principaux objectifs :
– d’expliquer les enjeux de la décentralisation par des actions de sensibilisation et de communication en particulier auprès du grand public ;
– de renforcer les capacités de l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus de décentralisation notamment par des activités de formation à destination des agents des services de l’État, des élus et des cadres locaux sans oublier les représentants de la société civile ;
– d’initier avec les collectivités territoriales la mise en œuvre de démarche participative d’amélioration de la gestion des services essentiels rendus aux populations.
2) Au niveau des organisations citoyennes de développement
Plusieurs organisations affiliées ou non à la Fédération des ONG du Togo (FONGTO) et l’Union des ONG du Togo (UONGTO) ont mené et continuent de mener diverses actions pour accompagner le processus de décentralisation.
► Ainsi, chaque année l’Union des Communes du Togo (UCT) organise une journée dénommée « Journée Nationale des Communes togolaises » à l’endroit des populations à la base.
Cette journée est essentiellement consacrée à des réflexions sur les moyens devant permettre aux populations à la base de se prendre en charge dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de décentralisation. Elle permet également aux responsables locaux non seulement de se familiariser avec les instruments juridiques qui leur sont conférés par la loi du 13 mars 2007, mais aussi de formuler diverses recommandations. Ces recommandations à l’endroit des Communes, de l’UCT et à l’État, visent entre autres à préparer le terrain, pour une expérimentation positive de la décentralisation au Togo.
Dans la continuité de son action, l’UCT vient de lancer, avec l’appui de l’Union Européenne (UE) le 19 janvier 2012 la création des centres de ressources dans les cinq régions du Togo (Lomé, Kpalimé, Sokodé, Kara, Dapaong). Sources de documentation en appui au développement local et à la décentralisation, ces centres sont le fruit d’un constat du déficit de connaissance des informations sur la décentralisation par les populations, en l’occurrence de la loi qui la consacre et de ses dispositions.
► Dans la commune de Kpalimé (une des communes de la région des plateaux du Togo), un projet dénommé « Promotion de la gouvernance et du développement local participatif dans la commune de Kpalimé », a permis avec l’appui financier de l’Union Européenne de contribuer à relever les défis et donner une perspective meilleure à la gestion participative des affaires communales et s’inscrit dans les priorités du gouvernement togolais en matière de politique de décentralisation et de démocratisation à la base.
Ce projet de deux ans (2009-2011), dont l’ONG RADI (Recherche Action pour le Développement Intégré) a assuré l’appui technique, a mené les activités suivantes :
– la mobilisation et la sensibilisation des acteurs locaux de la commune Kpalimé sur les enjeux de la décentralisation, le développement local et la bonne gouvernance,
– la Mise en place des cadres de concertation
– le renforcement de capacités des acteurs ou groupes d’acteurs en planification et gestion du développement local participatif
– le diagnostic, analyse organisationnelle et opérationnelle de la commune
– l’élaboration de plan de Développement Communal (PDC)
– le suivi et l’évaluation
► Le Centre d’Observation et de Promotion de l’État de Droit (COPED) qui dans sa mission vise à contribuer à la promotion des valeurs démocratiques à travers tout le Togo se place également comme une organisation dont les actions appuient la vulgarisation de la loi sur la décentralisation.
Ainsi les 23 et 24 août 2010 à Kpalimé elle a organisé un atelier de formation dont le thème est « Rôle de l’élite locale dans la mise en œuvre du processus de décentralisation ».
Ce thème s’articule autour des thématiques suivantes :
Décentralisation au Togo : quelle gouvernance locale pour un développement à la base ?
Fonctionnement et gestion d’une commune
Le contrôle de légalité : atouts et limites
La planification d’un projet
Rôle et place de la femme dans le processus de développement local.
► L’Institut de Recherche et de Formation pour le Développement Local (IRFODEL) est une institution d’éducation qui elle aussi par ses actions accompagne le processus de décentralisation. Ainsi à travers sa formation, un module intitulé « Introduction à la décentralisation et au développement local » y est consacré. Aussi dans son action d’appui accompagnement, IRFODEL intervient auprès des organisations à la base sur les questions de décentralisation et de développement local.
C’est ainsi que depuis février 2010 IRFODEL appuie et accompagne, par une rencontre mensuelle, les comités villageois de développement (CVD) des villages d’un canton du pays appelé Togoville. Cette action vise à dynamiser le canton en prélude de l’effectivité de la décentralisation car il faut « savoir pour mieux agir » selon le slogan de l’Institut.
Conclusion
Des actions sont certes menées pour la vulgarisation de la loi sur la décentralisation par différents acteurs : des ateliers de formation sont organisés à divers niveaux, des campagnes d’information et de sensibilisation sont faites à travers divers canaux de communication. Toutes ces actions resteront vaines si elles ne prennent pas assise sur un cadre juridique qui leur donne tout leur sens.
L’appropriation de la loi par l’ensemble des acteurs de la décentralisation est importance mais elle l’est encore plus si les compétences sont réellement transférées, les organes locaux mis en place à travers l’organisation des élections locales vivement souhaitée par tous.
L’année 2012 est celle prévue par les autorités togolaises pour l’organisation de ces élections.