« La santé publique a besoin de plus de ressources que le CSS pourrait apporter »

Par Marcel Gomes

, par Carta Maior

Cet article a initialement été publié en portugais, et traduit par Eva Champion, traductrice bénévole pour rinoceros

Pour le médecin chirurgien Nacime Salomão Mansur, surintendant de l’Association Pauliste pour le développement de la Médecine (Sociedade Paulista para o Desenvolvimento da Medicina, SPDM), une organisation sociale qui gère 22 unités de soins à São Paulo, seulement la proposition du sénateur Tião Viana (PT-AC, Parti des Travailleurs-Action citoyenne), qui fixe les dépenses de santé à 10 % des recettes courantes brutes, résoudrait le manque de ressources du secteur. « Nous investissons par habitant moins que l’Argentine et le Chili, c’est une honte", déclare-t-il à Carta Maior.

La santé publique est malade, et son rétablissement passe, évidemment, par l’injection de ressources financières supplémentaires. Ceci est l’opinion du médecin chirurgien Nacime Salomão Mansur, surintendant des institutions affiliées à la SPDM, une organisation sociale qui gère 22 unités de soins dans l’État de São Paulo. Pour lui, également membre du Conseil Régional de Médecine de l’État de São Paulo (Cremesp, Conselho Regional de Medicina do Estado de São Paulo), la CSS (Contribution Sociale pour la Santé) ne résoudra pas le problème du secteur : “ 13 milliards de Reais ne suffiront pas". Seule la proposition du sénateur Tião Viana (PT-AC), qui fixe les dépenses en santé à 10% de la recette courante brute, pourrait résoudre le problème. « Aujourd’hui les dépenses tournent autour de 6 %. Il est donc possible, à partir du moment où l’on se fixe un délai, de les échelonner, en commençant par 7 %, puis 8%, jusqu’à arriver à 10 %. Même le ministre de la Santé reconnaît que le pays a besoin d’investir 45 milliards de Reais de plus dans la santé, alors nous devons soutenir la proposition du sénateur", déclare-t-il dans une interview exclusive à Carta Maior, accordée peu de temps avant le vote sur la CSS ce lundi 21 septembre, à Brasilia.

Carta MaiorLe débat existe entre politiques, gestionnaires du secteur de la santé et universitaires, autour de la nécessité de plus de ressources pour la santé publique au Brésil. Mais beaucoup disent, à l’inverse, qu’il est nécessaire d’améliorer la gestion avant de résoudre le problème du financement. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Nacime Salomão Mansur - Je ne vois aucune dichotomie entre le financement et la gestion. D’ailleurs ces questions sont liées, parce que si vous avez moins de ressources, vous avez besoin d’une meilleure gestion. Aujourd’hui, je n’ai aucun doute sur le fait que le Brésil ait besoin d’améliorer son modèle de financement du système de santé. Les dépenses publiques sont actuellement inférieures aux dépenses privées. Nous devons inverser la tendance et augmenter les dépenses publiques. La majorité des États est déjà arrivée au palier de 12 % de dépenses en santé. Les municipalités, dans leur grande majorité, ont elles aussi déjà dépassé les 15 %, et certaines villes de l’État de São Paulo ont déjà employé 26 à 27 % de leur budget dans la santé. Ceci ne peut pas durer.

CM - Il reste donc à augmenter les dépenses fédérales ?

NSM - C’est effectivement la solution, d’autant plus que ces dernières années les dépenses fédérales sont en baisse. Les réglementations issues de l’amendement 29, qui va être voté aujourd’hui (21 septembre), ne résoudront rien. Selon moi, la meilleure proposition est celle du sénateur Tião Viana (PT-AC), qui envisage que 10 % des recettes courantes brutes soient affectées à la santé. C’est seulement ainsi que le système sera plus efficace et le financement stabilisé pour les années à venir. Aujourd’hui les dépenses tournent autour de 6 %. Il est donc possible, à partir du moment où l’on se fixe un délai, de les échelonner, en commençant par 7 %, puis 8%, jusqu’à arriver à 10 %. Même le ministre de la Santé reconnaît que le pays a besoin d’investir 45 milliards de Reais de plus dans la santé, nous devons donc soutenir la proposition du sénateur.

CMLa CSS ne serait qu’une option ?

NSM - Elle ne résoudrait pas le problème car elle ne rapporterait que peu de ressources. Les 13 milliards de Reais que la contribution apporterait sont insuffisants. Nous avons besoin d’une solution plus durable. Et aujourd’hui ce débat est le bienvenu. Le Brésil investit dans la santé per capita moins que les autres pays d’Amérique Latine comme l’Argentine et le Chili. C’est une honte. Avec des ressources supplémentaires, et bien sûr, avec de nouveaux mécanismes de gestion, il serait possible d’améliorer le cadre.

CM - En termes de gestion, quels sont nos problèmes ? Vous-même par exemple, jouez un rôle dans ce domaine, et êtes le défenseur de la participation des organisations sociales dans l’administration des hôpitaux. La solution doit-elle passer par ces organisations ?

NSM - La forme de l’appareil étatique, sa culture, les mécanismes de gestion des ressources humaines, la gestion des processus internes de l’hôpital, tout cela me fait croire qu’une gestion efficace de la santé est impossible en passant par l’État. Cela ne signifie pas que je défende un Etat faible ou minimal, au contraire. L’État doit être fort, présent, mais il ne doit pas pour autant prendre en charge l’ensemble des missions. Ce qui doit être amélioré, ce sont les régulations et les contrôles étatiques. Ce sont des éléments centraux. Notre défi est de mettre en place dans les départements dédiés à la santé, comme cela a été fait à São Paulo, une structure comprenant des personnes possédant des connaissances techniques, ainsi qu’une vision moderne de l’évaluation et des indicateurs hospitaliers. Le gestionnaire étatique est encore très lié à cette idée de processus, à la réalisation des directives, à l’exécution des achats, et il n’existe aucune obligation de résultats quant à sa gestion, ce qui représente une faille que les organisations sociales pourraient combler.

CM - Cependant l’éloignement de l’État par rapport à la gestion ne pourrait-il pas ouvrir un espace pour les projets comme le décret 57.108 de l’État de São Paulo, qui ouvrent un espace pour un traitement différencié entre les clients bénéficiant du SUS et ceux possédant une assurance maladie ?

NSM – Selon moi ce débat est mal posé. Tout d’abord je suis totalement contre un double système, c’est une idée abominable de s’occuper d’un patient avec une structure d’hôtellerie, et d’offrir moins à un autre. Mais ce que nous ne pouvons cesser de chercher, c’est de faire en sorte que les assurances maladie fassent le remboursement du système public. Selon la Cour Fédérale des Comptes (Tribunal de Contas da Uniao, TCU), 9 milliards de Reais n’ont pas été payés. Nous avons besoin d’une loi qui en finisse avec les 100 % de gratuité du SUS, parce que dans sa forme actuelle, le système public ne peut faire payer les assurances. Aujourd’hui le remboursement se fait tout au plus dans les cas d’hospitalisation, et nous perdons beaucoup de nos ressources dans les processus ambulatoires, de tomographie, d’IRM et de petites chirurgies, qui devraient être payés par les opérateurs de santé.

CM Existe-t-il d’autres sources de revenus qui pourraient être utilisées pour la santé ?

NSM - Oui. Le gouvernement réalise un abandon de créances en permettant aux gens de déduire dans leurs impôts sur le revenu des frais liés à des assurances de santé. Cela a généré une perte de 5 à 7 milliards de Reais par an. Je ne crois cependant pas qu’un gouvernement ait le courage de modifier cela, car cela touche directement la classe moyenne.