Les ONG, acteurs incontournables de la Solidarité Internationale ?

La question de la légitimité des ONG

Influence sur la gouvernance mondiale et la société civile, légitimité des interventions de terrain,...

, par Bioforce

Les ONG peuvent travailler, s’opposer, coopérer et établir toute forme de relation avec les pouvoirs politiques et les administrations gouvernementales. De ce fait, la question de la légitimité des ONG se pose et elle ne peut simplement se résumer aux bienfaits apportés aux bénéficiaires de leurs actions car elle ne se différencierait pas de celle des pouvoirs politiques.

Les ONG revendiquent le droit d’agir au nom de l’intérêt de la société et de l’humanité. Contrairement aux actions des politiques qui acquièrent une souveraineté éligible par le peuple, les actions des ONG ne résultent pas d’un processus électoral et leur fonctionnement est souvent considéré comme opaque. Les ONG doivent créer leur légitimité à partir de la qualité, de l’efficacité et de la réussite de leurs programmes ainsi qu’en obtenant la satisfaction des bénéficiaires et des bailleurs.
Les ONG ne veulent pas supplanter l’action des politiques, elles veulent être des partenaires influents des Etats jusqu’à ce que ces derniers puissent assurer leur rôle auprès des populations. Pour certaines ONG, leur expertise juridique et leurs plaidoyers leur permettent d’accéder au stade de consultant auprès des Etats, de peser avec plus ou moins de succès dans les négociations internationales et d’être consultées par les Nations Unies et d’autres organisations internationales.

Légitimité et contexte d’intervention

La question de la légitimité se pose principalement dans deux types de contexte, le contexte dit d’urgence et le contexte de post urgence qui tend à un retour à la normalité.

Contexte d’urgence
Les contextes d’urgence sont généralement liés à des situations de violence politique, de conflit armé, d’épidémie et de catastrophe naturelle, circonscrites dans le temps.

Lors de conflits armés, les ONG ont le devoir de respecter le droit international humanitaire. Ce droit reconnait le rôle de protection et d’assistance aux organisations humanitaires impartiales, il permet un libre accès aux victimes en situation de conflit, d’évaluer les besoins humanitaires, d’entreprendre des actions de secours pour les populations en souffrance, de contrôler que les secours soient fournis sans discrimination et de soigner les malades conformément à la déontologie médicale. Les ONG se doivent de signer avec les autorités un contrat lié aux conventions de Genève leur permettant ainsi d’accéder à des éléments qu’elles ne pourraient obtenir en temps normal. Les autorités gouvernementales et l’Etat accréditant les ONG fixent avec celles-ci un certain nombre de clauses et un protocole d’accord est également négocié avec les autorités.

Mais les normes du droit international humanitaire ne s’appliquent ni en situation de catastrophes naturelles, ni en cas de conflit interne, dans ces circonstances les ONG invoquent le « droit d’ingérence humanitaire » pour intervenir sans l’accord des Etats. Ce droit d’ingérence est remis en question aussi bien sur la scène internationale qu’au sein des ONG depuis sa première application à la fin des années 1970, car il fait fi de la souveraineté territoriale des Etats et de la diplomatie, les organisations mettant en avant les impératifs humanitaires et la défense des droits de l’Homme.

Contexte de post urgence
Historiquement, les contextes de post urgence sont plus dans le viseur des ONG de développement que des ONG d’urgence, mais au vu de la complexification des crises, les deux types d’ONG peuvent se rencontrer sur le même terrain.

Dans ce contexte, le droit international humanitaire n’a pas lieu d’être car celui-ci ne s’applique que lors de conflits armés internationaux et non internationaux. Alors qu’en situation de crises, l’évidence des besoins à combler n’est pas à démontrer, la légitimité de l’action des ONG s’impose, tandis que dans les contextes de post-urgence, la légitimité des ONG est plus difficile à définir car il n’y a pas de circonstances particulières ayant amené l’ONG à agir pour une action non encadrée temporellement. La perception du travail des ONG est donc beaucoup plus problématique et leur légitimité naturellement remise en cause.

ONG, société civile et altermondialisme

Les ONG et les sociétés civiles
La société civile est par définition représentante de l’intérêt général. Elle est constituée de plusieurs groupes sociaux comme les organisations basées sur la communauté, les organisations bénévoles, les organisations culturelles, qui regroupent notamment les femmes, les jeunes, les enfants, les diasporas nationales, les médias, etc. Les ONG qui se définissent négativement par opposition à l’Etat et à l’administration font partie intégrante de cette société civile, et la société civile est souvent réduite seulement au groupe des ONG même si la remise en question de la légitimité de ces dernières est souvent mise en avant.

Afin d’améliorer la mise en place et la finalité des projets, il est de plus en plus courant de signer des accords multilatéraux entre les ONG du Nord et les représentants de la société civile se trouvant sur le terrain. Les relations entre eux sont diverses et dépendent beaucoup des valeurs de l’ONG, de la situation sur le terrain et du contexte dans lequel se trouve la société civile. Les relations peuvent être purement opérationnelles ou beaucoup plus stratégiques, ce peut être des relations à court terme ou des relations à durée indéterminée visant à mettre en place un projet de changement sociétal.

Les ONG et l’altermondialisme
Le mouvement altermondialiste, qui regroupe des citoyens, des militants associatifs ou écologistes et des syndicats, a pour but de dénoncer les effets néfastes de la mondialisation et de mettre en œuvre des alternatives pour un « autre monde ». Il s’exprime particulièrement à travers l’organisation de Forums sociaux mondiaux dont la première édition a eu lieu à Porto Alegre en 2001.

Les ONG sont souvent intégrées dans la mouvance altermondialiste ayant en commun avec cette dernière une critique de la mondialisation. Les altermondialistes, tout comme les ONG, désirent l’accès pour tous aux droits fondamentaux, à la démocratie et à la paix. Les thèmes de la solidarité internationale et du partage culturel sont aussi bien portés par les altermondialistes que les ONG. Ils se rejoignent donc dans des luttes communes, mais des points de divergence importants existent, en particulier sur les stratégies à adopter pour construire des alternatives à la mondialisation.

Toutes les ONG ne se considèrent pas comme altermondialistes. Longtemps considérées comme un contre pouvoir, les ONG sortent du cadre du rôle contestataire pour viser le rôle d’acteur d’une redéfinition de l’action publique. Les ONG peuvent considérer les Etats, les entreprises et les institutions financières internationales comme des partenaires, qui ont néanmoins besoin de modifier leurs façons d’agir, tandis que les altermondialistes souhaitent une réforme en profondeur des institutions internationales, des politiques nationales et internationales et ne collaborent pas, en majorité, avec les entreprises dont ils dénoncent – par ailleurs – les activités néfastes dans les pays en développement.