La population réclame la mise en place de « banques au service du bien commun » pour détrôner les colossales banques multinationales.

, par Common Dreams

Ce texte de Nika Knight, publié le 10 mars 2016, a été traduit de l’anglais au français par Alexandra Kouassi et Isabelle Breton, traductrices bénévoles pour Ritimo. Retrouvez l’article original sur le site de Common Dreams : People Demand ’Banks for the Common Good’ to Overthrow Multinational Behemoths

En Écosse, une coalition d’ONG œuvrant pour la justice sociale se penche sur les risques économiques et écologiques posés par les banques multinationales d’affaires et propose un argumentaire en faveur d’une réforme démocratique.

Dans un récent rapport sur l’Écosse, mais dont la portée est internationale, une coalition d’ONG et de groupes de réflexion britanniques œuvrant pour la justice sociale expose les risques inhérents à un système économique conçu pour avantager les conglomérats bancaires et plaide pour une réforme radicale visant à remplacer ces multinationales par de petites banques locales à but non lucratif, qui serviraient les intérêts des citoyens et non ceux des actionnaires.

Il y a longtemps que les progressistes font valoir le fait que les banques d’affaires représentent une énorme menace pour l’économie mondiale comme l’a clairement démontré la crise économique de 2008. Qui plus est, la situation ne fait qu’empirer dans la mesure où les grandes banques multinationales continuent de fusionner entre elles, tendance qui ne semble pas près de s’arrêter.

Ce tout récent appel en faveur de la création à l’échelle locale de « banques du peuple » (ou people’s banks en anglais) qui seraient des propriétés publiques rejoint un mouvement en plein essor qui milite pour la mise en place de ce type de réforme démocratique des banques tant aux USA, qu’en Europe et à travers le monde.

Le rapport, qui a pour titre original "Banking for the Common Good : Laying the foundations of safe, sustainable, stakeholder banking in Scotland", (Une banque au service du bien commun : poser en Écosse les bases d’un système bancaire sain, durable, et au service des usagers), fut le résultat d’une collaboration entre quatre ONG ou groupes de réflexion sur la justice sociale et économique : New Economics Foundation, Friends of the Earth Scotland, Move Your Money et Common Weal.
Le rapport, qui commence ainsi : « Le système bancaire écossais est instable et n’est pas adapté aux objectifs poursuivis », énumère ensuite une liste consternante d’impacts des banques d’affaires sur la société écossaise :

« Nos banques n’apportent pas les fonds suffisants pour le développement des infrastructures indispensables. Notre système bancaire n’est pas structurellement en mesure de financer des « capitaux patients » (c’est à dire des investissements à faible rendement mais qui peuvent présenter des risques), comme par exemple ceux qui permettraient de stimuler la transition vers une économie durable qui privilégie la faible émission de carbone. En revanche, des milliards sont injectés dans la propriété – ce qui provoque une inflation des prix des actifs – ainsi que dans des industries non durables comme les mines de charbon, la fabrication d’armes nucléaires, et dans la spéculation sur les prix des denrées alimentaires – cette dernière pratique ne faisant qu’aggraver la malnutrition au niveau mondial.  »

Selon Friends of the Earth Scotland, « nous devons abandonner un système bancaire fortement concentré et axé sur le profit pour adopter un système dont les institutions soient structurellement conçues pour travailler au service du bien commun. »

Comme dans la majorité des pays développés, en Écosse, la majeure partie du marché est aux mains de quelques banques seulement. Illustration : Common Weal.

Légende :

Figure A : La banque grand public en Écosse est aujourd’hui dominée par deux sociétés : la Banque royale d’Écosse (Royal Bank of Scotland, RBS) et le Groupe Lloyds, qui a intégré la Banque d’Écosse (Bank of Scotland).
En rouge : les banques détenues par des actionnaires.
En bleu : les coopératives de crédit.
En blanc : les caisses d’épargne municipales.
En gris : la caisse d’épargne d’Airdrie.

« Il existe bien des institutions alternatives, cependant elles sont de petite taille et ont du mal à se faire une place dans un système compétitif où tout est fait pour privilégier les grosses banques », ajoute le rapport.

On y trouve également une liste d’arguments en faveur de réformes démocratiques du système bancaire sur le plan local, régional et international, et un appel à trois réformes majeures qui pourrait parfaitement s’appliquer à d’autres pays :

 > Créer dans chacune des huit régions de l’Écosse des « Banques du peuple » (People’s Banks), à but non lucratif qui offriraient des services bancaires à la population et aux entreprises locales.

 > Ces banques locales feraient partie d’un « Réseau des banques du peuple » (People’s Banking Network) afin de partager les risques et de mutualiser les formations, la commercialisation et le fonctionnement de services clefs comme les systèmes de paiement.

 > Une « Banque nationale écossaise d’investissements » (Scottish National Investment Bank) aiderait ces institutions en les dotant d’un fonds de démarrage et en leur apportant un soutien au niveau structurel. La banque serait indépendante du gouvernement sur le plan institutionnel mais elle serait propriété publique et aurait pour objet de promouvoir le développement durable et l’emploi grâce à ses prêts.

Le rapport souligne que, contrairement à ce qui se passe en Grande Bretagne, dans la plupart des autres pays développés un très grand nombre de personnes confient leur argent à de petites banques locales (ou à des coopératives de crédit). A l’opposé, l’excès de confiance de l’Écosse dans les grandes banques multinationales aboutit à un système « bloqué dans un cycle d’amendes, de renflouements et de crises » fait remarquer le rapport.

« Nous tenons absolument à faire comprendre que l’Écosse pourrait créer un système bancaire vraiment puissant et au service des individus, dans le cadre des pouvoirs qu’elle possède déjà et que cela serait un projet d’envergure, pour une transformation radicale, que pourrait entreprendre un gouvernement écossais » déclare Robin McAlpine, directeur de l’organisation Common Weal. « C’est le genre de réalisation dont les générations futures nous remercieraient ».