La parole des enfants et des jeunes

Une contribution de ritimo aux réflexions des Cahiers pédagogiques à l’occasion des 30 ans de la CIDE

, par ritimo , DUVAL Virginie

Depuis la rentrée scolaire 2019, nous avons pu assister à des prises de parole fortes de celles et ceux que l’on ne considère pas encore comme « adultes ». D’abord, la voix des lycéen·nes mobilisé·es dans des grèves scolaires pour le climat. Puis celles des étudiant·es en lutte contre la précarité.

Dans les deux cas, la réponse de celles et ceux que nous présentons comme « responsables » (politiques, légaux, adultes !) a été de décrédibiliser l’expression des plus jeunes.

Lorsque Greta Thunberg, dont les portraits sont apparus dans les manifestations lycéennes et sur les murs de Paris, est invitée à l’assemblée nationale française, plusieur·es député·es annoncent qu’il·elles boycotteront son allocution, l’accusant d’être manipulée (par des adultes), D’autres précisent qu’ils refusent d’écouter « une prophétesse en culottes courtes », « sans légitimité démocratique » [1].

Sois jeune et nettoie. Murs de Paris, septembre 2019. Image ritimo.

Lorsque « A », 22 ans, tente de se suicider par immolation devant les services des œuvres universitaires, les représentant·es du gouvernement expliquent à tour de rôle qu’il ne peut en aucun cas s’agir d’ « un acte politique » [2]. La lettre laissée par l’étudiant lyonnais aura eu beau pointer du doigt celleux qui l’auront tué en « en créant des incertitudes sur l’avenir de tou·tes », ses amis auront eu beau dénoncer « ces institutions inhumaines, cette précarité, cette violence trop commune que l’Etat et l’Université exercent contre les étudiant·es dans l’indifférence générale » [3], la parole de l’étudiant n’aura pas été accueillie pour ce qu’elle est.
Dans les deux cas, les adultes auront considéré que ces mots forts, durs ne pouvaient qu’être l’expression d’enfants manipulés ou malades.

Dans les deux cas, la prise à partie des institutions aura été faite avec l’école en toile de fond : grèves scolaires du vendredi, dénonciation des conditions d’études et pratiques des institutions gestionnaires de la vie étudiante…

Si l’École est le dénominateur commun, qu’est-ce que cela signifie de la place qui y est faite pour le droit à l’expression des enfants ?

Le jeu de la ficelle

L’éducation populaire a développé depuis plusieurs années une approche pédagogique qui permet d’appréhender un « système » dans sa globalité, c’est à dire qu’elle s’attache à observer tou·tes les acteur·rices du système donné, leurs interactions, les jeux de pouvoir entre chacun·e d’entre elleux et les enjeux politiques [4]. Et ainsi donner aux participant·es du jeu les moyens de penser les failles du système et les alternatives. Il existe une version de ce jeu autour du système « Ecole » : « les ficelles du milieu scolaire ».

Ce jeu de la ficelle a pour objectif de représenter les relations entre chacun·e des acteur·rices positionné·es sur trois cercles différents : au centre, l’enfant/élève ; dans le cercle immédiat, les acteurs internes à l’établissement (enseignants, mais aussi infirmiers, agents de la cantine, CPE, chefs d’établissement, documentaliste, AVS, gestionnaire, assistants d’éducation, club du lycée…) et dans le troisième cercle, tou·tes les autres acteur·rices éducatif·ves (parents d’élèves, direction académique, association complémentaire de l’École ...). L’outil permet une réflexion formidable sur le fonctionnement de l’École : penser la relation des un·es et des autres avec les parents, faciliter leur accueil dans l’établissement scolaire.

Semaine de formation à l’ECSI - image ritimo

Pour une école libre et émancipatrice

Pourtant, lors d’une animation récente, nous avons été frappé·es d’observer, lors du temps de jeu de rôle, une multitude d’interactions entre personnages : un inspecteur qui envoyait des consignes, des enseignant·es qui s’organisaient, des parents qui demandaient des explications… Et un enfant resté seul au centre.

Si l’exemple est frappant, il ne prétend pas représenter plus que la réalité d’un jeu d’un jour. Il permet, cependant, de poser la question de la place laissée à la parole de l’enfant dans notre société. Alors que les responsables politiques réclament « plus d’engagement » des jeunes et multiplient les dispositifs qui encadrent cet engagement, sommes nous prêt·es, acteur·rices éducatif·ves, à entendre la parole brute des enfants ? A faciliter son émergence ?

A l’occasion d’une journée consacrée au 30e anniversaire de la convention internationale des droits de l’Enfant, organisée par le Festival des solidarités, des jeunes de tous horizons, entre 14 et 19 ans, étaient invité·es à exprimer leurs revendications. En haut de la liste, on pouvait lire : « pour une école libre et éducatrice ; une éducation équitable ».

Journée de lancement du Festisol 2019 - Ecoutons la voix des mineur·es. Image ritimo

La démarche de l’Éducation populaire est celle de l’auto-formation. Le savoir se construit collectivement, à partir des expériences, toutes valables, des uns et des autres. C’est la mise en commun, la libération de la parole, qui permettra l’émancipation individuelle et collective. De nombreux outils permettant l’émergence de cette parole ont été développés et peuvent être adaptés au contexte d’intervention auprès des plus jeunes pour leur permettre l’exercice de leur droit d’expression. Plusieurs de ces outils sont présentés dans le dossier ECSI consacrée par ritimo à la parole des enfants