Tunisie : que reste-t-il de la révolution aujourd’hui ?

La multiplication des partis

, par CDTM 34

L’éparpillement des forces politiques

Dès 2011, l’éclosion de centaines de partis a conduit à un éparpillement des forces poltiques. Par ailleurs, plusieurs partis se sont scindés au cours des années à cause de dissensions internes. D’une part, cette multiplication brouille les repères des Tunisien·nes qui n’arrivent pas toujours à distinguer de différences claires dans leurs programmes. D’autre part, de nombreux partis forment des coalitions de gouvernement alors que leurs projets politiques sont manifestement en opposition concernant notamment la place des islamistes dans la gouvernance du pays et le retour des personnalités de l’ancien régime.
Depuis la révolution, aucun parti n’a jamais obtenu la majorité à l’Assemblée, une situation inédite car, depuis l’indépendance du pays, la chambre des députés avait toujours été dominée par un seul parti, celui du chef de l’État.

Image par David Peterson de Pixabay

Les partis « modernistes »
La revendication de « moderniste » par de nombreux partis recouvre des projets très différents. Les uns veulent rompre avec le mode de gouvernance autoritaire du passé, d’autres souhaitent un retour au projet de société de l’époque de Bourguiba et de Ben Ali. Ils ont en commun de s’opposer à l’hégémonie du parti islamique Ennahdha.

Principaux partis et coalitions

Par ordre alphabétique

Afek Tounès (Horizons de Tunisie)
Fondé le 28 mars 2011, tendance sociale-libérale.
Fadhel Abdelkefi est élu en 2020 président du parti, le troisième depuis sa création.

Bloc démocrate
Groupe parlementaire formé en 2016 à l’initiative du député Noomen El Euch, rassemblant des membres de plusieurs courants, notamment du Courant démocrate et du Mouvement du peuple, du Parti de la voix des agriculteurs, de l’Union démocratique et sociale et du Front populaire, et des indépendants.
Social démocrate. Opposé à Ennahdha et mobilisé contre la corruption.
Février 2022 : dénonce la prise de pouvoir de Kaïs Saïed.

Congrès pour la République (CPR) 
Parti fondé en avril 1994 par Moncef Marzouki, ancien président de la Ligue des droits de l’homme et opposant historique à Ben Ali ; légalisé en mars 2011.
Orientations politiques : laïc, gauche populiste.
En 2016, annonce sa fusion avec Harak Tounès (Mouvement Tunisie Volonté).
Mais le parti présente ses propres listes lors des législatives de 2019.
Décembre 2021 : Moncef Marzouki est condamné par contumace à 4 ans de prison par la justice de son pays pour avoir dénoncé le coup d’État de Kaïs Saïed.

El Karama : Coalition de la dignité
Coalition qui devient un parti islamiste, en mai 2021, il s’est construit en réaction à la décision d’Ennahdha d’abandonner l’islamisme militant.
Président : Seifeddine Makhlouf.

Ennahdha
Créé en 1981 sous l’appellation Mouvement de la tendance islamique, proche des Frères musulmans, Ennahdha, est implanté de longue date dans le pays, particulièrement dans les classes populaires et dans les campagnes. Il a été réprimé aussi bien sous Bourguiba que sous Ben Ali.
Ennahdha a été légalisé le 1er mars 2011.
Ce parti islamique domine la scène poitique depuis la révolution. Il a été la première force politique. En 2016, alors que le pays est en crise après l’assassinat de militants de gauche par des islamistes, Ennahdha se démarque du salafisme et des Frères musulmans et affirme qu’il accepte le jeu démocratique. Le congrès d’Ennahdha décide de séparer ses engagements politiques de ses activités religieuses.

Lors de la prise de pouvoir par Kaïs Saïed, le 21 juillet 2021, Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha et président de l’Assemblée des représentants du peuple, dénonce ce qu’il considère comme un « coup d’État contre la Constitution ».

Rached Ghannouchi, militant de longue date du mouvement islamique, a vécu de nombreuses années en exil à Londres. Leader d’Ennahdha, il dirige le parti avec autorité ; mais son engagement dans des alliances avec des partis anti-islamiques pour se maintenir au pouvoir rencontre des oppositions dans son parti.

Hamadj Jebali, figure historique du mouvement islamique a passé 16 ans en prison sous Ben Ali. Président puis secrétaire général d’Ennahdha, chef du gouvernement de décembre 2011 à février 2013, il démissionne après le meurtre de Chokir Belaïd. Partisan de faire rentrer des technocrates dans le gouvernement, il quitte son parti dont il dénonce les choix politiques. Il rejoint la coalition Tounès Okhra .

Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés)
Fondé en 1994 par Mustapha Ben Jaafar, social-démocrate.
Adhère à l’Internationale socialiste.
Février 2022 : dénonce la prise de pouvoir de Kaïs Saïed.

Front populaire
Fondé en octobre 2019 . Anciennement Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution, regroupant 12 partis politiques et associations de gauche, nationalistes et écologistes, ainsi que de nombreux intellectuels indépendants.

Harak Tounès Al Irada (Mouvement Tunisie volonté)
Créé par Moncef Marsouki en décembre 2015. Ses membres sont essentiellement issus du Congrès pour la République (CPR).

Machrou Tounès (Projet pour la Tunisie)
Fondé le 20 mars 2016 par Mohsen Marzouk. Issu d’une scission avec Nidaa Tounès dont il a été le secrétaire général et le bras droit de Beji Caïd Essebsi. Dénonce l’alliance avec Ennahdha.

Nidaa Tounès (L’appel de la Tunisie)
Parti créé en juin 2012 par Béji Caïd Essebsi, (ancien ministre de Bourguiba), pour défendre l’héritage moderniste de Bourguiba face aux islamistes d’Ennahdha. Premier parti en 2014, il subit des dissensions puis s’effondre aux élections de 2019.
Décomposition du parti en 2018/2019.

Parti destourien libre (PDL)
Son nom fait référence au premier parti nationaliste tunisien, le Destour, créé en 1920 (en arabe dustur : la Constitution). Fondé en 2013 par Hamed Karoui (ancien ministre de Bourguiba et premier ministre de Ben Ali) sous le nom de Mouvement destourien avant de prendre son nom actuel en 2016. Créé pour rassembler les sympathisants du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali et s’opposer à l’islam politique. Il est dirigé par l’avocate et députée Abir Moussi.

Qalb Tounès (Au cœur de la Tunisie)
Le parti, initialement dénommé Parti tunisien pour la paix sociale, est légalisé le 20 juin 2019.
Président : Nabil Karaoui, homme des médias, proche de Ben Ali. En 2011 il soutient la révolution et adhère à la création de Nidaa Tounès dont il démissionne en 2017. Il est poursuivi pour fraudes fiscales et emprisonné en août 2019. Paternaliste, il s’adresse aux pauvres et aux exclus.

Réforme (anciennement Réforme nationale)
Groupe parlementaire formé en 2019 par le secrétaire général du parti Taya Tounès (Vive la Tunisie) Hassouna Nasfi, qui rassemble les membres de son parti, de Nidaa Tounès, Afek Tounès et des indépendants.

Taya Tounès (Vive la Tunisie)
Fondé en janvier 2019 et dirigé par Youssef Chahed.
S’oppose à l’alliance avec Ennahdha.