La lutte des Amérindiens pour la récupération de leurs terres

Introduction

, par CIIP

« Nous faisons partie de la terre et la terre fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos sœurs, le cerf, le cheval et le grand aigle sont nos frères. Les sommets rocheux, la campagne verdoyante, la chaleur des poneys et celle des êtres humains, tout cela appartient à la même famille ».
Chef peau rouge, Seattle

Rappelons d’abord que le terme « indien » appliqué aux populations d’Amérique descendant des populations précolombiennes vient de l’erreur de Christophe Colomb qui croyait avoir abordé les Îles avant-postes de l’Inde. D’ailleurs, le nouveau continent fut un temps appelé « Indes occidentales ».
Le terme « indien » fut appliqué indifféremment aux habitants des Grandes Plaines des actuels États-Unis et à ceux des forêts tropicales amazoniennes, en passant par ceux des hauts plateaux mexicains et andins. Ce terme « indien », dont la connotation a été aussitôt perçue par les intéressés comme péjorative, a été très vite récusé par ces derniers qui se sont désignés comme « pueblos originarios ». On emploie désormais l’expression « peuples autochtones » ou « peuples amérindiens ».

Depuis les années 1990 – rappelons que 1992, 500ème anniversaire de la « Découverte des Amériques », fut l’occasion de nombreuses contre-célébrations –, les résistances indiennes se sont intensifiées. La lutte principale a été axée sur la récupération des terres ancestrales, sans lesquelles la survie identitaire, culturelle et économique des populations amérindiennes est pour le moins hypothétique…

Origines et histoire

Le moins qu’on puisse dire est que l’origine des Amérindiens fait l’objet d’interprétations diverses et contradictoires. Première question : sont-ils tous venus d’Asie, par le Nord, via le Détroit de Behring, qui était alors gelé (il y a un peu plus de 10 000 ans) ? Ou, autre hypothèse, des peuples venus d’Asie du Sud, voire d’Australie, auraient atteint l’Amérique en naviguant d’île en île… Quant à la datation des origines des premiers Amérindiens, elle varie de 10 000 à 30 000 ans. Il semble bien qu’avec le développement de la génétique moléculaire, et des fouilles récentes opérées aussi bien au nord qu’au sud des Amériques, on peut désormais affirmer que les premiers autochtones remontent à au moins 30 000 ans. Une immigration en plusieurs vagues, l’expansion dans le sud du continent s’étant opérée via l’isthme de Panama. La chasse, la pêche et la cueillette des plantes sauvages ont été à la base du premier mode de culture et d’autosubsistance. Mais très vite la culture plus ou moins intensive du maïs va devenir dominante à partir du Mexique pour s’étendre à l’Amérique centrale puis à l’Amérique latine.

Grands ensembles

Christian Rudel, l’un des meilleurs connaisseurs de la réalité amérindienne, distingue dans son ouvrage « Réveils amérindiens » (éd. Karthala, 2009) 7 grands ensembles :

 Indiens du Grand Nord et Inuits (Alaska, Canada)
 Indiens des Prairies (États-unis)
 Empire Aztèque (Mexique, partie de l’Amérique Centrale)
 Confédération Maya (Amérique Centrale, notamment Guatemala)
 Indiens de l’Amazonie (Guyane, Surinam, Brésil)
 Empire Inca (Équateur, Pérou…)
 Guaranis (Paraguay)

Il faut souligner la constitution relativement rapide de sociétés complexes et diversifiées, notamment sur la base d’une économie « productive », avec une céréale dominante, le maïs (souvent irrigué), et une agriculture sur brûlis. Et l’émergence de cultures rurales et de cultures urbanisées…

Un véritable génocide

Oui, on peut affirmer que les Amérindiens ont été l’objet d’un véritable génocide. En un peu plus de deux siècles, de 1492 à 1700, dans la moins pire des hypothèses, la destruction des populations autochtones des Amériques fut de 85% : 68 millions de morts pour une population évaluée au départ à 90 millions. Une des plus grandes catastrophes démographiques de l’histoire de l’humanité dont les causes sont multiples : guerres de conquête et de colonisation, mauvais traitements, travail forcé (près de 8 millions de morts en un siècle dans la seule mine d’argent de Potosi en Bolivie), modification des chaînes alimentaires, et surtout épidémies importées par les Européens (variole, grippe, rougeole, typhus et fièvre typhoïde). Cinq siècles de massacres, d’exploitation, de négation durant lesquels les Amérindiens ont été dépossédés de tout, de leurs terres, de leurs cultures et de leurs langues qu’il leur fut quasiment interdit de parler. Eduardo Galeano, le grand écrivain uruguayen, auteur de nombreux ouvrages dont « Les veines ouvertes de l’Amérique Latine » (Plon, coll. Terre humaine, 1980), raconte qu’à l’école on leur apprenait que leur pays avait été sauvé du « problème indien » grâce aux généraux du siècle passé qui exterminèrent les derniers Charruas (ethnie de la région de Rio de la Plata). Ainsi Gabriel Moreno, historien bolivien, croyait que « les Indiens sont des ânes qui engendrent des mulets lorsqu’ils se croisent avec la race blanche »…

La cosmovision [1] indienne

Cette cosmovision est commune à l’ensemble des Amérindiens, avec des formes différenciées. Dans cette cosmovision, la Terre – la Pachamama en Amérique « latine » - c’est la Terre-Mère, la Terre nourricière qui donne vie à tout être vivant, dispense les aliments aux humains, les plantes médicinales pour combattre les maladies.
La Terre est la mère de tous les hommes, ces derniers sont ses fils, donc tous frères, et cette vaste fraternité rassemble les hommes d’hier, ceux d’aujourd’hui et ceux de demain.

La Terre et le cosmos en général n’appartenant à personne, ils ne peuvent faire l’objet de commerce et d’exploitation ne répondant pas à des besoins fondamentaux. On peut parler de relation sacrée entre les Indiens, la Terre et l’environnement naturel.

Vivre en harmonie totale avec la Terre, les arbres, les plantes, l’eau, le ciel, les étoiles, les animaux… telle est leur « règle de vie », leur sagesse. On peut comprendre que très vite, face aux mauvais traitements infligés à ce « cosmos » par les envahisseurs, aux pillages et aux saccages, les Indiens ne pouvaient que se révolter…