La dette : un frein au développement

La gestion de la crise et ses conséquences socio-économiques

, par CIIP

Les Plans d’Ajustements structurels

Face à la crise qui a ébranlé le système financier international, les créanciers ont créé un front uni pour imposer aux pays débiteurs un plan leur permettant de dégager les ressources nécessaires au remboursement de leurs dettes. A la tête de cette coalition de créanciers se trouvent la Banque mondiale et le FMI agissant au titre de protecteurs des intérêts des banques privées et des États créanciers du Nord. En réalité, il existait un partage des tâches entre ces deux institutions financières pour piloter la gestion de la dette des pays du Sud : le FMI prend en charge la mise en place d’une politique structurelle pour régler les problèmes de déficit budgétaire et de taux de change. La Banque mondiale s’occupe des réformes en matière d’agriculture, de santé, de transport, d’éducation, etc.
Les réformes politiques et économiques préconisées, dénommées plans d’ajustement structurel (PAS) comprenaient deux volets : un volet stabilisateur à court terme et une phase structurelle à long terme.

1. Les mesures à court terme
a- Austérité budgétaire pour établir l’équilibre budgétaire. Cette austérité a frappé souvent les plans sociaux qui ont subit des coupes budgétaires très importantes.
b- Suppression des subventions sur les produits de première nécessité comme le pain, le riz, etc. qui sont les nourritures de base des personnes défavorisées.
c- Dévaluation de la monnaie locale afin d’augmenter les prix des produits importés, et par conséquence réduire leur importation. Cette mesure a aggravé l’inflation et surtout pénalisé les salariés et les groupes sociaux défavorisés.
d- Augmentation du taux d’intérêt afin d’attirer les capitaux étrangers. Cette mesure a souvent augmenté la charge de la dette interne de l’État, aggravé le déficit budgétaire et obligé l’État à réduire les autres postes budgétaires indispensables pour l’équilibre socio-économique du pays.
e- Désindexation des salaires qui met en cause la convention collective et le salaire minimum légal en libérant le marché du travail.

2. Les réformes structurelles
a- Privatisation des entreprises publiques, privatisations qui ont profité aux capitaux étrangers, surtout aux firmes multinationales à la recherche de placements rentables.
b- Dérégularisation du système bancaire : privatisation des banques publiques et perte de contrôle de la banque centrale sur les activités des banques privées.
c- Libération du commerce : suppression des barrières tarifaires et non tarifaires sur les importations laissant le champ libre aux firmes étrangères de concurrencer les entreprises locales.
d- Privatisation des terres au détriment des paysans pauvres et des petits exploitants. Cela a accéléré l’exode rural massif et la création de grands bidonvilles en Afrique, Asie et Amérique latine.

Toutes ces mesures, imposées aux pays du Sud par les Institutions financières internationales pour couvrir les intérêts des banques et des gouvernements des pays du Nord, sont inspirées de l’idéologie néo-libérale illustrée par le consensus de Washington. Leur application a eu des effets socio-économiques dévastateurs dans tous les pays soumis à ces mesures, en Afrique, comme en Asie ou en Amérique latine.

L’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE)

Sous la pression de la société civile, en 1996, les pays du G7 décident d’intervenir en faveur d’un groupe de 41 pays considérés comme pays pauvres très endettés (PPTE) : le plan d’allègement prévoit une réduction de 100 milliards de dollars du stock de la dette de ces 41 pays. Grâce à la mobilisation de la campagne Jubilé 2000, en 1999 cette initiative est complétée par des plans d’allègement bilatéraux. Mais l’impact global est très relatif : seuls 35 pays sont éligibles au dispositif. Cela ne représente que 2,8% de la dette extérieure de l’ensemble des pays en développement et à peine plus de 20% de celle des pays à faibles revenus. La plupart des PPTE avaient atteint un tel niveau d’endettement qu’il ne leur était pas possible de rembourser les sommes dues. Les allègements consentis portent en partie sur ces créances non recouvrables. De plus, ces allègements sont comptabilisés dans les budgets d’aide publique au développement (APD), régulièrement en baisse depuis des années.
En outre, l’initiative exclut bon nombre de pays pauvres confrontés à des problèmes similaires à ceux des PPTE en terme de pauvreté et de surendettement. Les pays à revenu intermédiaire fortement endettés souffrent également des conséquences désastreuses que le remboursement excessif de la dette provoque sur le développement humain de leurs populations.

Surtout, la logique reste de rendre la dette soutenable ; les Institutions financières internationales se basent sur le niveau de dette censé permettre aux pays débiteurs d’honorer leurs remboursements. Etre solvable, c’est une logique de créanciers. Ce n’est pas une politique d’aide publique au développement dont l’approche première devrait être de lutter contre la pauvreté et permettre aux populations d’accéder aux droits humains fondamentaux en terme d’alimentation, d’éducation, de soins...

Vers une annulation des dettes publiques ?

Suite à la crise économique et financière et la révolte populaire qui s’en est suivi (2001-2002), l’Argentine fait appel au droit international pour annuler sa dette extérieure. En juillet 2005, lors du sommet de Gleneagles, les leaders du G8 s’accordent pour annuler la dette que 40 pays les plus pauvres du monde doivent à la Banque mondiale, au FMI et au Fonds de Développement africain. Mais cet accord ne porte que sur 3% de la dette extérieure des 165 pays en développement. De plus, outre les promesses non tenues, les fonds vautours, qui poursuivent en justice les pays trop endettés, sapent les gains limités des annulations de dette approuvées par le G8 pour résoudre la crise de la dette.
En octobre 2006, la Norvège reconnaît pour la première fois sa part de responsabilité dans l’endettement de cinq pays – l’Équateur, l’Égypte, la Jamaïque, le Pérou et le Sierra Leone – et décide d’annuler unilatéralement une part des créances qu’elle détient envers ces pays. Pour la première fois un État du Nord pose la question des prêts responsables et de la dette illégitime.