La démocratie commence en Grèce

, par Outras Palavras

Avec les élections législatives gagnées par Syriza, le mouvement de la gauche radicale, une nouvelle page de l’histoire grecque s’ouvre. Analyse d’un journaliste portugais quelques semaines avant les élections.
Cet article a été traduit du portugais au français par Fernanda Grégoire, traductrice bénévole pour Ritimo. Retrouvez l’article original sur le site de Outras Palavras ici : A democracia começa na Grécia

Par Nuno Ramos de Almeida

Les Grecs vont aux urnes le 25/01, et ils pourraient renverser les politiques d’ « austérité » et mettre en marche une révolution démocratique. Face à cette situation, le FMI et l’Allemagne ont déjà commencé le chantage...

L’année 2015 — une année qui promet tout, sauf la monotonie — a peut-être commencé à l’avance ce mercredi 29/12. La manœuvre du premier-Ministre grec, Antonis Samaras, pour assurer son propre mandat jusque 2016 a échoué. En conséquence, il y aura des élections parlementaires anticipées le 25/01. D’après les informations, Syriza — le parti de la gauche radicale — est le favori pour former un nouveau gouvernement. Son principal leader, Alexis Tsipras, a déclaré, quelques minutes plus tard : « une page s’est tournée. Dans peu de temps, les politiques d’"austérité" imposées au pays feront partie du passé ». Il s’agit, dans une forme plus radicale, des mêmes mesures que Joaquim Levy, le ministre des Finances choisi par Dilma Roussef, veut imposer au Brésil à partir de 2015…

Une victoire de Syriza aurait des conséquences au-delà de la Grèce et de l’Europe. Cela défierait l’étrange retour du néo-libéralisme – la politique ultra-capitaliste qui a provoqué la crise qui a commencé en 2008, mais qui, paradoxalement, a retrouvé son influence en raison du manque de solutions systémiques pour le moment. C’est pour cela que ce ne sera pas facile. Immédiatement après l’annonce des élections, le Fonds monétaire international (FMI) a suspendu le paiement d’un prêt à la Grèce, pour lequel il s’ était engagé. Et le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble s’est adressé aux grecs en répétant, ipsis literis, la phrase de Margareth Thatcher : « il n’y a pas d’alternatives »… 

Les grecs s’inclineront-ils ? C’est peut-être le premier grand défi de 2015, le premier acte qui définira l’orientation que l’année prendra. Outras Palavras fera la fête dans les prochaines heures, pour que l’année qui arrive bouscule les conformistes et rassure les inquiets ! Cela a été formidable d’avoir votre compagnie en 2014. Restons ensemble en ces temps difficiles, néanmoins remplis d’opportunités qui s’ouvriront. Santé ! (A.M.)

Quand les États-Unis ont occupé l’Irak, ils ont envoyé un homme pour commander le pays : Paul Bremer a été l’élu. L’homme qui portait le costume-cravate avec des bottes militaires est devenu célèbre en défendant publiquement les propos suivants : les Irakiens auront une démocratie, ils pourront élire tout le monde, sauf les partis avec lesquels les américains sont en opposition.

Bien que l’Irak de cette époque vivait sous l’occupation militaire et que l’Union européenne soit un espace formellement constitué par des pays indépendants, la situation est la même pour les peuples sous le joug de la troïka [FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne] : les peuples sont libres de voter tant qu’ils ne remettent pas en cause l’ordre imposé par l’axe Berlin-Bruxelles. Et pour le rappeler aux plus récalcitrants, tous les moyens sont bons : après que le FMI ait annoncé la suspension du paiement de la sixième tranche d’un prêt, le Ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, vient d’affirmer en public que « les Grecs n’ont pas d’alternatives » autres que les politiques d’austérité.

La recette du chantage et de la pression est ancienne, mais n’a encore démontré aucun résultat jusqu’à aujourd’hui . En 2011, la troïka avait également annoncé la suspension d’une tranche du premier prêt à la Grèce. La décision d’écouter le peuple et de faire un référendum concernant les mesures de la troïka, annoncée par l’ancien premier-ministre grec Papandreu, a laissé Berlin et Bruxelles en état de guerre. Le gouvernement grec a été obligé de reculer sur toute la ligne et d’assumer que les impositions de la troïka n’étaient pas soumises aux décisions démocratiques.

Dans cette deuxième tentative de chantage, la Grèce a quelques années de plus de mesures imposées par l’étranger qui ont entraîné la destruction du pays et l’appauvrissement de sa population. Aucun habitant n’ignore donc que ce chantage peut être puissant car il se base sur ma peur de l’inconnu. Cependant, ils savent l’essentiel : que la politique de la troika s’est limitée à garantir les profits des spéculateurs, et à voler aux pauvres pour donner aux riches. Aucun des problèmes structurels de l’économie grecque n’a été résolu ; le pays produit moins, a un taux de chômage plus élevé, il est plus endetté et il est plus pauvre et inégal. La seule chose que ces politiques, marquées par le cachet...... de la chancelière allemande, ont réussi est de donner davantage d’argent aux mêmes : aux spéculateurs et aux très riches.

Le 25 janvier auront lieu des élections législatives anticipées en Grèce et pour la première fois, un parti anti-troika peut gagner. Les sondages annoncent comme vainqueur Syriza (coalition de la gauche radicale). Cela pourrait être le premier épisode d’un changement , qui ne serait pas uniforme mais considérable en Europe. Après la possible victoire de l’extrême-gauche en Grèce, les sondages disent qu’en Espagne, le parti Podemos pourrait se disputer la première place des élections. En France, c’est le Front National qui pourrait triompher et au Royaume-Uni, l’UKIP continue à prendre de l’importance. Tous ces partis sont différents, la seule chose qui les unie c’est qu’ils répondent à un mal-être croissant des peuples par rapport à l’intégration européenne et aux politiques dictées par le gouvernement de Berlin.

Ce qui s’est vérifié jusqu’à présent, c’est que les politiques néo-libérales ont vidé la démocratie de tout sens et sont devenues de plus en plus autoritaires. Les peuples votent pour des partis différents mais ceux qui donnent les ordres restent Berlin et Bruxelles, sous la commande des intérêts des « marchés ». Même les budgets de l’État doivent désormais avoir l’accord de Bruxelles. La seule chose que l’intégration dans l’UE fait est de garantir que tous, nous payons les dommages des spéculateurs financiers. C’est la leçon que nous a laissé la crise financière qui a commencé en 2008 : lorsque les profits de la spéculation étaient élevés, ce sont les actionnaires spéculateurs des banques qui ont reçu les dividendes ; quand les banques ont souffert des pertes ou ont fait faillite à cause de la spéculation, ce sont nous qui avons payé. Notre démocratie a été expropriée pour garantir la sécurité des profits des puissants.

Il n’y aura de solution à cette situation qu’en rendant la souveraineté aux peuples. La démocratie n’a de sens que si nous avons la possibilité choisir des chemins différents. Le 25 janvier, les grecs iront aux urnes et cela peut être le début d’une révolution démocratique.