Mayotte, la fin d’un territoire d’exception ?

L’exception territoriale : une île comorienne rattachée à la France

, par Bioforce

L’archipel des Comores est un ensemble de quatre îles (Anjouan, Mohéli, Mayotte et Grande Comore), situé au sud-est de l’Afrique, à l’est du Mozambique et au nord-ouest de Madagascar. Plus vieille île géologique de l’archipel des Comores, Mayotte fut l’une des dernières à être habitée, après la venue de Swahilis aux environs du IXe siècle.

Mayotte est comorienne
Photo : David Stanley, 2013 (CC BY 2.0)

Bien que faisant partie du même territoire géographique, des divergences ont toujours existé entre Mayotte et les trois îles de l’archipel. Elle a été la première à devenir française en 1841 et, tout au long de son histoire coloniale, elle a toujours été privilégiée par la métropole. Durant cette période l’ensemble de l’archipel est contrôlé depuis Dzaouzi, ancienne capitale du sultanat de Mayotte. L’antagonisme entre Mayotte et les autres îles s’est renforcé lorsque, en 1958, l’Assemblée territoriale des Comores retire à Mayotte, le contrôle politique de l’archipel en transférant la capitale Dzaoudzi à Moroni (Grande Comore), malgré l’opposition des quatre représentants mahorais à l’Assemblée et de la population de l’île. Ce transfert peut s’expliquer par le fait que Saïd Mohamed Cheikh, député de l’Assemblée territoriale et futur dirigeant du Conseil de gouvernement de l’archipel, désirait mener le combat électoral de l’indépendance sur le territoire de Grande Comore où se trouvait la majorité de sa clientèle électorale. Cette même année a vu la naissance du mouvement départementaliste à Mayotte, initié, par le notable Georges Nahouda, qui a réuni des centaines de notables mahorais afin de demander à Paris, pour la première fois, la départementalisation de Mayotte.

En 1974, lors du référendum d’autodétermination, les Mahorais votent à 65% le rattachement à la France, alors que les trois autres îles de l’archipel, choisissent massivement l’indépendance. Le choix des Mahorais de rester dans le giron de l’ancien pouvoir colonial peut s’expliquer par leur crainte d’être dominés par les grandes familles de notables d’Anjouan et d’être relégués au bas de la hiérarchie sociale comorienne, la France faisant figure de force protectrice face au régime d’Abdallah.
La décision, par la France, de se soumettre au choix des Mahorais est condamnée par les Nations Unies en 1975, pour non respect de l’unité et de l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores. A son tour l’Union Africaine déclare cette annexion de la France illégale car elle ne respecte pas le principe de l’intangibilité des frontières issues de la décolonisation et parce qu’elle remet en cause la carte du continent africain.

Étant donné le faible nombre de métropolitains établis à Mayotte, son manque d’atouts économiques et son éloignement de la métropole, la décision française de conserver ce territoire peut paraître assez incompréhensible. Une explication serait l’intérêt de la France pour les eaux territoriales de cette île et pour la position géostratégique de l’archipel, à l’entrée du canal du Mozambique, où circulent les deux-tiers des tankers pétroliers venant du Moyen-Orient.

La France a également tout intérêt à conserver ses départements et territoires d’outre-mer pour maintenir sa suprématie sur les trois océans : elle se place en 2e position mondiale, après les États-Unis, en termes de superficie et de souveraineté maritime. Des raisons idéologiques peuvent également rentrer en jeu, face aux mouvements indépendantistes des années 1970, et la perte de l’Algérie, la conservation du moindre territoire hors métropole est une victoire pour l’État français.