Les ONG, acteurs incontournables de la Solidarité Internationale ?

L’évolution des contextes et les enjeux à venir

, par Bioforce

La professionnalisation

Lors des premières missions humanitaires, la volonté d’engagement des personnes volontaires au départ en mission était le critère déterminant de sélection pour les ONG. Mais face à l’évolution du secteur, la motivation n’est désormais plus suffisante. Les associations demandent de plus en plus à leurs volontaires de posséder des compétences spécifiques dans la logistique, l’administration, la santé, etc. De nos jours, il n’est plus possible de s’engager auprès d’une ONG sans justifier d’une formation propre à un ou plusieurs domaines, voire même d’une expérience significative dans le cadre de missions sur le terrain.

Cette évolution significative du mode de recrutement des ONG est fortement liée à la question de la légitimité de ces dernières, qui doivent rendre compte de leurs actes à plusieurs niveaux. De plus, leur influence grandissante auprès de l’opinion internationale, des Etats et des entreprises s’accompagne d’une interrogation quant à leur notoriété et à l’efficacité de leurs actions. Elles ne peuvent donc plus se permettre d’engager des personnes sans formation préalable.

Ce changement de direction a vu naître de nombreuses formations préparant aux métiers de l’humanitaire. Cela va du niveau bac+2 au niveau Master.
Les représentations et les pratiques liées à ce processus de professionnalisation sont multiples. Cela peut être la mise en place d’une compétitivité accrue, des méthodologies affinées et de plus en plus complexes, l’instauration d’une régularisation du temps de travail, etc. Sous cette même représentation, se présentent aussi de nombreuses difficultés telles que l’alourdissement des tâches administratives et une bureaucratisation plus pesante et chronophage.

Une culture de plus en plus proche de celle des entreprises

Organisations à but non lucratif, les grosses ONG sont conduites à brasser plusieurs dizaines de millions d’euros. Cette dimension les amène à adopter des stratégies d’internationalisation et une culture du résultat proches du modèle économique des entreprises.

Médecins du monde, c’est 70 millions d’euros de budget ; Action contre la faim, 100 millions ; Médecins sans frontières, 230 millions et plus de 1 milliard d’euros pour tout son réseau ; Oxfam, 800 millions d’euros, etc.

Il s’est ainsi dessiné au fil du temps des configurations semblables aux grands groupes ou aux multinationales. Aussi, certaines grosses ONG voient leur département financier prendre le pas sur le stratégique et le terrain et on assiste à un véritable processus d’internationalisation dans tous les domaines. Les ONG les plus importantes créent même des filiales dans d’autres pays, comme c’est le cas pour MSF ou pour Oxfam.

S’installe parfois un véritable système de sous-traitance, avec les bailleurs de fonds qui sous-traitent aux ONG et les ONG du Nord à celles du Sud.
Et comme pour les entreprises, les ONG doivent répondre à des résultats d’évaluations, à des normes qualités et à la « satisfaction clients ». Des nombreux outils et méthodes qualités, comme la méthode Sphère ou la méthode Compas ont vu le jour à la fin du XXème siècle afin d’évaluer les critères qualités des ONG.
Du point de vue des ONG, si leur fonctionnement ressemble à celui d’une entreprise, c’est uniquement par souci d’efficacité, en cherchant à utiliser tous les moyens pour servir leur cause.

Vers une meilleure collaboration Nord-Sud ?

Un des autres enjeux des prochaines années sera la question de la légitimité d’actions entre les ONG du Sud et les ONG du Nord. En effet, pourquoi faire intervenir une institution internationale alors qu’une organisation locale a davantage conscience des problèmes qui touchent sa population et des solutions à mettre en place ? Les ONG du Nord ont longtemps eu tendance à mettre en place des programmes élaborés par elles, sans prendre en compte les initiatives et structurations mises en place par les organisations locales.

Conscientes de cette nécessité de collaborer, de nombreux partenariats se tissent entre les ONG du Nord et les ONG du Sud. Certaines ONG comme le CCFD-Terre Solidaire et Christian Aid établissent de nombreux partenariats avec les associations locales, recrutent du personnel local et envoient un nombre restreint d’acteurs de terrain venant du Nord afin de mettre en valeur le savoir local.

La politique des bailleurs internationaux et la pression des donateurs, tend à répandre les partenariats entre ONG du Nord et organisations du Sud. Ces partenariats ont, la plupart des cas, comme base « l’appui financier », les ONG du Nord devenant quasiment un donateur pour le partenaire du Sud, ce qui peut conduire à un déséquilibre relationnel. L’équilibre est observé lorsque le partenaire du Sud dispose également de moyens financiers.

L’action d’une ONG du Nord dans un pays peut être mal perçue par ce dernier au vu de ses us et de ses coutumes. Il est nécessaire que la structure qui intervient ait connaissance de la culture du peuple qu’elle souhaite aider afin de ne pas ajouter des conflits aux problèmes qui se posent. Les chefferies en sont un bon exemple. En Afrique, la chefferie est la fonction d’un chef de tribu. Ce dernier n’a pas le même poids suivant les régions, mais les ONG doivent passer par lui, si elles veulent éviter les problèmes. L’autre acteur incontournable que les associations doivent prendre en compte est le guérisseur car l’arrivée d’ONG en lien avec le secteur de la santé peut être prise comme une remise en question de son savoir et créer des tensions.
La question du temps est également essentielle, les ONG du Nord ne restant sur le terrain que le temps alloué par le programme ou le budget. A moyen et long termes ce sont les entités locales qui régleront les problèmes sources du besoin d’activités humanitaires.