L’accord États-Unis-Chine sur le climat : avancée ou recul ?

, par NARAIN Sunita

Cet article a été traduit de l’anglais au français par Alain le Sann, membre du Crisla. Retrouvez l’article original du 15 décembre 2014 sur le site de Down to Earth ici : US-China climate deal : Maker or breaker ?

Dans mon précédent article, j’écrivais que l’Inde devrait exiger un accord ambitieux sur le changement climatique parce que nous avons besoin de sauvegarder la planète, sous le seuil d’une augmentation de la température inférieure à 2 degrés. Je disais également que, pour que cet accord soit efficace, il faut s’assurer que chaque pays ait le droit de se développer mais dans les limites supportables par la planète. Autrement dit, nous devons mettre en pratique l’équité, préalable à une coopération mondiale face au changement climatique.

Mais parfois, une semaine peut sembler longue pour des négociations bloquées depuis 20 ans. La semaine dernière, les États-Unis et la Chine ont signé un accord bilatéral pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les commentateurs occidentaux se sont extasiés, louant cet accord comme étant à la fois historique et ambitieux. La Chine étant dans la poche, l’objectif est l’Inde. Elle est déjà décrite comme le mauvais élève dans les négociations sur le changement climatique. La question que les journalistes américains et les ONG se posent est : quand l’Inde acceptera-t-elle de réduire ses émissions ?

Comme je l’ai dit ci-dessus, une semaine peut paraître longue dans les négociations sur le changement climatique. Alors que le monde n’a pas été capable d’appliquer l’équité durant ces vingt dernières années, le Président américain Barack Obama et le Président chinois Xi Jinping l’ont fait d’un seul coup. Mais ils y sont parvenus d’une façon qui nous mène tous vers une catastrophe certaine.

Comment ? Mes collègues ont fait quelques calculs rapides sur cet accord. D’après celui-ci, les États-Unis ont accepté de prendre des mesures afin de réduire, en 2025, leurs émissions de gaz à effet de serre de 26-28 % en dessous de leur niveau de 2005. La Chine a accepté de fixer un maximum à ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 et ensuite de commencer à les réduire. Ils ont aussi accepté d’augmenter la part des énergies non fossiles à 20%. de leurs énergies primaires. Faut-il applaudir ? Pas si vite.

D’abord, cela signifie que les États-Unis et la Chine ont accepté de mettre au même niveau leurs émissions en 2030. Les deux pays auraient le même niveau d’émission par tête en 2030. Les États-Unis réduiraient légèrement leurs émissions par rapport aux 18 tonnes actuelles par habitant et la Chine augmenterait au-delà de ses 7-8 tonnes actuelles. Les deux pollueurs se retrouveraient avec 12-14 tonnes par an et par personne. Ceci, alors que la planète ne peut effectivement absorber et se débarrasser naturellement que de deux tonnes d’émission par personne et par an.

En fait, le gâteau a été partagé de telle sorte que chaque pays occuperait le même espace atmosphérique en 2030. Nous savons que les pays cumulent leur part des émissions dans l’atmosphère. L’accord entre les États-Unis et la Chine montre bien que les deux pays s’octroient chacun 16% de l’espace atmosphérique en 2030.

Le problème, c’est que l’occupant se sert copieusement. Cet accord définit une équité favorable aux États-Unis et à la Chine, mais non pour la planète. Avec ce niveau d’émissions, le monde dépassera sûrement la limite des 2 degrés pour atteindre 4-5 degrés, à moins que l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et tous les autres pays émergents arrêtent leurs émissions dès maintenant.

Voici la prochaine étape. Dans les campagnes bien orchestrées des médias et des ONG, on va mettre la pression sur l’Inde et les autres pour qu’ils renoncent à leur droit au développement. Ils doivent agir, dit la meute. Ensemble, les États-Unis et la Chine ont montré la voie.

Donc, que devrait faire l’Inde ? D’après l’accord États-Unis – Chine, l’Inde n’a besoin de rien faire. Son niveau actuel d’émissions est de 1,8 tonne par tête et en 2030, suivant le scénario « au fil de l’eau », il sera de 4 tonnes, rien à voir avec celui des États-Unis et de la Chine. De 2011 et 2030, la Chine occupera plus de 25% de l’espace carbone restant, les États-Unis en occuperont 11% de plus et l’Inde seulement 7% de plus. Donc, à moins que le gouvernement indien ne veuille dire à son peuple qu’ils sont des citoyens du monde de seconde classe, il devrait commencer à occuper davantage d’espace. Autrement dit, suite à l’accord Chine - États-Unis, l’Inde devrait accélérer sa croissance afin de les rattraper.

Clairement, ce n’est pas ce que nous devrions faire car ce n’est pas dans notre intérêt de créer un chaos planétaire. Mais, de même (ceci est difficile à expliquer aux médias américains et aux ONG) il n’est pas de notre intérêt de croire que cet accord Chine – États-Unis est bon pour le monde. Cela mène la planète sur un chemin dangereux où tous les pays voudront leurs droits à polluer. Il est de notre intérêt d’exiger que les États-Unis et la Chine réduisent leurs émissions au niveau et au rythme indispensables pour garantir que le monde reste en dessous du seuil de danger. Il y va de notre intérêt de demander que tous acceptent des limites, à condition qu’elles soient basées sur l’équité.

Ps : Je dis cela avec une grande tristesse, mais je sais que ce que je dis ne sera pas lu ni compris par les nombreux journalistes basés aux États-Unis qui ont appelé à demander pourquoi l’Inde n’est pas aussi « responsable » que la Chine et les États-Unis.