L’accès à l’éducation, considérée comme un droit universel, déterminant pour le développement, est un des huit Objectifs du Millénaire pour le Développement. Mais l’éducation ne rend possible le développement économique et social que sous réserve d’atteindre un seuil critique de population éduquée et à certaines conditions, notamment celle de l’équité d’accès. Or si des progrès significatifs ont été accomplis, ils restent encore très insuffisants dans nombre de régions et pays comme le Togo, pays côtier de l’Afrique de l’Ouest.
Au Togo, de fortes disparités existent, selon le genre et, surtout, selon le milieu géographique (rural / urbain) et le revenu des familles.
Le système éducatif togolais est confronté à de multiples difficultés : répartition des ressources, programmes inadaptés, supports pédagogiques insuffisants, pénurie d’enseignants formés, pratiques pédagogiques et didactiques peu pertinentes et peu contrôlées, réticences des autorités à associer les familles et les communautés d’acteurs de l’éducation à la gestion des écoles, etc.
En outre, l’offre éducative formelle ou informelle est conçue sur le modèle occidental, coûteux, peu adapté, ne prenant pas en compte les composantes sociales, culturelles, les savoir du milieu et la langue usuelle.
Comment contribuer à l’émergence de propositions éducatives, axées sur les questions de développement local en articulation avec la décentralisation, à la fois ancrées dans les réalités locales et répondant aux aspirations des familles, des jeunes, des collectivités locales, des professionnels et des organisations de développement, fut la problématique sur laquelle, certains togolais d’horizon divers, à l’initiative du Bureau de conseil et de gestion ( BCGO), ont planché pendant quatre ans, pour déboucher, en 2006, sur la mise en place d’IRFODEL ( Institut de Recherche et de Formation pour le Développement Local), en partenariat avec le CIEDEL (Centre International d’Études pour le Développement Local/ institut de l’Université catholique de Lyon).
IRFODEL, du rêve à la réalité
1) Un contexte socio-politique hostile
Décider de mettre en place une école pour le développement à la fois universitaire et professionnelle au Togo en 2006, était une véritable gageure, car le Togo, sortait à peine d’une crise socio-politique de près de deux décennies (1990- 2007) , caractérisée par la suspension, depuis 1993 de la coopération des principaux partenaires techniques et financiers (l’Union européenne et les États Unis, etc.) , pour déficit démocratique.
Le 20 août 2006, les parties prenantes de la politique togolaise, ont signé un accord dénommée « Accord politique global », suite à la mise en œuvre des 22 engagements souscrits par le gouvernement, le 14 avril 2004, avec l’UE et dont l’objectif est d’aboutir au renforcement des institutions démocratiques, au respect des droits de l’homme et de l’État de droit).
2) Une stratégie de réseautage pour créer IRFODEL
La stratégie mise en œuvre pour créer IRFODEL est fondée sur une politique de petits pas, dans un système de réseau d’acteurs et de partenaires de référence comme :
- Le Bureau de conseil en gestion (BCGO /Lomé) pour le portage du projet, sous l’impulsion de Kouassi Tagodoe, étudiant au CIEDEL ;
- Le CIEDEL, pour l’appui méthodologique et pédagogique à travers le coaching de son directeur d’alors, Christophe Mestre ;
- Le RAFOD (Réseau d’actions et de formations pour le Développement), le SCAC (Service de coopération et d’action culturelle) et le CCFD (Comité Catholique contre la faim) à travers MAPTO (Mouvement Alliance paysanne du Togo) pour l’appui logistique et financier.
Le processus ayant abouti à la création d’IRFODEL a duré cinq années, mais il a connu une accélération à partir de 2004, année à partir de laquelle des études et actions déterminantes ont été réalisées : note sur l’offre de formation en développement au Togo, mission de validation de l’idée de projet par les partenaires, étude de faisabilité, mobilisation des ressources, en février 2006, contractualisation avec le Centre Christ rédempteur, pour la location des locaux administratifs et pédagogique, installation d’une équipe ad ‘hoc pour les activités préparatoires au démarrage, à savoir : la spécification de la formation, les formalités administratives de reconnaissance de l’Institut, par le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation le 12 mai 2006 sous le N° 1375 et Loi 1901, et sous l’autorisation n° 031/MEFTFP/CPO du 18 juillet 2006 du Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle. En octobre 2006, la première promotion d’étudiants préparant le BTS (brevet de technicien supérieur) d’animateur de développement local est accueillie.
Ainsi le rêve est devenu réalité, car des hommes et des femmes se sont engagés et ont travaillé pour créer ce nouvel espace de formation en développement.
L’IRFODEL, après presque six ans de pratique éducative
L’IRFODEL (Institut de Recherche et Formation pour le Développement Local) est aujourd’hui un centre d’enseignement supérieur professionnel, Loi 1901, suivant récépissé n° 0662/ MATD-SG-DAPOC-DOCA du 28 juillet 2006, du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, et agréé par le Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (agrément n° 2010/056/METFP/CAB/SG/SE-CPO du 23 juin 2010).
L’IRFODEL est membre du réseau international « Programme de Renforcement de l’Offre de Formation des Agents de Développement Local (PROFADEL) aux côtés de DELTA C (Mali), Escuela para el Desarrollo (Pérou), FFF Malagasy Mahomby (Madagascar), CIEDEL (France) et CERSS (Maroc) et opère depuis lors avec des partenaires comme EED (Service des Eglises Evangéliques d’Allemagne pour le développement) sur le projet d’appui programme de formation en développement local (2010 – 2013) ; Participation à la mise en place de bourses d’étude ; Association YOVO et IABSE ; Collaboration pour la mise en place d’une formation au métier de Génie Civile (Kpalimé) ; avec France Volontaires (Depuis 2010), collaboration sur le Programme Chantiers Jeunes et Développement Local (2009-2011) – mise à disposition d’une volontaire en appui à la communication et développement des partenariats, Canton de Togoville (pratique de bassins permanent de stage depuis 2006) et avec une dizaine d’organisations locales (pour l’accueil de nos étudiants en stage en milieu professionnel en vue de la préparation de leur mémoire de fin d’études)
1) Nos objectifs, positionnement et réseau de formateurs
Notre institut travaille à répondre aux enjeux de la décentralisation et du développement local et territorial au Togo, en développant des appuis et formations en coopération avec des centres de formation de référence en France, au Mali, à Madagascar, au Maroc et au Pérou.
Avec une équipe permanente de huit formateurs, assistée par une dizaine de formateurs associés qui considèrent le développement comme « un métier et une conviction », nous agissons pour :
- Former des agents et acteurs de développement local ;
- Renforcer les capacités des agents et acteurs de développement agissant dans le secteur public ou privé ;
- Accompagner les acteurs dans la mise en place du processus de décentralisation et de son articulation avec le développement local.
2) Nos deux principales offres services
L’IRFODEL dispose de trois centres, un à Lomé, un à Dapaong (à 650 km de Lomé, pour la formation à distance exclusivement) et un à Kpalimé (120 km de Lomé pour la formation au métier de génie civil et hydraulique).
Une formation diplômante et professionnelle (BTS développement local) :
Destinée aux jeunes bacheliers, aux professionnels des organisations, aux fonctionnaires des collectivités locales, le BTS d’animateur de développement local, est une formation duale articulant théorie, pratique, dont une période de stage en milieu professionnel en deuxième année. Une approche pédagogique en deux formules : une formation en présentiel à Lomé et une formation à distance (FOAD exclusivement pour les professionnels à Lomé et à Dapaong).
A compter de la rentrée 2011/2012, IRFODEL, en partenariat avec EED, un dispositif de bourse facilite l’accès à la formation de BTS/DL aux jeunes filles et garçons issus de milieux défavorisés par la mise en place d’une bourse d’étude (couverture des frais de formation et partiellement des frais de vie pour deux ans de formation).
Cinq (5) bourses ont été attribuées cette année.
Deux licences professionnelles seront lancées à la rentrée (2012-2013) :
Licence 3 Gestion de Projets, Programmes et ONG de Développement et la Licence 3 Gestion des Collectivités Locales, en vue de la diversification et de l’amélioration de l’offre de formation, à la demande des anciens étudiants et dans le souci d’intégrer le système LMD.
Un programme de formation continue et une expertise
Le renforcement des capacités des acteurs et l’appui-conseil de l’IRFODEL est assuré par son service Programme de Formation Continue et Expertise (PFCE) dont l’intervention cible les domaines suivants : Élaboration de monographie et de plan de développement communal ou villageois ; Gestion de cycle de projet ; Décentralisation, Coopération Décentralisée et Développement Local ; Développement économique local ; Gestion des organisations ; Ingénierie de formation ; Recherche et Capitalisation des expériences, etc.
Une formation qualifiante en génie civil et hydraulique
Il s’agit d’un programme expérimental de formation non formelle, pour l’insertion professionnelle des jeunes titulaires du bac II, exclus de la filière de formation formelle faute de moyens. Sur appui financier de l’Association Yovo, en relation pédagogique avec les professeurs de l’École Nationale supérieure d’ingénieurs, ces jeunes sont formés en dix mois pour devenir conducteurs de travaux de génie civil
Nos succès, difficultés et enjeux pour l’avenir
1) Nos succès
Nos succès résident dans les chantiers que nous exécutons avec une équipe permanente de formateurs. Nous contribuons au renforcement et à la diversification de l’offre de formation en développement. Plus de 60 animateurs de développement local sont formés, plus de 300 professionnels qui ont vu leurs capacités renforcées et des missions d’appui et d’expertises sont conduites au profit des organisations de développement dans la perspective de conforter la décentralisation dès qu’elle sera effective. Nous recevons des apprenants du Bénin, Burkina, Tchad et Congo.
2) Nos difficultés
Nos principales difficultés sont liées : (i) au manque de volonté politique des dirigeants du pays de rendre opérationnels les textes de la décentralisation en organisant les élections locales (400 communes urbaine et rurale) pour créer des espaces publics locaux où des acteurs privés et publics pourront amorcer des actions concertées de lutte contre la pauvreté et donner ainsi plus d’opportunité d’emplois à nos apprenants (ii) à la méconnaissance de l’État, de la contribution d’intérêt général, qu’un Institut comme le nôtre apporte aux citoyens dans leur quête de changement de leurs conditions de vie (éducation, santé, travail, logement, environnement sain, choix de leur dirigeants), (iii) à la fragilité institutionnelle , organisationnelle et financière de l’Institut.
Il ressort de cette expérience que le travail en partenariat avec les acteurs, partageant une démarche de co- responsabilité et d’objectifs, peut contribuer au changement social.
Nous estimons que la mission que s’est assignée notre Institut, est salvatrice car la formation et le renforcement des capacités des jeunes et des acteurs locaux, contribuent également au changement social, en donnant aux démunis l’accès au droits fondamentaux.
« Savoir pour mieux agir » est notre devise. Malgré les difficultés, nous allons maintenir le cap en relation étroite avec nos partenaires stratégiques du PROFADEL et tous ceux qui croient en ce que nous faisons : « former des ressources humaines compétentes, exemplaires, engagées et ouvertes sur le monde » sur les thématiques de développement local, décentralisation, pauvreté et inégalités, etc. dans la perspective de la sauvegarde de nos nations.