Colombie, une paix fragilisée par l’impunité

L’ELN, l’autre guérilla à pacifier

, par Bioforce

Après l’accord signé par les FARC, le gouvernement se tourne vers l’ELN afin de proposer un accord de paix qui approcherait la Colombie d’une paix quasi complète.

Marche pour la défense des accords. Photo : Galo Naranjo, prise le 5 octobre 2016 (CC BY-NC-ND 2.0)

L’Armée de libération nationale (ELN), avec ses 1 500 combattants armés, est considérée comme la dernière guérilla active du pays. Fondée en 1964 par des étudiants entraînés à Cuba, l’ELN, influencée par le guévarisme (idéologie proche du marxisme), désire porter haut et fort la souveraineté de l’État colombien et la justice sociale, en dénonçant l’exploitation des minerais et du gaz colombien par les multinationales. Moins porté sur les armes que les FARC, ce groupe est tout de même le spécialiste des kidnappings, il en décompte jusqu’à ce jour plus de 6 000, et des assassinats ciblés, dont il s’en est attribué 1 900.

En 2017, les pourparlers de paix avec l’ELN sont menés à Quito, l’Equateur servant de médiateur, et parviennent à un cessez-le-feu conclu le 4 septembre pour une période initiale de cent deux jours (puis jusqu’aux élections générales de 2018).
Mais, en avril 2018, face aux actions violentes de l’ELN et des groupes dissidents des FARC entre l’Equateur et la Colombie, le président équatorien, Lenin Moreno, prend la décision de renoncer à accueillir les négociations de paix tant que l’ELN ne s’engage pas à déposer les armes. L’avenir du processus de paix entre le gouvernement colombien et l’ELN pourrait se faire dans un des cinq autres pays garants de la paix, à savoir le Brésil, le Chili, Cuba, le Venezuela ou la Norvège.

Contrairement aux FARC, fortement hiérarchisés, l’ELN a une structure fédéraliste ayant des fronts locaux séparés et impliquant les communautés locales. Les pourparlers avec I’ELN entraîneraient donc des discussions avec la société civile, à commencer par les communautés touchées par le conflit, les organisations environnementales ou les syndicats. Ces groupes pourraient participer aux pourparlers de paix qui se transformeraient alors en négociations nationales, contrairement à celles menées avec les FARC qui étaient des négociations entre les élites des FARC et du gouvernement.

L’ELN revendique un statut de parti politique souhaitant voir installer en Colombie un gouvernement démocratique et populaire qui assurerait la nationalisation des ressources minières et des transports, la distribution des terres aux paysans qui les travaillent et le respect des droits des indigènes.

Mais, en dépit de l’accord passé, l’ELN a consolidé sa présence dans ses bastions traditionnels et a pris le contrôle de zone où elle n’était pas présente avant la démobilisation des FARC .

Les autres groupes armés

L’accord avec les FARC et la démobilisation de ces combattants a laissé des territoires vides qui ont été par la suite occupés par des organisations succédant aux paramilitaires. Le gouvernement colombien a dans son viseur trois autres « groupes armés organisés », menaçant la paix selon les normes internationales : les Gaitanistas, l’EPL (Armée populaire de libération) et Puntilleros.

Fondés dans la région d’Urabá, dans le département d’Antioquia, en 2006, les Gaitanistas, composés de 8 000 hommes selon eux et 2 000 selon le gouvernement, se sont étendus le long des côtes de l’Atlantique et du Pacifique et, dans une moindre mesure, dans les plaines orientales. Ce groupe fédère des milices armées et des criminels locaux. Il dit prendre les armes pour protéger les territoires de l’ELN et pour défendre les populations pauvres. Depuis 2014, cette milice a lancé une opération pour prendre le contrôle d’Alto Baudó, un territoire peuplé par des communautés indigènes et afrocolombiennes proche du Pacifique, ainsi que d’autres municipalités importantes de la région.

Le groupe Libardo Mora Toro de l’EPL, né en 1967, est composé de 500 hommes, la plupart des membres initiaux s’étant démobilisés en 1991 pour former le parti politique Esperanza, Paz y Libertad. Cette milice est fortement présente dans la région de Catatumbo (département du Norte de Santander) et, plus qu’une présence militaire, le groupe a également une présence sociale en aidant les paysans de la zone.

Les puntilleros est le nom donné, en 2016, par les autorités colombiennes aux groupes paramilitaires "Meta Block" et "Libertadores de Vichada", deux factions du groupe successeur des milices Autodéfenses unies de Colombie (AUC) et Ejército revolucionario popular anticomunista (ERPAC). Ils sont composés de 450 hommes armés et contrôlent le trafic de drogue depuis le centre de la Colombie vers le Venezuela et le Brésil.