Impact de l’engagement des jeunes à l’international sur les territoires : une expérimentation

, par RADSI Nouvelle Aquitaine

La mesure de l’impact territorial des projets de jeunes à l’international intéresse le Réseau Associatif pour le Développement et la Solidarité Internationale Nouvelle-Aquitaine (RADSI) et ses membres depuis longtemps. En effet, l’enjeu est de taille pour les structures jeunesse de (dé)montrer ces retombées, pour saisir l’importance de leurs ancrages sur un territoire et des dynamiques collectives qui s’opèrent. Il s’agit là de toucher du doigt l’utilité sociale des projets de jeunes en solidarité internationale ou encore de leurs contributions au changement social. Un autre enjeu se dessine en filigrane : celui de donner à voir le travail de dentelle qu’est l’accompagnement de projets de jeunes.

En 2014, le Réseau Jeunesse et Solidarité Internationale (RJSI), coordonné par le RADSI, s’était vaillamment penché sur ce sujet complexe : quels impacts en termes de lien social, d’interculturalité, d’ouverture au monde, d’intergénérationnel sur les territoires ? Comment mesure-t-on ce qui n’est pas quantifiable ? Et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit des retombées sur un territoire ?

Pendant deux jours, les associations participantes - toutes ayant une longue pratique d’accompagnement de projets de jeunes, dont plusieurs membres de ritimo (C koi ça, Cool’eurs du Monde, Engagé·e·s et Déterminé·e·s (E&D)) - avaient réfléchi à des outils et indicateurs issus de leurs expériences et en avaient tiré des enseignements. Parmi ces derniers, la question de l’intérêt pour celui qui est sujet de la mesure d’impact ; le besoin d’assumer l’aspect « plaidoyer » de cette mesure (car il s’agit d’une demande récurrente des bailleurs de fonds), ou la possibilité d’imaginer des partenariats comme des recherches-actions pour mettre en place des méthodologies.

Mais, aussi important que les enseignements ou les indicateurs, ces temps de rencontre avaient permis aux participant·es d’échanger sur un certain nombre de questionnements sans réponse immédiate : Quelle échelle de territoire, quelle échelle d’influence ? Comment mesurer l’impact à long terme ? Comment accompagner vers un engagement collectif sur un territoire ?

Ces réflexions ont donné envie aux associations d’aller plus loin. Aussi, quatre d’entre elles se sont lancées, en 2016, dans l’expérimentation d’une mesure d’impact, sur les territoires, des projets de jeunes à l’international. Frères des Hommes (FDH) a rejoint la dynamique à double titre : en tant qu’association participante mais également en tant que partenaire accompagnateur. En effet, de par son expertise et ses expériences dans la mesure d’impacts et ses connaissances de l’outil « Cartographie des Incidences » FDH a pu former les membres du RJSI à ces outils et approches.

Ce dispositif de mesure s’est appuyé sur les Approches Orientées Changement (AOC), des méthodologies qui appréhendent la dimension collective, l’acteur comme notion centrale et la dimension apprentissage, autant d’éléments qui étaient considérés comme centraux.
L’hypothèse qu’elles souhaitaient éprouver était la suivante : comment un projet ou/et une expérience de solidarité internationale est un vecteur d’engagement et de changement social sur les territoires aquitains. Elles se sont données une vision à long terme incluant des éléments comme «  les jeunes sont acteur·rices à part entière de la solidarité » ; «  ils et elles sont vecteur·rices de nouvelles formes de faire et d’être » ; « les projets s’inscrivent dans des dynamiques à long terme et structurantes »… Puis, se sont fixées des étapes qui permettraient d’atteindre cette vision. Ainsi, pendant 18 mois, ces associations ont observé les changements auprès de 4 structures d’accompagnement et 4 groupes de jeunes. Ces observations ont été précédées d’une formation-action sur les AOC et clôturées par un temps de capitalisation.

Ce projet a permis, toute proportion gardée quant à la durée de l’expérimentation, d’observer et aussi d’induire, des changements sur la perception des jeunes quant au territoire et à ses acteurs ainsi que sur leurs légitimités à être porteur·ses de changement sur ce dernier. En choisissant de partager la démarche avec les jeunes, les entretiens ont permis d’être un espace de dialogue sur ces sujets, dépassant les postures d’accompagnateur·rices – accompagné·es.

Laurent Colas, Animateur-formateur du CCFD-Terre Solidaire Aquitaine évalue ainsi cette expérience : « La richesse majeure de cette expérimentation réside dans la construction collective au sein du réseau (RJSI), d’une démarche de changement de pratiques : raisonner en chemins de changement avec des stratégies acteurs/alliances. L’élément clé a été tout d’abord l’exigence de cadrage que l’on s’est donnée au lancement. Nous avons dû cerner ensemble le contour des questions que chaque organisation se posait. C’est certainement ce qui a permis d’être ouverts et disponibles pleinement à rentrer dans une expérience, où l’exigence du suivi était primordiale. Effectivement, le timing d’un an et demi avec des rencontres trimestrielles nous astreignait à avancer ensemble et ainsi à porter la co-responsabilité de la réussite de l’expérimentation. Élément essentiel également, et à ne pas négliger ! »

Au-delà des résultats des observations, cette expérimentation a permis de tirer un certain nombre d’enseignements concernant la démarche elle-même : la dynamique collective, le temps nécessaire, les moyens humains et financiers... Si l’on ne devait en retenir qu’un seul, ce serait que ces méthodologies basées sur le changement demandent de faire un grand écart pour se les approprier, qu’elles peuvent laisser une impression de lourdeur, mais qu’elles s’avèrent satisfaisantes avec le temps car elles permettent une appréciation qualitative des évolutions. Et les professionnel·les de l’ECSI savent bien oh combien la mesure de l’impact de leurs actions est relativement difficile et insatisfaisante.

Le livret de capitalisation où sont consignés la démarche, les outils et le retour d’expériences, se veut une ressource utile pour celles et ceux qui seraient intéressé·es et par la thématique de l’impact et par le dispositif de mesure employé.

De son côté, le RADSI Nouvelle-Aquitaine continue le travail sur l’évaluation de l’impact et a intégrée la communauté de pratiques « Effets et impact de l’ECSI », coordonnée par le F3E. Dans ce cadre, chaque organisation met en place une expériementation et la partage avec le reste de participant·es (dont l’AFDI, Kurioz, Artisans du Monde, le Secours Catholique, RESACOOP, le Festival des Solidarités ou la Plateforme du Commerce Equitable). Ce dispositif donnera lieu à des fiches de bonnes pratiques, vidéos ou autre livrables permettant de partager les expériences inspirantes pour le secteur de l’ECSI.

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Voir les deux annexes :

Impact_experimentation_2016-2017

et

Synthèse partage d’expériences 2014