La réponse globale au changement climatique a atteint une étape décisive. Depuis la signature en 1992 à Rio de Janeiro de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique, les pays du monde ont tenté de s’attaquer au problème du changement climatique en mettant en place des traités multilatéraux à grande échelle. Le résultat de ces efforts a été décevant. Comme une preuve de l’avancée du changement climatique, le processus de mise en place de traités a capoté, et nombreux sont ceux qui désormais doutent de la perspective d’une réponse globale efficace. Alors que s’approche la date du vingtième anniversaire du Sommet de la Terre en 2012, les limites du multilatéralisme, entravées par le capitalisme mondial, deviennent de plus en plus évidentes.
S’érigeant en alternative pour un consensus global sur l’écosystème global, le Sommet des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre Mère, s’est tenue à Cochabamba en 2009. La déclaration de cette conférence expose une liste détaillée de dix principes qui reconnaissent les “Droits de la Terre Mère” et considèrent que toute vie, y compris la vie humaine, existe dans le cadre d’une relation dialectique et symbiotique avec la planète. Cette affirmation de droits contraste nettement avec les négociations multilatérales en cours menées par les Nations Unies, incluant la Conférence des Parties, dont l’objet est d’établir une Convention Cadre sur le Changement Climatique (CCNUCC) contraignante.
La CCNUCC a échoué dans sa version de Copenhague en 2009, la conférence de Cancun en 2010 n’a pas proposé de solutions et tout laisse à penser qu’une contre-performance similaire est à attendre de la 17è Conférence prévue à Durban en 2011. Ainsi, les principes moraux et éthiques érigés à Cochabamba dressent le cadre dans lequel nous pouvons maintenant explorer le concept d’une “économie verte” et discuter plus en détail des propositions sur la recherche, le développement, la science, la technologie et l’innovation à la base de la production, la distribution, la consommation et la gestion des déchets. C’est seulement à partir d’une reconceptualisation qu’un développement durable social, économique et politique, deviendra possible.
De nombreuses expressions co-existent aujourd’hui pour suggérer une voie alternative au développement de la planète. Elles recouvrent, entre autres, les notions de croissance verte, stimulus vert, technologies vertes, secteurs verts, entreprises vertes et emplois verts. L’idée d’une “économie verte” met généralement l’accent sur la soutenabilité et la protection de l’environnement tout en poursuivant l’idée d’un développement durable. Martin Khor a récemment déclaré que “l’économie verte” est ‘un concept extrêmement complexe et il est peu probable que l’on s’accorde, à court terme, sur sa définition, son utilisation, son utilité et ses implications politiques” (2011). Il reconnaît toutefois qu’une “économie verte” “donne l’impression d’une économie soucieuse de l’environnement, sensible au besoin de préserver les ressources naturelles, de minimiser la pollution et les émissions qui, dans les processus de production, portent atteinte à l’environnement, et de produire des biens et des services dont l’existence et la consommation ne sont pas nuisibles à l’environnement (op cite).
Selon le PNUE une “économie verte” améliorerait le bien-être humain et l’équité sociale, en même temps qu’elle réduirait les risques environnementaux et les pénuries écologiques (2010). Ainsi, il définit “l’économie verte” comme une économie à faible taux d’émission de carbone, à utilisation rationnelle de ressources et socialement inclusive (op cite). Dans une de ses notes, le PNUE assure qu’une “économie verte” implique aussi que « la croissance des revenus et de l’emploi doit provenir d’investissements publics et privés qui réduisent les émissions de carbone et la pollution, renforcent l’utilisation rationnelle des ressources et l’efficacité énergétique et empêchent la perte de biodiversité et de services environnementaux » (ibid). Il faut que ces investissements soient catalysés et appuyés par des dépenses publiques ciblées, une réforme des politiques et des modifications de la réglementation. La voie du développement devrait entretenir, améliorer et, si nécessaire, restaurer le capital naturel considéré comme un atout économique crucial et une source de bénéfices publics, notamment pour les populations les plus pauvres dont les moyens d’existence et la sécurité dépendent de la nature.
La transition vers une “économie verte” doit donc être bâtie sur les fondations d’une crise causée par le capitalisme mondial. Elle exigera une coordination et planification globales mais ne devrait pas reproduire les échecs d’une organisation centralisée. L’égalité et l’équilibre doivent également accompagner l’émancipation des entreprises et des ménages de la poursuite de profits à court terme au détriment d’une soutenabilité à moyen et long terme.
Un motif supplémentaire de discussion réside dans l’idée de libérer du temps pour davantage de loisirs et de volontariat. La construction d’une coopération et solidarité internationales demande des relations plus étroites entre les individus de la planète, l’environnement et les systèmes de production, distribution, consommation et de gestion des déchets. Les premières critiques de la politique économique lors de la mise en place du capitalisme industriel jusqu’à la conjoncture actuelle n’ont pas résolu l’esclavage salarial et les luttes de classes qu’imposent les logiques d’accumulation. “L’économie verte” sous-entend des “emplois verts” au sein “d’entreprises vertes” sous des régimes de gouvernance participatifs et démocratiques. Sauver le capitalisme mondial n’offre sans doute pas de perspectives comme la possibilité de se développer au-delà des remises en question de contradictions fondamentales. La réduction de la semaine de travail en temps absolu ainsi qu’un engagement renouvelé avec la sphère sociale et politique portent l’espoir de la construction d’une “économie verte” en dehors des paramètres établis par le capitalisme mondial.
Selon Rajesh Tandon, “les progrès technologiques des deux ou trois derniers siècles ont créé un sentiment d’instrumentalisation parmi ceux d’entre nous les plus éduqués scientifiquement ; cette rationalité instrumentale nous conduit à des efforts continus pour contrôler, manipuler et redessiner notre environnement selon nos besoins et ambitions” (2011). Tandon insiste sur la reconnaissance fondamentale “d’une technologie qui doit servir le bien public au sens large pour le bénéfice de l’humanité plutôt que la simple production et consommation” (op cite). Tandon place le défi du maintien de l’esprit humain au cœur de la soutenabilité de l’humanité et de la planète Terre et met ainsi en garde qu’elle pourra être atteinte à condition que les considérations morales et éthiques accompagnent la future définition de l’économie et de la communauté (ibid).