Gouvernance mondiale

Dans un contexte de mondialisation et d’accélération des interdépendances - à l’échelle mondiale - entre les sociétés humaines mais également entre l’humanité et la biosphère, la gouvernance mondiale définit la construction de régulations à la même échelle. En d’autres termes, la gouvernance mondiale renvoie à l’ensemble de règles, de lois et de normes mises en place pour réguler les flux économiques, migratoires et informationnels ainsi que les relations internationales. Ainsi, l’enjeu de la gouvernance mondiale est de peser collectivement sur le destin du monde en instaurant un système de régulation de ces nombreuses interactions qui dépassent l’action des États.
On parle de gouvernance mondiale face à la montée en puissance de problèmes globaux, comme les alarmes autour des problèmes environnementaux planétaires, mais aussi les déséquilibres régionaux qui en découlent : crises alimentaires et migrations de la faim, déséquilibres et instabilité géopolitiques, etc. La nécessité d’une gouvernance mondiale est aussi la conséquence de l’émergence d’une conscience civique planétaire face à la convergence des crises, et la nécessité par exemple, de ne pas se cantonner à de simples réformes éparses, mais bien d’envisager une perspective de grande transition.

Définition développée

Pierre Jacquet, Jean Pisani-Ferry et Laurence Tubiana affirment que « Pour que le choix de l’intégration internationale soit durable, il faut que les populations en perçoivent les bénéfices, que les États s’entendent sur ses finalités, et que les institutions qui la gouvernent soient perçues comme légitimes. Ces trois conditions ne sont que partiellement remplies. »
Ces auteurs parlent d’une « crise des finalités », d’un « déséquilibre » et d’une incomplétude des institutions internationales. Ainsi, en ce qui concerne ces dernières, « un décalage s’est creusé entre la nature des problèmes à traiter et l’architecture institutionnelle : celle-ci ne reflète pas la hiérarchie des problèmes d’aujourd’hui. Par exemple, l’environnement est devenu un sujet de préoccupation et de négociation central, mais il ne bénéficie pas d’un support institutionnel à la mesure de son importance [1] ».
À partir de multiples travaux portant sur différents continents, différentes échelles de gouvernance, et différents domaines de l’action publique, la Fondation Charles Léopold Mayer et ses partenaires, ont extrait cinq principes sur lesquels repose la gouvernance. Les problèmes de la gouvernance mondiale peuvent être analysés à la lumière des principes suivants :
 Légitimité de l’exercice du pouvoir et enracinement
 Conformité à l’idéal démocratique et à l’exercice de la citoyenneté
 Compétence et efficacité
 Coopération et partenariat
 Relations entre le local et le global, entre les échelles de gouvernance
La mise en place d’une gouvernance mondiale suppose un débat sur la formulation et les objectifs de celle-ci. Pierre Calame propose que la gouvernance mondiale s’attache aux objectifs de mise en place de conditions d’un développement durable, de réduction des inégalités, l’instauration d’une paix durable dans le respect de la diversité, et la réforme des institutions internationales.

D’une manière générale, parmi les grandes thématiques auxquelles doit s’attacher le projet d’une gouvernance mondiale, figurent :
 la gouvernance environnementale et la gestion de la planète
 la gouvernance de l’économie et de la globalisation
 la gouvernance politique et institutionnelle
 la gouvernance de la paix, la sécurité et la résolution des conflits
 la gouvernance de la science, de l’éducation, de l’information et de la communication
Enfin, la nécessité d’une gouvernance mondiale se fait jour dans un contexte paradoxal d’hétérogénéité des préférences collectives et d’une certaine homogénéisation de la politique mondiale, sous l’influence d’une certaine convergence des régimes vers ladite démocratie libérale ou de marché. Dans ce contexte où l’on assiste à un certain désengagement de l’État (du moins sur le plan économique et social), la gouvernance peut apparaître comme un nouveau moyen de régulation sociale, politique et économique et a l’avantage de poser les problèmes de manière transversale plutôt que sectorielle.

Historique de la définition et de sa diffusion

Renaud François livre l’historique suivant : « Les historiens font remonter l’origine du mot « gouvernance » au Moyen Âge. À cette époque il désignait le mode d’organisation du pouvoir féodal. Si le nom a sombré dans l’oubli jusqu’au XXème siècle, le concept a cependant subsisté. Sa réapparition remonte à la fin des années 1930 et est liée aux travaux de l’économiste Ronald Coase, futur Prix Nobel d’économie en 1991.
À l’époque, cette notion concerne l’ensemble des dispositifs de coordination interne à une entreprise qui apparaissaient comme plus efficaces que le marché pour organiser certains échanges. Ce que l’on a alors appelé la « gouvernance d’entreprise - corporate governance » deviendra, à partir des années 1980, un mode de management très en vogue dans le milieu des affaires.
Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que la notion de « bonne gouvernance – good governance » apparaît dans le champ des relations internationales. Celle - ci décrit alors, pour les organismes financiers internationaux, les critères d’une bonne administration publique dans les pays soumis à des programmes de réajustement structurel. Une « bonne gouvernance - good governance » passe par des réformes institutionnelles nécessaires à la réussite des programmes économiques.
Dernière forme, la plus évoluée, de cette notion, le concept de « gouvernance mondiale ». Sortant du champ clos de l’économie, il ne se contente plus d’explorer les différentes voies de la coopération économique liées aux étapes successives de la mondialisation économique. Prenant en compte les conséquences des conflits, notamment celles de la deuxième guerre mondiale, qui ont conduit à la création du vaste ensemble institutionnel que constitue l’ONU, héritière de la défunte SDN, ce concept se hisse au niveau politique et met en avant la nécessité d’une coopération politique entre les États [2] ».

Ainsi, la chute de l’Union soviétique en 1991 a marqué la fin d’une très longue période de l’histoire internationale, celle dite de l’« équilibre ». Depuis cet événement, la planète est en phase de rupture géostratégique. Le modèle de la « sécurité nationale », par exemple, bien que toujours en vigueur pour la plupart des gouvernements, laisse place progressivement à une conscience collective émergente qui dépasse ce cadre étriqué.
Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, la question de la gouvernance mondiale n’était pas posée. Le terme utilisé était celui d’interdépendance pour définir la gestion des relations entre Etats. Dans le contexte de l’après-guerre froide, une nouvelle vision apparaît au cours de la décennie, à partir d’un ensemble d’interrogations :
 Montée du thème de la mondialisation et de l’affaiblissement consécutif des Etats nations, qui débouche logiquement sur une perspective de transfert vers le niveau mondial d’instruments de régulation qui ont perdu de leur efficacité au niveau national ou régional.
 Intensification des préoccupations relatives à l’environnement global, qui reçoivent une sanction multilatérale à l’occasion du sommet de la Terre de Rio (1992). Les questions du climat et de la biodiversité, qui sont mises en avant à cette occasion, sont symboliques d’une approche nouvelle, qui trouvera bientôt son expression conceptuelle avec l’expression de biens publics mondiaux.
 Apparition de conflits de normes (commerce et environnement, commerce et droits sociaux, commerce et santé publique) qui, prolongeant les débats classiques sur les effets sociaux des politiques de stabilisation macro-économique, soulèvent la question de l’arbitrage entre des objectifs également légitimes dans un système de gouvernance sectorielle où les grands domaines d’interdépendance sont chacun confié à une institution internationale spécialisée. Souvent limités, ces conflits sont cependant de grande portée symbolique, puisqu’ils posent la question des principes et des institutions d’arbitrage.
 Contestation croissante, enfin, des normes et des institutions internationales, de la part de pays en développement qui, ayant fait l’effort de s’intégrer dans l’économie mondiale, acceptent mal de voir les pays industriels conserver le pouvoir et privilégier leurs propres intérêts, et de la part d’une société civile pour laquelle le système de gouvernance internationale est devenu le vrai lieu du pouvoir, et qui s’insurge tout à la fois contre ses principes et ses procédures. Si ces deux critiques sont souvent opposées dans leurs présupposés et leurs objectifs, elles peuvent se rejoindre pour contester l’emprise des pays développés et des grandes institutions, comme l’a symboliquement montré l’échec de la conférence ministérielle de l’OMC à Seattle (1999).

Pour davantage d’information, voir : Andreani, Gilles, Gouvernance globale : origines d’une idée, Politique étrangère, nº 3, 2001, pp. 549-568 : http://www.institut-gouvernance.org/fr/document/fiche-document-10.html