Fuite en Egypte des exilés de Libye

Double drame pour les Africains sub-sahariens

, par Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH)

I. INTRODUCTION

1. Des centaines de milliers de travailleurs migrants et réfugiés fuient la Libye

Le conflit déclenché en Libye le 17 février 2011 par la révolte populaire contre le régime du Colonel Khadafi, dans la suite des révolutions tunisienne et égyptienne du mois de janvier, a provoqué un exode massif dans les pays limitrophes. Les violences perpétrées par les forces de Khadafi contre les populations civiles, la guerre entreprise par les rebelles qui contrôlent l’Est de la Libye pour renverser le régime et les bombardements de l’OTAN, ont causé des milliers de morts et de blessés et contraint des centaines de milliers de personnes à fuir le pays. A cela s’ajoute aussi, comme nous le verrons plus loin, des exactions spécifiques perpétrées en Libye à l’encontre des immigrés originaires d’Afrique sub-saharienne et qui les ont poussé à s’enfuir.
Selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM) en date du 20 juin 2011, plus de 1,1 million de personnes ont dû fuir la Libye depuis la fin février, essentiellement par les frontières terrestres de la Tunisie et de l’Egypte. Sur ce million d’exilés seulement 19,000 ont tenté de fuir par la mer et sont arrivés à Lampedusa et à Malte entre le 26 mars et le 14 juin 2011, soit 1,7% de l’exode de Libye. Les fantasmes « d’invasion » agités en Europe ne reposent donc sur aucune réalité objective, mais ont justifié des mesures de surveillance extraordinaires en mer pour empêcher l’arrivée de migrants et de réfugiés sur son territoire. La multiplication de ces obstacles a non seulement des conséquences dramatiques – au 14 juin le HCR estimait à 2000 le nombre de personnes qui se seraient noyées en fuyant la Libye - mais constitue une violation du droit de toute personne à chercher refuge à l’étranger.

La spécificité de cet exode est qu’il concerne en priorité des immigrés qui travaillaient en Libye : plus de 500.000 personnes originaires d’Egypte, de Tunisie, de quelques pays asiatiques comme le Bangladesh, le Pakistan ou la Chine, et surtout de nombreux pays d’Afrique sub- saharienne.

La Libye riche de ses ressources pétrolières et peu peuplée (environ 6,4 million) recourrait en effet massivement à la main d’œuvre étrangère pour faire fonctionner son économie : le chiffre de 1,5 million de travailleurs immigrés est le plus couramment avancé, mais d’autres estimations tournent autour de 2,5 millions (dont 1 million d’Egyptiens).