France-Rwanda : quels liens et quelles responsabilités ?

Introduction

, par HABACHI Jihane, Rédaction

Les commémorations du génocide des Tutsis au Rwanda marquent les 25 ans de cette tragédie. Nous proposons ici une petite réactualisation du dossier publié en 2011 avec l’un de nos membres, Forum réfugiés-Cosi, Relations France-Rwanda : du soutien aveugle à la rupture.

25 ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, beaucoup de zones d’ombres demeurent quant au rôle joué par la France [1] et aux différentes responsabilités, notamment de l’armée française [2].
Dimanche 7 avril 2019, qui a marqué le triste anniversaire du début du génocide des Tutsis, le Président français a annoncé [3] que cette date correspondrait à une « journée de commémoration », quelques jours après avoir dit que l’accès aux archives serait ouvert à une commission d’historien·nes. Une déception pour les associations de victimes et de défense des droits humains, qui réclament une accessibilité totale et publique aux archives [4].

Bisesero, ou le massacre de près de 1000 personnes en 4 jours

Depuis 2005, Survie, la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme) et la LDH (Ligue des droits de l’homme), aux côtés de 6 Rwandais·es, se battent pour faire connaître la vérité sur ce qui s’est réellement passé, dans les cercles de pouvoir français et dans les collines de Bisesero : entre le 27 et le 30 juin 1994, près de 1000 personnes ont été massacrées, alors que l’armée française, positionnée à proximité, était informée et avait transmis l’information à Paris.
Dans une vidéo accablante rendue publique par Mediapart en octobre 2018, mais tournée le 28 juin 1994, on peut voir des militaires français discuter des événements en cours, et notamment de massacres ayant lieu à Bisesero. L’impassibilité de l’officier choque, alors que l’un de ses hommes lui rapporte qu’ils ont fait, la veille, la découverte de ces rescapés toujours pourchassés par les génocidaires, sans les secourir. Ce n’est que le 30 juin que l’armée interviendra, après que des soldats aient désobéi en se rendant de leur propre initiative à Bisesero. Quelques mois avant cette révélation, le 27 juillet 2018, les juges du pôle « crimes contre l’humanité et crimes de guerre » au tribunal de Paris ont annoncé la clôture prochaine du dossier judiciaire, tout en refusant de réaliser certains actes d’instruction qui risqueraient de mettre en cause les militaires français ou leurs donneurs d’ordres.

Toujours en octobre 2018, le parquet de Paris a requis un non-lieu dans un autre dossier : la mise en cause de huit personnes, dont l’actuel ministre rwandais de la défense, dans l’attentat considéré comme le signal déclencheur du génocide, au cours duquel a péri le président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 [5] .

Une « poursuite bâillon » ?

Alors que des associations comme Survie affirment que « Tout n’a pas été fait, toutes les pistes n’ont pas été investiguées suffisamment par les juges pour permettre de déterminer les responsabilités militaires et politiques françaises » dans le dossier Bisesero, trois officiers ont porté plainte contre Mediapart et le journaliste Fabrice Arfi pour "recel de violation du secret de l’instruction" [6]. Ce dernier, pour qui « il y a des preuves que l’armée française a menti », parle de « poursuite bâillon » [7].
Un quart de siècle après le dernier génocide du XXème siècle, le pouvoir exécutif comme le pouvoir judiciaire ne semblent toujours pas disposés à faire toute la lumière sur les responsabilités des décideurs politiques et militaires français de l’époque.

Le juge d’instruction en charge de la procédure ouverte contre X pour complicité de génocide et crimes contre l’humanité concernant les faits survenus à Bisesero a rejeté la demande de réouverture de l’information et d’actes complémentaires déposés par les parties-civiles les 17 et 19 juin 2019.