Forum Social Mondial, Les prochains défis

Entretien avec Gustave Massiah par Nicolas Haeringer

, par MASSIAH Gustave

Le FSM sort d’une séquence assez longue d’innovations importantes : Forum polycentrique (2007), première édition en Afrique (Nairobi, en 2007), journée mondiale d’action en 2008… Juste avant de partir pour Bamako, où se tenait l’une des éditions polycentrique, tu expliquais que le FSM était à la recherche d’un second souffle. Cette séquence achevée, où en est-on ?

Je préfère parler de nouveau cycle, dans le sens où je ne me retrouve pas dans les discours sur l’essoufflement du mouvement altermondialiste. Mais, pour reprendre cette expression, nous sommes toujours à la recherche de ce second souffle. Il y a de nombreuses interrogations, des doutes, et le processus est parfois un peu chaotique. C’est tout à fait normal, d’ailleurs : on entre dans un nouveau cycle. Notre tâche, c’est d’adapter en permanence le Forum aux changements du monde, aux nouveaux enjeux, etc. : le FSM n’est par définition pas un système clos, il est ouvert sur le monde. On peut parler de nouveau cycle, parce que nous sommes plus clairs que nous l’étions auparavant dans notre définition de l’état du monde.

Mais une bonne partie du débat de ces dernières années portait sur la nature de la dynamique altermondialiste, sur sa portée, ses objectifs. Je crois que l’élément fondamental, c’est que nous pouvons désormais affirmer que le mouvement altermondialiste est un mouvement de longue durée, qu’il est inscrit dans le long terme. C’est une idée qui commence à s’imposer. Et c’est assez nouveau : il y a eu de longs débats avec ceux qui pensaient que le Forum en particulier, et le mouvement altermondialiste en général, était des mouvements dont les enjeux étaient immédiats. En somme, ce débat portait sur la définition même de ce qu’est un mouvement : ça n’est ni un parti, ni un front, ni une organisation. Ce n’est pas la forme organisationnelle qui compte, mais le processus : nous avons à faire à un mouvement historique. Et un mouvement historique se développe sur une période longue. La référence que je prends, c’est celle du mouvement de la décolonisation : ce mouvement historique ne s’est pas fait en 4 ou 5 ans, il s’est fait en 30 ans - et encore, en ne tenant compte que de sa dernière phase, qui a débuté dans les années 30 ou 40, et qui se poursuit encore. Mais si on tient compte de l’ensemble des luttes contre la colonisation, alors la période est plus longue encore. Ce qui ne signifie pas que dans ce processus, il suffit d’attendre, d’autant qu’il y a des périodes intenses, des événements qui bousculent et qui déterminent l’évolution. Bien entendu, y compris dans un mouvement historique de longue durée, il est important de savoir faire face aux urgences. L’articulation entre l’urgence et le long terme, c’est la définition même de la stratégie. Lire