Birmanie : à qui profite le gaz ?

Financement de la répression ?

, par CRISLA

La réalité du régime militaire birman a été documentée par de nombreuses enquêtes, témoignages et rapports de simples habitants, de mouvements d’opposition, d’organisations de défense des droits de l’Homme et d’agences des Nations Unies. Déstructurations des réseaux sociaux, économie locale complètement sapée, expropriations, déplacements forcés de populations, travail forcé, emprisonnements, absence de liberté d’expression et de nombreuses autres atteintes aux droits humains élémentaires sont autant de faits avérés que subissent les citoyens et plus encore les minorités et habitants apatrides de Birmanie.

Un triste état des lieux rendu notamment possible par une utilisation unidirectionnelle des biens publics à l’avantage des militaires et plus particulièrement des généraux. Le maintien en place du régime militaire se fait visiblement malgré une opinion publique birmane qui lui est majoritairement hostile, comme l’ont démontré les manifestations de 1988 et 2007 et les élections de 1991, largement remportées par la National League for Democratie de l’opposante prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi.

Fonctionnement de l’appareil militaire

Parmi les raisons qui permettent au régime de se maintenir en place depuis des décennies il faut noter la structure même de l’appareil militaire, très pyramidale mais qui donne beaucoup de pouvoir aux commandants de régions. Cette décentralisation du pouvoir se retrouve jusqu’aux plus bas niveaux de l’échelle militaire. Néanmoins, à la faveur d’un système de renseignements très bien rodé, les moyens de contrôle des généraux leur permettent de garder la main sur les principales orientations politiques et militaires. Ce système permet par ailleurs de ne donner qu’un minimum de moyens aux troupes, celles-ci se payant directement sur le dos de la population. Ainsi, la majeure partie de la population, affaiblie par les bakchichs incessants qui se rajoutent aux nombreuses taxes réglementaires, n’a plus les moyens matériels de mettre en œuvre les mécanismes qui lui permettraient de renverser le régime.

Une seconde explication consiste dans les choix budgétaires accordés à l’appareil militaire au détriment en particulier de la santé et de l’éducation et, par conséquent, les moyens financiers qu’a à sa disposition la junte pour acheter des armes et l’ensemble des instruments de la répression. Ces ressources financières sont, en volume, majoritairement issues des investissements étrangers et taxes perçues dans le cadre de l’exploitation des ressources naturelles du pays. Dans ce contexte, la manne pétrolière constitue un des principaux soutiens à la politique de répression du régime birman actuel.

Investissements étrangers

L’opposition démocratique, les mouvements autonomistes des minorités ethniques et les organisations de défense des droits de l’Homme considèrent que les investissements étrangers, et en particulier les projets gaziers de Yadana, Yetagun et bientôt Shwe, fournissent une excuse au régime militaire pour étendre sa répression dans les régions où vivent les minorités et où l’opposition est plus forte. Cette position est plus ou moins suivie par les pays occidentaux et les agences des Nations Unies qui mènent une politique d’isolement du régime.

Cette opinion n’est cependant pas partagée par ces mêmes investisseurs, ainsi que par les pays voisins de la Birmanie tels la Chine, l’Inde, la Thaïlande, la Malaisie et autres pays membres de l’ASEAN qui promeuvent un "engagement constructif" à même selon eux de favoriser un développement économique, d’intégrer la Birmanie à la communauté internationale et à terme d’insuffler un mouvement vers la démocratisation.

Mais à ce jour, alors que depuis près de 20 ans les investisseurs étrangers de tous bords se bousculent au portillon du régime militaire, les progrès vers la démocratisation et le respect des droits humains n’ont pas vu le jour, comme l’a tristement illustrée la répression des manifestations de septembre 2007. En effet, les investissements étrangers et le développement de projets semblent avoir plutôt renforcé les militaires du fait de leur implication systématique et de l’absence de prise en compte des populations dans les processus de décision.

En outre, les mécanismes de financement du régime ne se bornent pas aux seuls investissements directs. De nombreuses sociétés occidentales assurent ainsi le régime birman qui dispose pourtant dans sa législation d’un monopole sur l’assurance qu’il gère via la Myanma Insurance. Néanmoins, le régime n’a pas les moyens d’assurer des projets à hauts risques tels que ceux liés à l’exploitation gazière. Pour cela, il cherche des ré-assureurs étrangers et reporte sur eux l’ensemble du risque tout en les taxant fortement.