Si loin que l’on remonte dans l’histoire, la guerre est représentée comme une affaire d’hommes : des hommes (les chefs) déclenchent les hostilités pour étendre leurs possessions : celles des terres, des richesses, des femmes. Ils décident de la stratégie ; ils décident de la fin de la guerre et mènent les pourparlers de paix. Le rôle dévolu aux femmes, c’est la résignation douloureuse devant les massacres, les viols, la perte des enfants et des pères, la destruction du foyer refuge, l’exil. Dès ces temps reculés, les femmes avaient l’idée qu’une lutte collective contre la guerre était envisageable : le personnage de l’auteur grec Aristophane, Lysistrata persuade les femmes de déclencher une grève de l’amour jusqu’à ce que les hommes cessent leur guerre et négocient la paix. Lysistrata est devenue la figure emblématique du pacifisme et de la force de la non-violence.
Dans les sociétés modernes occidentales la pensée pacifiste se renforce pour se structurer au 19ème siècle, particulièrement aux États-Unis, en Angleterre et en France. Des femmes participent activement aux débats sur les moyens d’établir une paix durable. Ce courant est mis en échec par le déclenchement de la première guerre mondiale. Mais la fureur nationaliste et guerrière est impuissante à empêcher le rassemblement de 1500 femmes de 12 pays belligérants à la Haye pour essayer de mettre fin à cette boucherie et jeter les bases d’un règlement international des conflits par la négociation.
De cette rencontre naîtra après la guerre une organisation des femmes pacifistes : la WILF (Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté).
Le 20e siècle a été marqué par violence inégalée : survivances des guerres traditionnelles, conflits entre communautés d’un même territoire, guerres coloniales, génocides, terreur de l’État exercée contre "l’ennemi intérieur" dans les dictatures… Ces conflits ont été beaucoup plus meurtriers pour les populations civiles.
La prolifération des armes de petit calibre est devenu un moyen de combat dans nombre de conflits actuels. Des troupes irrégulières les utilisent massivement contre les populations civiles. Les violences contre les femmes, viols, mutilations sexuelles ou autres sévices, sont perpétrées pour déshumaniser et anéantir la dignité du groupe auxquelles elles appartiennent ; il en est de même pour les militantes ou proches de militants. Les femmes fournissent le plus gros contingent de victimes et de réfugiés. Pourtant des femmes n’ont pas hésité à apporter un soutien à des luttes de libération contre la puissance coloniale ou le voisin envahisseur, souvent comme agents de liaison, pour fournir une assistance matérielle, donner des soins aux blessés et plus rarement devenir combattantes. C’est le cas des Algériennes, des Marocaines, des Françaises en lutte contre l’État nazi et de tant d’autres. L’engagement dans un combat qu’elles jugent inévitable n’a pas pour objectif la conquête du pouvoir mais la construction d’une société pacifiée et réconciliée. Cette volonté de chercher à créer un dialogue avec "l’ennemi" intérieur est généralement réprouvé par la majorité des citoyens des deux camps.
Par exemple, en Irlande du Nord dans le long conflit (1966-1994) qui a opposé les catholiques aux protestants, des femmes, outre bien d’autres actions communes, ont constitué un parti de femmes "passe frontières" comportant un nombre égal de femmes des 2 religions en vue de participer aux négociations de paix.
Lors de la première guerre d’Irak, le bateau des femmes arabes pour la paix qui embarquait dans chaque port des vivres pour les enfants d’Irak a été agressé par les militaires américains anglais et australiens. Les 300 femmes et enfants ont tenu bon et refusé de jeter leur cargaison à la mer malgré les brutalités perpétrées par les agresseurs.
Dans le conflit israélo-palestinien, des femmes de part et d’autres transgressent les limites imposées par l’idéologie guerrière et les traditions de réserve inhérentes à la condition féminine pour œuvrer ensemble à la résolution du conflit, refusant la situation de fait et proposant des compromis équitables.
En Argentine, le combat des "folles de la place de Mai" réclamant avec obstination la vérité sur le sort des disparus sous la dictature des généraux est devenu un exemple pour les femmes et mères du monde entier (russes, tchétchènes, algériennes…).
Après le génocide rwandais, la reconstruction du lien social est l’œuvre de femmes qui prennent en charge matériellement et affectivement les orphelins et les mutilés et assument la réparation sur le plan psychologique des dégâts causés aux victimes comme aux bourreaux.
Ces exemples parmi tant d’autres attestent que dans toutes les zones de conflits du monde et quelle que soit l’exacerbation de la violence, des femmes s’engagent pour la paix et la réconciliation, refusant de n’être que victimes mais se voulant participantes à une nouvelle société. C’est pourquoi elles attendent de la Communauté internationale qu’elle agisse pour renforcer leur rôle dans les pourparlers de paix et la reconstruction de la société. La détermination des associations de femmes a amené le Conseil de Sécurité à voter le 3 octobre 2000 la Résolution 1325 qui stipule que "les femmes doivent être mieux représentées dans toutes les institutions (...) de résolution des conflits à tous les niveaux de décision". La légitimité d’une telle décision n’est pas contestée, tout le problème consiste à ce qu’elle soit appliquée...