Faire parler l’argent quand les banques se paient de mots

, par Mouvements

Des manifestants du Dakota Access Pipeline contre Donald Trump. Photo Fibonacci Blue du Minnesota, USA, janvier 2017 (CC BY 2.0)

En 2016, la fédération de tribus Sioux de Standing Rock et l’alliance citoyenne Lakota, Nakota & Dakota lancent une mobilisation contre un projet d’oléoduc traversant leurs terres. Leur campement attire de nombreuses solidarités et débouche notamment sur un appel au désinvestissement adressé aux fonds, entreprises, banques… impliqué·es dans le financement de l’oléoduc.
Et ça marche : de gros investisseurs, inquiets de voir leur image associée à ce projet désastreux tant écologiquement que socialement, se retirent. Des militant·es au cœur de la mobilisation en proposent ce récit, montrant notamment les stratégies déployées pour briser l’opacité des implications financières et pour faire pression à partir d’actions à la fois localisées et à l’échelle mondiale.

En 2014 est annoncé le projet d’oléoduc U.S. Dakota Access/Bakken Pipeline (DAPL/Bakken), destiné à transporter du pétrole à travers le continent nord-américain, du Dakota du Nord jusqu’aux ports pétroliers du Texas et de Louisiane [1]. DAPL est la section nord du réseau d’oléoducs Bakken, propriété conjointe de quatre entreprises étatsuniennes : Energy Transfer, Phillips 66, Enbridge et Marathon Energy Transfer Partners, June 19, 2018 at 16’ ; Phillips 66 [Credit Suisse Conference], February 13, 2018, p. 7 ; Energy Transfer Partners, “SEC Form 10-K”, February 23, 2018, p. 15.]]. Le Corps d’ingénieurs militaires, qui administre les permis fédéraux pour la traversée de points d’eau, « a considéré puis éliminé » un tracé passant au nord de Bismarck (Dakota du Nord), au nom notamment de la nécessité « de protéger les zones qui contribuent à l’alimentation en eau des municipalités » et des entreprises locales [2]. Le tracé sélectionné passe donc sous le confluent des rivières Cannonball et Missouri, en aval de Bismarck, juste au nord de Standing Rock, c’est-à-dire à travers les terres et les eaux des Oceti Sakowin, ou Conseil des Sept Feux, aussi connu comme la Grande Nation Sioux. Cette zone avait été dotée du statut fédéral de « territoire indien non cédé » par les Traités de Fort Laramie de 1851 et de 1868, dont l’article 6 de la Constitution établissait le caractère constitutionnel [3]. Cela n’avait pas empêché le Congrès étatsunien de voter en 1877 et 1899 des lois qui ont confiné les Sioux à l’intérieur de « neuf réserves beaucoup plus petites », dont Standing Rock [4]. En 2018, malgré une mobilisation qui réussit à faire plier de nombreux investisseurs le DAPL/Bakken est finalement en service et débite environ 500 000 barils de pétrole par jour, perpétuant l’injustice des implantations coloniales nord-américaines [5].

La mobilisation a débuté dès l’annonce du projet en 2014, mais elle s’est renforcée deux ans plus tard juste avant le lancement prévu des travaux. En mars 2016, les membres des tribus de Standing Rock et l’alliance citoyenne Lakota, Nakota & Dakota, se désignant comme « Protecteurs de l’Eau », installent Iŋyaŋ Wakȟáŋaǧapi Othí (Pierre Sacrée), un camp spirituel le long du tracé de l’oléoduc. « Le Camp Spirituel vise à stopper la construction et à alerter au sujet du DAPL, des dangers associés aux fuites d’oléoduc et de la nécessité de protéger les ressources en eau de la rivière Missouri...

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