Le boycott, action non-violente d’hier et d’aujourd’hui

Exemple d’une lutte victorieuse contre l’apartheid

, par GUYOT Madeleine

La ségrégation raciale existait en Afrique du Sud depuis la colonisation au XVIIème siècle. Les mouvements de défense des noirs, indiens et métis se sont organisés à partir du début du XXème siècle. L’ANC (Congrès National Africain) était un parti politique sud-africain né en 1923.

L’apartheid, système politique basé sur la ségrégation raciale, a été mis en place en 1948. D’abord toléré, l’ANC a été de plus en plus violemment réprimé, puis interdit en 1960. A commencé alors la lutte clandestine. En 1964, le leader de l’ANC, Nelson Mandela, a été condamné à la prison à perpétuité.

Mais la lutte s’est poursuivie dans le pays et en exil. Au niveau international, les pressions se sont faites de plus en plus fortes pour l’abolition de ce système. L’ONU prônait l’isolement du régime d’apartheid. De nombreux pays coupaient leurs relations avec l’Afrique du Sud, de grands groupes étrangers quittaient le pays.

Le mouvement Anti-Apartheid en Europe

Ce mouvement militant d’appui à la lutte lancée par les sud-africains avait pour but de sensibiliser les opinions publiques à la situation de racisme vécue par les Noirs, en appelant au boycott de produits ou de marques de consommation courante : Oranges Outspan, Essence Total.

L’impact économique était insignifiant, mais la pression politique était très forte.
C’était une lutte relativement facile, car elle était bien comprise par tous et pouvait être pratiquée par des nombreuses personnes, y compris les jeunes qui refusaient les oranges, bien reconnaissables, dans les cantines scolaires et chez eux. Si quelques groupes, comme les viticulteurs ou certaines fédérations sportives se montraient récalcitrants, les pouvoirs publics se montraient favorables.

L’apartheid a été aboli, officiellement, en 1991

Nelson Mandela a été libéré en 1990. Aux élections de 1994, il a été élu président de l’Afrique du Sud, avec, comme vice-président, Frédérik de Klerk, artisan de l’abolition.

Les militants Anti-Apartheid avaient apporté leur minuscule grain de sable à cette grande histoire et chantaient leur victoire.

L’action du Mouvement Anti-Apartheid à Montpellier

Le Mouvement Anti-Apartheid (MAA) s’est fondé en France en 1975. Avant cela, des actions se menaient déjà contre le racisme et l’apartheid, Le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), par exemple, en organisait.

Quand on a lancé le Mouvement Anti-Apartheid vis à vis de l’Afrique du Sud, plusieurs formes d’action ont été utilisées. Il n’y a pas eu que le boycott des oranges Outspan, mais aussi le boycott de l’essence Total, le boycott des banques. Ces derniers boycotts étaient naturellement moins suivis par la population que celui des oranges Outspan, plus facile à faire.

Le MAA s’est déroulé dans la continuité de 1975, jusqu’à 1993 environ à Montpellier, l’arrêt du système de l’apartheid ayant été proclamé en 1991. Nous avons utilisé diverses formes : boycott des oranges Outspan sur les marchés, marches, théâtres-tracts dans les rues, conférences…

L’Afrique du Sud était un pays peu connu du grand public et nous avons d’abord informé sur ce pays et la condition des Noirs dans les bantoustans. Nous avons été très aidés par le Centre de l’Afrique Australe, à Paris, qui diffusait une très bonne information, qui a pu être multipliée par le MAA par journaux, dossiers, tracts, etc.
Nous avons aussi fait venir à Montpellier des militants anti-apartheid d’Afrique du Sud qui faisaient une tournée en Europe. Nous sommes intervenus auprès des municipalités du département pour qu’elles apportent leur soutien.

Que reste-t-il de cette action dans notre ville ? Il reste une rue, la rue Albert Luthulli (1898- 1967), dans le quartier Vert Bois. Albert Luthulli a été président de l’ANC de 1952 à 1967 et a reçu le prix Nobel de la Paix pour son action contre l’Apartheid en 1960. C’est en 1978 que la municipalité de Montpellier a donné le nom de cette personnalité africaine à une rue.

L’appui des Nations Unies

1978 est l’année déclarée « année contre l’Apartheid » par l’ONU. Notre action a en effet été très aidée par toute l’évolution qui a eu lieu dans les institutions telles que l’ONU. L’ONU avait un cabinet spécial pour traiter les questions de l’apartheid et publiait de la documentation sur ce problème, elle appuyait l’action de boycott, ainsi que les sanctions internationales contre le régime de l’apartheid.

Dans les années 1981, les actions anti-apartheid ont été également soutenues par le gouvernement Mitterand. Tout cela a changé la face des choses.

Je voudrais rappeler justement quelques-unes des pensées souvent citées dans les réunions anti-apartheid et prononcées par deux prix Nobel de la Paix :

* Desmond Tutu (évêque anglican de Johannes burg, Nobel 1984) :
« Notre pays court à la catastrophe et seule l’action et les pressions de la communauté internationale sont un moyen non-violent de parvenir à construire une Afrique du Sud nouvelle, une société non raciale, démocratique et juste ».

* Et le déjà nommé Albert Luthulli  :
« Je vous demande de ne pas vous abstenir d’agir, sous prétexte que les sanctions apporteront plus de souffrances aux Noirs qu’aux Blancs. Nous avons été les victimes de profondes souffrances bien avant le boycott et l’appel aux sanctions. Nous ne reculons pas devant les souffrances qui doivent nous conduire à la liberté ».
Ces paroles restent toujours d’actualité.