Emergence de nouvelles exigences démocratiques au Mexique

Introduction

Entre intégration nord-américaine et puissance des mafias

, par CIDES

Ces dernières années, l’histoire du Mexique a été plus que jamais liée à la situation et aux choix politiques de son grand voisin du nord, les Etats-Unis. Parfois, les gouvernements des deux pays trouvent un terrain d’entente, c’est le cas dans le domaine économique avec la signature du traité de libre échange, l’Alena. En revanche, les relations sont plus tendues sur le thème des migrations vers les Etats-Unis. La question de la sécurité binationale, qui se cristallise autour de la frontière, haut lieu des migrations et des trafics en tous genres, est devenue un thème central depuis le 11 septembre 2001.

Dans la société mexicaine, la répartition des fruits de la croissance est de plus en plus inégalitaire. La mondialisation des échanges accélérée plonge dans la détresse les petits paysans, les poussant à chercher des solutions vers la grande ville ou vers les Etats-Unis.
Face à ces difficultés de survie et aux réponses limitées de l’Etat, de multiples mouvements revendicatifs affichent une demande très forte de justice et de démocratie.

Marche de la Coordination nationale des travailleurs de l’éducation
Photo : Jesús Villaseca P/Latitudes Press, 2008

Mais qu’en est-il du système politique ? Après 70 ans d’hégémonie du PRI (gauche clientéliste), parti Etat issu de la révolution, le pays a connu une alternance démocratique avec deux mandats du PAN de 2000 à 2012.
Les élections présidentielles de 2006 avaient révélé un système politique fragile et certainement toujours corrompu, et débouché sur une crise politique : la contestation des résultats avait paralysé pendant deux mois la capitale.

L’ancien président Felipe Calderon s’était lancé dans une lutte très visible contre le crime organisé, notamment celui des narcotrafiquants, tout en donnant des gages au gouvernement américain dans sa pression contre les migrants.

2008-2013 : Economie et société fortement bousculées

Le mandat du président Calderon (PAN) a été caractérisé par la guerre entre les cartels et contre les cartels, avec le soutien des Etats-Unis, fournissant au Mexique à la fois du matériel militaire et des mercenaires américains grâce au plan « Initiative Merida ».

Le nouveau président Peña Nieto (PRI) est toujours confronté au pouvoir des mafias. La spirale de la violence continue.

Le pays semble vivre dans un certain « chaos », avec le pouvoir de l’Etat visiblement bafoué et un pouvoir officiel quasi inexistant dans certains Etats. Le principal problème est celui de la corruption qui gangrène jusqu’au plus haut niveau des institutions.

Pendant que Calderon augmentait de 100% le budget de la Défense et de 13 000 à 37 000 le nombre des agents de la police fédérale, des milliers de jeunes enrôlés par le narcotrafic (les « ni-nis ») sont devenus la « chair à canon » de cette guerre.
L’échec de la stratégie de Calderon semble patent : la guerre entre les cartels a atteint une violence extrême qui provoque un climat de peur - voire de terreur - dans le pays, d’autant plus qu’à la faveur de cette violence, la petite délinquance a pris des formes multiples qui affectent toute la population.

Il n’y a plus d’information réelle sur ce qui se passe, une véritable omerta s’est mise en place : des journalistes sont assassinés ou disparaissent, les médias ne cherchent plus à publier des enquêtes ou donner des détails sur les assassinats journaliers. On évalue à au moins 70 000 le nombre de morts liés à cette violence pendant la présidence Calderon.

Pourtant, le nouveau président ne remet pas en cause le déploiement massif de militaires et les chiffres de la violence n’ont pas connu de baisse significative.
C’est son parti, le PRI, qui avait laissé s’installer la corruption et s’était lié au narcotrafic pendant des décennies.