Élections municipales, européennes, départementales et régionales 2014-2015 : l’immigration au cœur du débat politique

Introduction

Analyse et décryptages des discours

, par ASIAD , M’BODJE Mamadou

Après un dossier intitulé L’immigration en France : histoire, réalités et enseignements…, où l’ASIAD revenait sur les réalités, les difficultés et les apports des immigrations que la France a connues et connaît, il s’agit ici de décrypter les discours politiques autour de la question migratoire en période électorale, en France et dans d’autres pays européens.

On assiste, bien avant les dernières campagnes présidentielles et législatives (2011-2012) à une montée populiste en France et en Europe, créant peu à peu l’angoisse dans les états- majors politiques et les différents gouvernements. Chaque parti politique déploie depuis, sa stratégie de reconquête ; dès lors, avec le retour des controverses rituelles sur les prévisions de croissance, le chômage, la sécurité, l’immigration ou le dernier fait divers, une poignée de villes comme Paris, Marseille, etc ; concentrent déjà toute l’attention des partis politiques et des médias.

Bureau de vote parisien, élections municipales 2014. Photo : Clémentine Gallot.

Pendant ce temps, plusieurs drames se succèdent au plan national et européen : expulsions de Roms, nouveaux chiffres sur l’expulsions de clandestins, attentats, la mort en mer de milliers de migrants qui avaient pour destination la Grèce ou Lampedusa, l’île italienne située au large de la Sicile,... Ces événements ont-ils un lien avec les succès à toutes les élections du Front national (FN) ? Du côté des partis républicains, on parle de l’expression d’un malaise, d’une rupture identitaire, d’une angoisse sur le futur,… Le FN devient-il l’obsession nationale ?

Catherine Withol de Wenden explique déjà en 1995*, comment le thème de l’immigration commence, sous une forme nouvelle a envahir la scène politique au cours des années 80 changeant quelque peu de nature : l’approche économiciste (coûts/avantages) ou ouvriériste (place dans le mouvement immigrés et ouvriers) cède la place à l’approche politique, voire politicienne (maîtrise des flux, réfugiés, citoyenneté-nationalité, identité nationalité) et culturelle (intégration, islam, communautarisme, multiculturalisme ou assimilation).

La décennie 90 (à nos jours) semble, d’ores et déjà, marquée par de nouveaux enjeux, à dominante plus géopolitique (l’Europe et l’Islam, demandeurs d’asile / réfugiés dans le monde, allégeances et ingérences, citoyenneté en Europe, antisémitisme, terrorisme et attentats) ou au contraire plus locale et domestiques (familles, banlieues, exclusion).

Quelques stéréotypes envahissent les imaginaires et les représentations collectives : ainsi, la fascination-répulsion pour les prétendus modèles anglo-saxons ou américains du ghetto ou du communautarisme à base ethnique ou religieuse. Des amalgames se font jour autour du musulman, du délinquant, du clandestin, du réfugié et peu à peu le débat politique tend à fabriquer des prototypes, les enfermant dans des catégories et les assignant à des identités exclusives et réductrices, surtout depuis les horribles attentats à Paris de janvier et novembre 2015.

Ces mutations, tant qualitatives que quantitatives, de la place de l’immigration dans le débat politique, sont révélatrices de l’orientation des politiques migratoires vers des politiques d’opinion, où les pouvoirs publics, tant en France qu’en Europe, cherchent à satisfaire des mentalités inquiètes, voire à donner l’impression de mener des politiques radicalement différentes de leurs adversaires tout en faisant sensiblement la même chose d’autant que la marge de manœuvre est faible. Comment le débat politique autour de ces élections s’est-il laissé progressivement enfermer dans ce cercle vicieux ? Quel positionnement et mobilisation des associations de solidarité internationale (de migrants et autres), de défense des droits, des syndicats, … ?

Manifestation pour les droits des réfugiés, Paris, 22 novembre 2015. Photo : Alternative Libertaire.