Deux idées reçues sur les droits des femmes

, par Agenda de la Solidarité Internationale

« Il n’y a pas de lutte à problème unique, car nous ne vivons pas des vies à problème unique. »
Audre Lorde, écrivaine et poétesse américano-caribéenne, militante féministe, lesbienne, engagée contre le racisme.

Idée reçue n°1 : L’éducation, la formation et l’accès au crédit permettent à eux seuls l’autonomisation économique des femmes

Il est indéniable que l’éducation, la formation et l’accès au crédit sont des facteurs majeurs de réduction des inégalités pour les femmes, mais ils ne constituent pas des remèdes miracles. Alors que les filles disposent aujourd’hui d’un accès égal à l’éducation dans beaucoup de pays – sans pour autant oublier les taux très élevés d’analphabétisme parmi les femmes –, l’accès des femmes au marché du travail formel est limité et leur chômage plus important.

En Afrique du Nord et au Moyen-Orient [1] par exemple, les femmes sont souvent plus nombreuses que les hommes dans l’enseignement supérieur, alors que leur taux d’activité stagne autour de 25% et que leur taux de chômage représente plus du double de celui des hommes. Par ailleurs, l’éducation n’est pas non plus synonyme de réduction d’écart de salaire entre les hommes et les femmes. Le dernier rapport d’ONU Femmes [2] précise même qu’une fois les différences d’instruction entre les sexes prises en compte, l’écart de rémunération (ajusté) est en fait supérieur. Ce qui prouve que la progression de l’éducation des femmes ne se répercute pas entièrement ou de manière égale sur le marché du travail.

De son côté, l’accès au crédit peut consolider la sécurité économique et réduire les inégalités d’accès aux ressources financières. Mais l’augmentation de l’accès des femmes au crédit, notamment au microcrédit – qui s’est fortement développé ces dernières années –, ne constitue qu’une réponse partielle au problème. Certaines pratiques d’octroi de prêts par des institutions privées de microfinance, avec des taux intérêts élevés et l’absence de prise en compte des normes sociales qui entourent les femmes, ont à l’inverse augmenté leur vulnérabilité économique, leur endettement et même les violences à leur égard. Ces dernières s’accentuent notamment dans les communautés où la perspective de voir des femmes disposer d’un accès aux ressources plus important que celui des hommes provoque de nombreuses résistances, puisqu’elle s’inscrit aux antipodes de normes patriarcales profondément ancrées.

Chaîne humaine pendant la COP21, Paris, 29 novembre 2015. © Delphine Blast – Action Aid

Idée reçue n°2 : Faire avancer les droits des femmes ne bénéficie qu’aux femmes

En 2015, ActionAid a calculé le coût de l’inégalité au travail dans les pays en développement : plus de 8 milliards d’euros par an. Si les femmes avaient un salaire et un accès au travail rémunéré égal à celui des hommes, ce « gain » permettrait alors d’améliorer les conditions de vie des femmes les plus pauvres, mais aussi de leurs familles, de leurs communautés, étant donné leur insertion forte et leur rôle actif au sein de celles-ci. Par effet d’influence, c’est donc la société dans son ensemble qui bénéficierait de ressources supplémentaires pour se développer.
En dehors des arguments économiques, il s’agit aussi et surtout de faire reculer un système inégal, qui ne marginalise pas seulement les femmes. En critiquant les normes sociales, stigmatisations, discriminations et violences exercés à l’encontre de certaines personnes, sur la base de facteurs liés au genre, on ne peut faire l’économie des rapports de domination qui s’exercent aussi à l’encontre d’autres catégories sociales. Faire avancer les droits des femmes, c’est donc remettre aussi en cause les injustices et le système qui est à l’origine des inégalités, pour ouvrir la voie à un monde où personne ne verrait ses droits bafoués sur la base du sexe, de l’orientation sexuelle, de la couleur de peau, du statut professionnel, d’un handicap ou de tout autre facteur de discrimination.

Que peut-on faire ?

  • S’informer sur l’égalité de genre, le développement durable et les droits humains des femmes en suivant le travail mené par l’Association pour les Droits des Femmes dans le Développement (AWID)
    www.awid.org/fr
  • Consulter la sitographie Ritimo pour identifier les différents acteurs internationaux (ONG, institutions, médias, organismes de recherche...) actifs dans le domaine des droits de femmes et des questions liées au genre
    www.ritimo.org/4274
  • Soutenir des organisations qui ont des partenaires/membres dans les pays du Sud pour œuvrer à la défense des droits des femmes et l’égalité de genre dans ces pays, comme le réseau Genre en Action
    www.genreenaction.net
  • S’impliquer dans la campagne d’ActionAid France-Peuples Solidaires sur les droits des femmes au travail dans les pays en développement
    www.peuples-solidaires.org

Notes

[1Source données Banque Mondiale

[2Le progrès des femmes dans le monde 2015-2016 : Transformer les économies, réaliser les droits, ONU Femmes, 2015.