Le sport populaire, pour imaginer de nouveaux rapports sociaux
S’il est assez facile de trouver des usages du sport comme outil d’éducation à l’apprentissage des règles et normes sociales, il est plus rare de se confronter à l’expérimentation de nouvelles formes de société par le sport. On la désignera, ici, par « sport populaire », en référence à une pratique d’éducation populaire, visant l’émancipation. Mais on aurait pu aussi la dénommer « sport démocratique », en rappel aux principes de l’animation démocratique.
La république des sports
Expérience imaginée, dans le cadre scolaire, par Jacques de Rette, au milieu des années 1960, pour transformer l’éducation physique et sportive en une « expérience de la citoyenneté ».
« Expérience éducative, elle consiste à responsabiliser les enfants aux différents niveaux de la pratique sportive, de l’entraînement à la compétition, en passant par l’arbitrage, la gestion des équipes, etc. Si l’idée de faire participer les élèves à un mouvement démocratique est nouvelle voire « révolutionnaire » en EPS, l’utilisation des sports pour remplacer la « gymnastique de grand-père » (1962) est bien dans l’air du temps. En effet, le sport compétitif vient juste d’être consacré à l’occasion de la circulaire de 1962 commanditée par Herzog, haut commissaire à la jeunesse et aux sports. » [1] Les enfants ont à la fois le choix du sport pratiqué collectivement, mais ielles élisent également des représentant·es, chaque trimestre, qui se partagent la gestion de l’activité commune : préparation et entretien du matériel, règles d’arbitrage, etc. Et enfin, s’il y a bien des tournois, ceux-ci ne peuvent être remportés que grâce aux points marqués par toutes les équipes d’un même club, favorisant ainsi la dimension collective et solidaire du sport.
Fútbol Más
Fútbol Más est une initiative qui nait au Chili en 2008, avec l’idée de proposer des activités physiques et sportives, du jeu, aux communautés les plus vulnérables du pays. Le projet s’étend à l’Amérique (Haïti en 2014, Pérou en 2015...), à l’Afrique puis à l’Europe (en France, depuis 2018 et En Espagne depuis 2020). L’innovation principale est la transformation des règles de jeux, en particulier celles du football : les cartons changent de couleur et ont surtout pour objet de valoriser les stratégies collectives. Par exemple, un but ne vaut que s’il est encouragé par les joueur·ses des deux équipes. Pour en savoir plus : Fútbol Más, un exemple d’ECSI par le sport, DE MATTEIS Edouard, Alteractif, juin 2024, pp.5-6.
Le football autoarbitré à 7
« L’affaire remonte à Mai 68 qui ne fut pas qu’une révolte étudiante dans le quartier latin. Dans toute la France, les usines sont occupées, et les ouvriers cherchent à se distraire. Le secrétaire général du Club municipal d’Aubervilliers (CMA), Jo Dauchy, lance l’idée d’un challenge de foot entre des équipes constituées par les grévistes. Les matchs ont lieu dans la journée, au stade municipal. (...) Une fois le travail repris, l’idée s’impose chez les dirigeants du CMA de poursuivre l’expérience. Devant l’affluence (de nouvelles équipes s’agrègent, celle des enseignants, celle d’une entreprise de peinture, l’équipe des bouchers…), il est décidé de couper le terrain en deux dans le sens de la largeur et de simplifier les règles, de réduire les équipes à 7, et d’instaurer l’autoarbitrage, “il fallait faire jouer tout le monde” (...) Les configurations sociales des équipes ont évolué depuis. Elles sont davantage ancrées sur des sociabilités locale, amicales, de « cité » ou de communautés d’origine. Pourtant, l’esprit du foot à 7 demeure. Il se trouve même conforté par la croissance du nombre de joueurs qui recherchent un football plus simple et sans pression, avec une grande souplesse dans la définition des règles et des formules de compétitions. » Et l’autoarbitrage, alors ? « Chaque joueur se met en condition de considérer que sans les autres, pas de jeu possible. Outre ses équipiers, les joueurs de l’autre équipe sont aussi des partenaires qui lui permettent de jouer et donc de progresser. » Ainsi, les règles du foot autoarbitré doivent permettre une pratique sportive apaisée : « elles ont d’abord comme objectif de faciliter cet arbitrage partagé en éliminant les sources de conflits inutiles tout en favorisant le jeu offensif sans chercher à s’en prendre aux mollets, au tibia ou à la cheville de l’adversaire : pas de hors-jeu (le demi terrain aidant), pas de tacle, touche au pied... »
La FSGT organise régulièrement des tournois, y compris à l’international, dans le cadre de son engagement solidaire et internationaliste. Pour en savoir plus : https://www.footpopulaire-fsgt.org/fa7-autoarbitrage.