Le système de santé mondial à l’épreuve d’Ebola

Démocratiser l’accès aux soins pour tous : quelques exemples de mise en œuvre

, par CIIP

Les médicaments génériques

La production de médicaments génériques s’est développée quand la nouvelle politique de santé globale, encouragée par les USA et les institutions financières internationales, s’est imposée : il convenait de donner à des populations pauvres le pouvoir de se soigner à moindre frais et d’abaisser le coût des traitements.
Les médicaments génériques doivent répondre aux mêmes exigences d’efficacité que le médicament dit "princeps" qu’ils vont remplacer. Ils sont testés avant leur mise sur le marché et ils font l’objet d’inspections et de contrôles dans les pays occidentaux (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour la France, l’Agence européenne des médicaments de l’Union européenne, Direction des produits de santé commercialisés (DPSC) au Canada, Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis…) où les marchés pharmaceutiques sont très réglementés ; ces marchés le sont beaucoup moins dans les pays en voie de développement.

La production des médicaments génériques s’est considérablement accrue à partir des années 1990. Quelques grandes firmes multinationales du médicament ont concentré leur fabrication des génériques en Asie, essentiellement en Inde et en Chine. On estime que 80% des principes actifs des génériques sont produits dans ces deux pays.

Le Brésil : un système de santé ouvert à tous

Il y a 21 ans, l’État brésilien mettait en place un Système Unique de Santé (SUS) qui était gratuit et ouvert à tous. Le paradoxe, c’est que le budget alloué par l’État au secteur public est moins élevé que l’ensemble des dépenses effectuées dans le secteur privé. Les dépenses totales de santé représentent au Brésil 8,4% du PIB, ce qui correspond à la moyenne mondiale. Mais le budget alloué par l’État pour le SUS ne représente que 3,7% avec lequel le secteur public doit prendre en charge 190 millions de personnes, tandis que le système privé intervient pour 46 millions de personnes avec un budget plus élevé.

Ce système, le SUS, a présenté ces dernières années un bilan positif concernant son intervention auprès de la population ; mais le financement insuffisant fait l’objet de nombreuses critiques et nombre de voix s’élèvent pour obtenir au moins le doublement affecté au secteur de la santé publique. Au Brésil, comme dans d’autres pays où le système public occupe une place importante, la question fait débat sur la place du secteur privé dans le système de santé.

La couverture médicale universelle en Indonésie

En 2014, la mise en place de la couverture médicale a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme. L’objectif du gouvernement est de permettre, avec ce nouveau système baptisé "JKN", l’accès aux soins de santé à 65% des 240 millions d’Indonésiens, y compris de plusieurs millions de pauvres, d’ici 2019. Plus de 1700 hôpitaux participent au nouveau programme ainsi que 900 cliniques communautaires financées par l’État. En outre le gouvernement prévoit de construire 150 nouveaux hôpitaux.

La mise en œuvre du nouveau plan a pris effet en 2014 mais des difficultés surgissent très vite concernant les protocoles de soins, des attentes très longues pour des patients, l’inquiétude des personnels quant à leur rémunération et leur insuffisance en nombre…

Les médecins trop peu nombreux (33 pour 100 000 habitants), souvent fonctionnaires et mal rémunérés, exercent plutôt en milieu urbain plus lucratif. Il en faudrait 12 000 de plus et répartis sur l’ensemble du territoire, ce qui serait possible s’ils étaient mieux payés.

Des experts de la santé préviennent que le sous-financement pourrait nuire à la qualité des soins offerts. L’Association médicale indonésienne indique que les sommes versées par le gouvernement pour les pauvres sont insuffisantes et que, comme dans l’ancien système, ceux-ci pourraient avoir l’obligation de payer les médicaments.
En conclusion, le système de santé JKN doit être revu et amélioré sur de nombreux points.

Une innovation en Grèce : Les Dispensaires solidaires

En 2014, un tiers de la population est sans couverture sociale. Cette situation s’inscrit dans le démantèlement des services publics opéré par la Troika (FMI, Union européenne et BCE). Pour opérer une résistance face à cette situation injuste et désastreuse, des pharmacies et dispensaires sociaux qui sont des structures gérées et organisées par des bénévoles se sont mis en place. Ils se donnent pour mission de procurer des soins gratuits à des personnes n’ayant ni couverture sociale, ni moyens pour payer leurs médicaments et de militer avec les syndicats du secteur sanitaire et les organisations citoyennes pour un système de santé public de qualité pour tous.

Fin 2014, 50 dispensaires ont été installés dans tout le pays grâce à l’action et au travail des bénévoles, médecins généralistes ou spécialistes et citoyens militants. Ces dispensaires fonctionnent grâce aux dons des citoyens, ils refusent les subventions publiques et les dons d’entreprises, mais acceptent les médicaments collectés par les citoyens. Les décisions sont prises en assemblée générale. Des dizaines de milliers de personnes ont déjà été soignées gratuitement. Ces structures, outre leur grande utilité patente, manifestent leur opposition à une société de pauvreté et de misère présentée au peuple grec comme seule alternative de survie.

Cuba, un contre-exemple à suivre…

Quand l’OMS a décidé de lancer un vigoureux appel aux États pour qu’ils envoient au plus vite des soignants, des fonds, du matériel, seuls deux pays ont répondu immédiatement en annonçant des envois de soignants : ce sont la Chine et Cuba. L’ONG française Médecins sans frontières était déjà sur le terrain mais débordée par l’étendue du désastre sanitaire.

Chine et Cuba : deux États qui, dès l’avènement de leur révolution, avaient mis en place l’édification de systèmes orientés vers la santé et l’éducation de leurs populations défavorisées. Mais la Chine a ensuite modifié ses orientations politiques,
Dans les décennies qui ont suivi, Cuba, ce petit pays peuplé de 11 millions d’habitants, sans richesse minière, qui subit depuis un demi-siècle le blocus imposé par les États-Unis, a un nombre de médecins qui en fait un des pays le mieux pourvu : 83000 médecins parmi lesquels de nombreux spécialistes. Il est le premier intervenant lorsqu’il se produit une catastrophe dans le monde (par exemple, au Pakistan, lors du tremblement de terre à Haïti...). Il y a en permanence environ 5000 médecins et soignants qui travaillent dans les bidonvilles et dans les zones rurales de pays en voie de développement. Cuba a aussi formé dans ses universités des milliers d’étudiants venus d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et même des États-Unis, pour ceux qui ne pouvaient payer des études très coûteuses dans leur pays.

Ainsi, l’État cubain – même s’il est peut être critiqué sur d’autres aspects - a réussi à mettre en place un système de santé gratuit et universel pour sa propre population et contribue à l’amélioration de la situation sanitaire de la population mondiale.

Ces quelques exemples, non exhaustifs, le montrent : il est possible d’assurer la sécurité sanitaire dans le monde à condition de renoncer aux politiques désastreuses dont les effets ont été suffisamment démontrés. Si les opinions publiques peuvent recouvrer la liberté de changer la donne : mettre en place des systèmes démocratiques, démettre de leurs fonctions des responsables politiques indifférents au mieux ou corrompus au pire. Si les forces démocratiques solidaires au niveau international peuvent redonner sa place et ses budgets antérieurs à l’OMS et limiter les pouvoirs exorbitants des multinationales du médicament et les institutions bancaires complices telles la Banque Mondiale et le FMI, alors il sera envisageable pour nombre de peuples de modifier radicalement leur devenir : promouvoir la satisfaction des besoins essentiels, le respect des droits à l’éducation, à la santé, à un habitat décent, avoir la volonté de recourir à la négociation plutôt qu’à la guerre en cas de conflit... C’est la seule voie qui pourra peut-être empêcher, par une mobilisation de tous, que l’apparition d’une épidémie soit le signe d’ une catastrophe annoncée.