Démocratie directe

Idéal politique et philosophique, la démocratie directe est aujourd’hui invoquée par rapport aux défaillances de la démocratie représentative (délégation de mandats par les citoyens), au déficit démocratique et au sentiment de décalage entre les populations et leurs représentants. Elle désigne donc, par opposition, un système où la citoyenneté puisse exercer pleinement sa souveraineté sans qu’il n’y ait pour cela d’intermédiaire, d’organe représentatif ou de médiation hiérarchique pour la pratique du débat et la prise de décision collective.
Appliquée à l’organisation économique et/ou sociale et à la gestion des ressources par un collectif, la démocratie directe ouvre la perspective de l’autogestion.
Si d’ordre général, elle s’inscrit dans la recherche de l’horizontalisme [1], la démocratie directe est revendiquée depuis de nombreux courants, de l’anarchie à l’antiparlementarisme nationaliste.

Définition développée

Parmi les outils de la démocratie directe, on compte l’initiative populaire et le mécanisme de pétition, le référendum, le fonctionnement par assemblées locales et assemblées générales, voire aussi le tirage au sort des représentants (appelé La Stochocratie [2]). Ainsi, la mise en œuvre de la démocratie directe privilégie des mécanismes faisant appel à l’unanimité ou au consensus au détriment du vote.
Face à la perte de légitimité des gouvernants, certaines pratiques de désobéissance civile peuvent concourir à des formes d’expression de la démocratie directe. C’est en substance, un exemple que l’on retrouve dans le principe du « mandar obedeciendo » (« commander en obéissant) développé par les néozapatistes mexicain [3].
Pour Jean Designe de Juristes-Solidarités, la notion de démocratie directe signifie que « "chaque individu est un acteur de la vie de la cité ; c’est la démocratie des quartiers de base, par opposition à la démocratie formelle avec délégation de pouvoir comme dans les pays du Nord". Comme le remarque François Bourges, de la mairie de Rezé, alors que la "démocratie directe concerne 80% de la population de Lima (Pérou), elle n’a aucune représentation dans la sphère de la démocratie officielle". Mais inévitablement, cette démocratie de quartier a des limites : elle est sujette aux pressions politiques et est déformée par le clientélisme et la tentation d’adapter son discours, son projet, aux tendances politiques ambiantes et de faire des concessions en vue d’obtenir un financement, à tel point que les projets en deviennent dénaturés ». [4]
Enfin, parmi les prolongements récents de la notion de démocratie directe, dans une perspective d’horizontalité et d’intelligence collective, on peut s’intéresser à la notion récente d’holoptisme.

Exemples

Le Thing, dans la tradition germano-scandinave était une « assemblée de gens libres d’un pays, d’une province ou d’une subdivision administrative [5] ».
Parmi d’autres exemples contemporains de mouvements ou d’expériences politiques se réclamant de la démocratie directe, on trouve :

  • les réunions communales (town meetings) de la Nouvelle-Angleterre aux États-Unis (1620 - jusqu’à nos jours)
  • la Commune de Paris (1871),
  • les soviets de Russie (1905 et 1917 à 1921),
  • les conseils ouvriers en Allemagne et en Italie (1918-1920),
  • les communautés libertaires espagnoles (1936),
  • les conseils ouvriers hongrois (1956),
  • le mouvement de mai 1968 en France,
  • les néozapatistes (EZLN) au Mexique (1994 – jusqu’à nos jours) [6]
    Enfin, on pourrait également citer le cas de la Suisse qui a institutionnalisé le recours et l’usage aux référendums d’initiative populaire.

Historique de la définition et de sa diffusion

D’une certaine manière, on peut considérer que, de l’Antiquité à l’avènement du féodalisme et de l’absolutisme, des clans, des groupes sociaux et des bourgs avaient principalement recours à des modalités de démocratie directe dans l’organisation de leur fonctionnement collectif.
Sous l’Ancien Régime, les classes dirigeantes, ne prêtant guère de crédit à la participation du peuple aux décisions, lui confisquent l’exercice direct de sa propre souveraineté, suscitant les mouvements de révolution au XVIIIème siècle.
Les idées des Lumières viennent réactualiser la référence à la démocratie directe, notamment en la personne de Jean-Jacques Rousseau et de son concept de « souveraineté populaire » : « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté générale ne se représente point. [...] Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le Peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi ». [7].
Pourtant, nombreux sont ceux qui estiment que les mécanismes de démocratie directe ne sont applicables qu’à des territoires restreints, à faible densité de population et de structure sociale homogène. La construction des États démocratiques moderne se fait donc davantage sur le modèle de démocratie représentative, à la fin du XVIIIème siècle, à l’exception de la Suisse qui intègre des mécanismes de démocratie directe (au niveau fédéral, cantonal et local) dès 1848. Pour d’autres illustrations plus récentes de la notion, voir la section : Exemples.