Démocratie déliberative

La démocratie délibérative pourrait être envisagée comme un prolongement de la démocratie participative. Pourtant, « participer » et « délibérer » relèvent de sens différents. Dés lors, la démocratie délibérative, en tant que concept philosophique, est « l’idée selon laquelle la démocratie est un processus de décision enraciné dans un tissu complexe d’interactions politiques, dont la forme intelligible (rationnelle) est le discours ; sur cette base, il est possible d’établir un critère normatif de démocratie légitime, en termes de conditions idéales de parole et d’interactions politiques non faussées » [1]. En d’autres termes, c’est la conception selon laquelle « la délibération publique de citoyens libres et égaux constitue le noyau de l’autonomie et de la prise de décision politiques légitimes » [2].
Le site Démocratie participative souligne enfin que la délibération, en tant que « fondement essentiel de l’action publique [est une] formule [qui] permet de distinguer la délibération comme aboutissement du travail d’une assemblée décisionnelle (le conseil municipal par exemple) et délibération comme processus de discussion qui permettrait de revitaliser la participation démocratique ». [3].

Définition développée

Poursuivant sa réflexion sur la démocratie participative, Simon Whul fait mention de la démocratie délibérative dans sa qualité à « insiste[r] sur la qualité des discussions (argumentation, universalisation, ouverture aux citoyens, transparence des débats) en amont et en aval de la décision publique : en amont pour préparer et orienter les choix politiques ; en aval pour en évaluer les effets par rapport aux finalités avancées (…) à la différence des modèles habituels de démocratie participative qui se proposent d’associer les habitants à la prise de décision, voire à la gestion ou à la cogestion d’une fraction des ressources publiques ». L’auteur reprend ainsi la distinction opérée par Loïc Blondiaux [4], rappelant que « les objectifs assignés à ces deux orientations sont différents :
 La démocratie participative, lorsqu’elle ne se limite pas à la simple consultation des populations, tente de réactualiser l’idéal des « Anciens » d’une participation directe des citoyens ordinaires à la prise de décision politique et, dans les initiatives les plus abouties, à la gestion de certains programmes y afférant ( Budget participatif à Porto Alegre et d’autres villes brésiliennes). Le risque ici, est de surcharger le cahier des charges participatif (en temps consacré, en compétences multiples à acquérir), ce qui ne serait compatible qu’avec une nouvelle délégation de citoyenneté auprès d’une élite participative.
 La démocratie délibérative, se centre, non sur la prise de décision elle-même, mais sur la qualité et l’étendue des délibérations en amont, pour sa préparation, et en aval, pour son évaluation. Dans cette optique, des espaces publics de discussion doivent être organisés hors des arènes officielles, permettant d’inclure tous les citoyens ordinaires qui le souhaitent au sein de débats conduits suivant certaines règles : recherche de l’entente, universalité de l’argumentation tournée vers le bien commun, publicité des débats et des questions en conflit, etc. Le problème soulevé par cette posture délibérative est celui de l’inégalité de compétences et de pouvoirs – entre citoyens, entre citoyens et institutions au sein des espaces publics de débats – qui contredit l’hypothèse d’échanges égalitaires supposés nécessaires à la pratique délibérative » [5].
James Bohman précise enfin : « En général, on oppose cette conception à une conception agrégative du choix social et de la prise de décision qui ne rend compte ni de la réflexivité des préférences ni de l’influence envahissante des contraintes institutionnelles [...] Au cœur de l’idée de démocratie délibérative, quelle qu’en soit la forme, réside l’idée que la délibération implique fondamentalement que soient exprimées de façon publique les raisons qui justifient lois, décisions et politiques gouvernementales, autrement dit les moyens par lesquels les citoyens organisent et régulent ensemble leur vie commune [et en ce sens] (…) la démocratie délibérative fournit un idéal normatif (…) [6].

Utilisations et citations

« La norme n’est légitime que si elle fondée sur des raisons publiques résultant d’un processus de délibération inclusif et équitable, auquel tous les citoyens peuvent participer et dans lesquels ils sont amenés à coopérer librement » [7]

« La plupart des citoyens, et la plupart du temps, consacrent peu de temps et peu d’efforts à discuter des affaires publiques. Du point de vue de la théorie démocratique, c’est regrettable. Mais nous pouvons faire l’expérience de savoir ce que les gens pensent lorsqu’ils sont incités à se conduire comme des citoyens idéaux. Si nous diffusions ensuite les résultats de cette expérience à l’intention de tout le pays, cela permettrait peut-être d’intéresser au débat public tous ceux qui ne le sont pas spontanément. Les téléspectateurs pourraient constater que des personnes semblables à eux parviennent à certaines conclusions quand elles sont mieux informées, qu’elles s’expriment sur certains sujets et qu’elles mettent l’accent sur certains enjeux lorsqu’elles se sont engagées dans le débat. [...]. Nous nous efforçons de créer une situation dans laquelle les meilleurs arguments prévalent- il s’agit d’assurer une situation d’engagement civique et de respect mutuel, dans laquelle toutes les occasions sont données aux citoyens d’évaluer les arguments en présence, de formuler leurs propres idées maîtresses concernant les problèmes soumis à la discussion. » [8]

Ces deux citations sont tirées du site Démocratie Participative, entrée « démocratie délibérative » : http://www.participation-locale.fr/article.php3?id_article=34