Conclusions : ressources naturelles et géopolitique de l’intégration sudaméricaine

Par Monica Bruckmann

, par ALAI

Cet article a initialement été publié en espagnol, et il fait partie d’un dossier intitulé Ressources naturelles et géopolitique de l’intégration sudaméricaine. Il a été traduit par l’équipe de traducteurs bénévoles de rinoceros .

Conclusions

La conjoncture latinoaméricaine contemporaine est marquée par de grandes avancées en ce qui concerne les projets et processus d’intégration régionale. A la dynamique d’intégration complexe des nations, s’ajoute l’intégration des peuples et des mouvements populaires, avec un pouvoir croissant de pression sociale et de participation à l’élaboration de politiques publiques qui reflètent l’affirmation du mouvement démocratique. Dans ce contexte, le principe de souveraineté acquiert de plus en plus d’importance, entendu comme la capacité d’autodétermination des Etats, des nations, des peuples et des communautés.

Cette souveraineté signifie aussi l’appropriation de la gestion économique et scientifique des ressources naturelles, qui permettra d’élaborer des stratégies de développement à partir d’un inventaire régional des minerais non combustibles, du pétrole, du gaz naturel, des écosystèmes, de la biodiversité, etc.

Les données montrent que l’Amérique Latine possède d’énormes conditions de négociation en ce qui concerne les minerais stratégiques dont les principales réserves se trouvent dans la région. Nous avons montré le haut degré de vulnérabilité et de dépendance des importations des Etats-Unis par rapport à un grand nombre de minerais que l’Amérique Latine produit.

La relation commerciale et économique grandissante avec la Chine représente une opportunité de développer une relation stratégique qui cesse de reproduire en Amérique Latine le modèle d’exportation de matières premières de faible valeur ajoutée et qui s’oriente vers une stratégie d’industrialisation de ses ressources naturelles basée aussi sur un développement scientifique et la production de savoir et d’information qui élève le niveau de vie de sa population.

Une politique régionale d’industrialisation des ressources naturelles est nécessaire, notamment concernant celles dont l’Amérique Latine détient des réserves importantes. Cette politique a besoin de s’approprier la recherche scientifique et technologique en lien avec les minerais, vouée à développer des technologies d’extraction avec le plus faible impact environnemental possible, des connaissances détaillées des matériaux et leur application industrielle, de l’innovation technologique et de nouveaux usages industriels.

Ces objectifs exigent aussi la création d’instruments d’analyse pour une gestion plus efficace des ressources minérales. Cela signifie :

 Élaboration d’un « inventaire dynamique régional »45, qui inclut les réserves estimées, les réserves prouvées, les zones d’extraction et de production de minerais. Cet inventaire requiert un travail de recherche centralisé avec une capacité de mise à jour permanente.

 Construction de modèles analytiques pour l ‘élaboration de taux d’épuisement ou de drainage de ressources minérales en mettant en relation : niveaux de réserves, production, tendances de la demande régionale et mondiale, et dynamique des cycles technologiques.

 Mesure de l’impact environnemental et social de l’extraction et de la production, afin de calculer des taux de compensation et des stratégies de récupération environnementale.

Dans le même temps, il est nécessaire de considérer la croissante dispute pour les minerais comme une des tendances dominantes au niveau mondial. L’Amérique Latine apparaît comme une des grandes régions en jeu. La Chine cherche de façon agressive des minerais en Afrique et en Amérique Latine, comme nous pouvons le voir dans l’annexe 2 sur les accords bilatéraux et les investissements de la Chine dans la région. Cette diversité d’acteurs mondiaux peut être utilisée comme instruments positifs pour assurer la souveraineté et augmenter la capacité de négociation de l’Amérique Latine.

L’Amérique Latine a les conditions pour participer à la formation du prix international des minerais. Une politique de formation de groupe de producteurs orientée vers la récupération de la gestion de la production, des réserves, de l’industrialisation et du commerce de ces ressources signifie clairement une politique de récupération de la souveraineté et d’affirmation des objectifs régionaux. L’exemple de l’OPEP est une référence fondamentale pour la réalisation de ces objectifs.

Une politique adaptée de gestion des ressources en Amérique Latine doit prendre en compte, de façon urgente, la diminution drastique de l’effet dévastateur de ce secteur sur l’environnement. La gestion souveraine des ressources naturelles implique une stratégie scientifique, orientée vers la connaissance profonde de la nature, des étages écologiques, des écosystèmes et de la biodiversité que la région possède. La recherche scientifique pour le développement de nouveaux matériaux s’intensifie à travers le monde. L’Amérique Latine ne peut pas rester en marge de ce processus.

Nous réaffirmons, à partir des informations montrées dans cette étude, que l’Amérique Latine possède une large capacité de négociation avec les Etats-Unis en ce qui concerne les minerais stratégiques, en plus d’une grande capacité de formation internationale des prix de ces derniers. Aucune de ces deux conditions avantageuses n’est utilisée par les pays de notre région afin d’améliorer les conditions d’échange et de commercialisation de ces ressources. Encore moins d’importance est accordée à l’énorme potentiel que la région a pour avancer vers une politique d’industrialisation de celles-ci, dans le but d’ajouter de la valeur à ses exportations. Sans doute, ce sont des défis qui nécessitent d’être pris en compte dans l’agenda de discussion et d’action de l’Unasur et, d’une manière générale, dans celui des divers forums d’intégration régionale en développement.